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Etude du chant IX de l'Odyssée

Commentaire de texte : Etude du chant IX de l'Odyssée. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Janvier 2013  •  Commentaire de texte  •  5 078 Mots (21 Pages)  •  3 581 Vues

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Les difficultés de ce sujet :

F Le problème de maîtrise littérale de l’œuvre : il s’agit bien d’étudier le chant IX de l’Odyssée !

F L’erreur majeure relevée dans vos copies a été celle de la paraphrase essentiellement en première partie de devoir : beaucoup d’entre vous ont choisi de décrire les cyclopes sans lier cette description à des effets de sens. Vous êtes donc restés en deçà de la signification pour décrire et raconter le texte ! Cela a donné lieu ensuite à une seconde partie fourre-tout avec cette fois, toutes les idées, mais sans justification ! Ne racontez pas le texte : il faut l’étudier dans un propos argumentatif, analytique et justifié.

F Il faut une fois de plus (comme dans le DS précédent !) distinguer le sens littéral de la lecture symbolique que l’on peut faire du passage. N’affirmez pas ainsi de but en blanc qu’Ulysse n’est plus un homme ! Montrez qu’il s’éloigne peu à peu des valeurs qui sont celles de l’humanité dans cet univers !

F Il faut vraiment maîtriser les concepts et leur clivage : la perte du statut guerrier d’Ulysse est ainsi différente de la perte de l’identité.

Au chant IX, vers 105 à 566, après avoir été confrontés aux Cicones et aux Lotophages, Ulysse et ses compagnons croisent les îles des Cyclopes. Cette rencontre est particulièrement détaillée à travers le cas du cyclope Polyphème. Il semble que cet épisode ait particulièrement marqué les Grecs puisque c’est celui qui a donné lieu aux représentations artistiques les plus anciennes. Par ailleurs son interprétation faisait l’objet de débats. Héraclite, dans les Allégories d’Homère, y voyait un passage moral fustigeant l’emportement sauvage, tandis que Sophocle et Euripide voyaient dans l’attitude d’Ulysse une glorification de la cruauté et de la fourberie. Aussi pourra-t-on se demander quelles significations on peut attribuer à l’épisode des cyclopes. Nous verrons dans un premier temps que l’on peut lire le passage comme un conte moral. Puis, nous nous demanderons quelles significations l’extrait peut revêtir à l’égard du parcours initiatique d’Ulysse. Enfin, nous verrons en quoi ce passage explore le questionnement grec sur la notion d’humanité.

Il semble que l’on puisse lire l’épisode des cyclopes comme un conte à visée morale.

Le récit comporte en effet une dimension étiologique. Si « cyclope » veut dire « œil rond » en grec, il s’agit alors d’une représentation mythifiée et narrativisée de la force des volcans, d’où la comparaison de la tête des cyclopes avec le « sommet boisé d’une haute montagne », leur habitat au sommet d’une montagne, et le fait qu’ils jettent des pierres. On peut les rapprocher en ce sens des Lestrygons qu’Ulysse croise au chant X. Dans toutes les mythologies, les volcans sont d’ailleurs considérés comme des lieux de passage mystérieux et particulièrement imposants vers le monde surnaturel.

Nous sommes ainsi clairement avec les cyclopes dans le monde merveilleux : la navigation par laquelle Ulysse et ses compagnons sont arrivés dans le pays cyclopéen n’en est pas vraiment une ; c’est une dérive au hasard dans un monde sans géographie précise et réelle et sans repère : « Nous reprîmes la mer avec tristesse. / Nous atteignîmes un pays de hors-la-loi » (v.105-106). Le passage du pays des Lotophages à celui des cyclopes est significatif puisqu’aucun direction n’est donnée et les circonstances de la traversée ne sont pas précisées. En outre, les cyclopes sont dits proches des dieux (ils étaient les anciens voisins des Phéaciens, aux aussi distingués par les dieux) et en particulier de Poséidon, dont Polyphème est le descendant. C’est ainsi Poséidon que Polyphème, rendu aveugle, invoque à la fin du chant IX, et qui exhaussera son vœu. Le personnage est en lui-même un personnage de conte, par sa grandeur, son aspect rustre et primitif, son mode de vie et sa faim cannibale : qu’on songe par exemple aux personnages d’ogres qui peuplent les récits folkloriques[1] !

Ce conte semble de plus avoir une signification morale. C’est en tout cas la lecture qu’en propose Héraclite dans les Allégories d’Homère, puisqu’il voit dans le personnage de Polyphème le portrait de l’emportement sauvage, de la bestialité et de l’ignorance : Polyphème, qui n’a écouté que son ventre et a mangé les compagnons d’Ulysse en dépit des exhortations à la sagesse de ce dernier, se moquant ainsi des dieux et de l’hospitalité, est puni par la ruse d’Ulysse. Cependant, comme dans de nombreux contes, ce n’est pas la morale qui triomphe, mais bien la ruse, la fourberie même, ainsi que le soulignait Sophocle dans Philoctète. Ce conte merveilleux est donc à la fois moral en ce qu’il triomphe de la bêtise et des bas instincts du cyclope, et immoral en ce qu’il glorifie le mensonge et la ruse.

Cependant, le passage des Cyclopes revêt également une signification précise dans le parcours initiatique d’Ulysse.

Face à Polyphème, Ulysse se rend coupable de transgressions qui l’éloignent un peu plus des dieux et des valeurs de l’humanité. Ulysse invoquait pourtant la piété à l’égard de Zeus pour recevoir de la part de Polyphème hospitalité et cadeaux. On est frappé par le fait que les premiers instants de la rencontre ne sont pas sous le signe de la menace : Polyphème s’occupe de ses troupeaux et de ses fromages et apercevant les grecs leur demande leur nom et s’ils sont marchands ou pirates. Il n’y a à proprement parler que sa voix qui est effrayante. C’est au contraire Ulysse qui se montre orgueilleux et agressif en exigeant accueil et dons, à l’opposé de l’attitude de l’étranger suppliant l’hôte qu’il aura au chant VII, face aux Phéaciens. Cette hybris s’accompagne ensuite de la crevaison de l’œil unique de Polyphème, qui renouvelle la transgression initiale d’Ulysse sur les rives de Troie, qui n’a pas rendu hommage aux dieux, et la colère de Poséidon. Ainsi, Ulysse s’éloigne de plus en plus des valeurs de l’humanité, à l’image des véritables monstres (les premiers puisque les Lotophages avaient l’aspect humain) qu’il croise ici.

De plus, il n’est plus question de bravoure guerrière et Ulysse est amené à perdre son statut de héros de la guerre de Troie. En invoquant cette identité, Ulysse

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