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Dissertation Marivaux

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Par   •  16 Octobre 2022  •  Dissertation  •  5 646 Mots (23 Pages)  •  260 Vues

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Jean-François de la Harpe, dans son oeuvre critique Le Lycée, ou cours de littérature écrivait à propos du marivaudage : « Marivaux se fit un style si particulier qu’il a eu l’honneur de lui donner son nom ; on l’appela marivaudage : c’est le mélange le plus bizarre de métaphysique subtile et de locutions triviales, de sentiments alambiqués et de dictions populaires ». Souhaitant apporter une nouveauté à la littérature du XVIIIème siècle, Marivaux invente un langage suggestif et spirituel qui lui permet d’exprimer les sentiments et la complexité psychologique de ses personnages. Marivaux se démarque alors de ce qui précède et se voit même attribuer la fonction de philosophe du coeur.

Prévost, auteur contemporain et fidèle ami de Marivaux écrit dans son périodique Le Pour et Contre : « Ceux qui savent que le cœur à son analyse comme l’esprit, et que les sentiments sont aussi capables de variété et de diversité que les pensées, ne seront pas surpris qu’un écrivain qui s’attache à développer aussi exactement les facultés du cœur que Descartes, Malebranche, celles de l’esprit, conduise quelquefois ses lecteurs par des voies qui lui semblent nouvelles, et qu’il emploie pour s’exprimer des termes et des figures aussi extraordinaires que ses découvertes ».

Ici Prévost dresse un parallèle évident entre les ouvrages purement philosophiques qui procèdent à une analyse conceptuelle de l’esprit et Marivaux, qui serait un philosophe qui effectuerait une analyse logique et quasi scientifique du coeur. Parallèle que l’on peut réduire aux deux sciences qui s’influencent mutuellement à l’époque des Lumières: la philosophie, analyste de l’esprit et la littérature, analyste du coeur. Philosophiquement, le coeur est définit comme un mode de connaissance intuitif, opposé à l’intelligence rationnelle et qui permet de croire en la vérité de certaines choses, Pascal disait « le coeur à ses raisons que la raison ignore ». A contrario, l’esprit est définit comme une substance immatérielle qui sert de support à la pensée, une activité réfléchie de l’homme, souvent définie comme une puissance surnaturelle. Selon Prévost, pour que ce parallèle puisse fonctionner, une condition se pose : le langage. Il faudrait ainsi réinventer le langage par des voix nouvelles et ce que Prévost qualifie de « figures extraordinaires ». Mais ce parallèle peu-il être tenu ? Est-il possible d’analyser le coeur scientifiquement? Et surtout par quels moyens ? Il s’agit alors de supposer que Marivaux effectue une analyse scientifique du coeur au moyen d’une nouveauté apportée au langage, et c’est ce que nous verrons dans ses deux romans, Le Paysan Parvenu et La Vie de Marianne. L’exactitude du propos que tient Prévost peut être nuancée puisqu’il définirait les romans de Marivaux non pas comme une réinvention du langage du coeur mais comme une véritable découverte scientifique.

Ainsi nous nous demanderons si le primat donné aux sentiments dans Le Paysan Parvenu et La Vie de Marianne de Marivaux, conceptualise le coeur au moyen d’une analyse scientifique et logique, nouveauté apportée par le langage et les découvertes de l’auteur, ou si ces oeuvres sont plutôt une mise en avant de facultés humaines connues permettant une révélation de la société.

Pour cela, nous verrons dans un premier temps que l’analyse du coeur effectuée par Marivaux au moyen d’une méthode scientifique est comparable à celle de l’esprit faite par ses prédécesseurs. Nous verrons ensuite qu’il ne s’agit pas véritablement d’une découverte, mais que le travail marivaudien permet la mise en lumière de facultés enfouies en l’être humain. Et pour finir nous verrons qu’au delà du coeur, les œuvres de Marivaux tente d’analyser la société elle-même.

Pour commencer, nous allons voir que le roman marivaudien est un lieu propice à l’analyse du coeur. À l’origine, le roman est une oeuvre littéraire mêlant réel et imaginaire, qui cherche à susciter l'intérêt, et le plaisir du lecteur en racontant le destin d'un héros principal, une intrigue entre plusieurs personnages, présentés dans leur psychologie, leurs passions, leurs aventures, leur milieu social… Mais l’analyse psychologique dans les romans de Marivaux se résument d’abord à l’analyse des sentiments. Pas d’invraisemblance ni de fantastique dans la Vie de Marianne, mais la perte de réalisme tient surtout dans les expériences tragiques dont elle est victime et qui s’enchainent de façon quasiment impossible. D’abord le meurtre de sa mère suite à une attaque de brigands, elle est ensuite recueillie par un curée et sa soeur, celle-ci décède et Marianne se retrouve seule à Paris, le décès du curée et l’accident qui survient à l’Église lorsque Valville manque de la renverser. La première partie du roman est donc semée de catastrophes tragiques visant à épuiser le coeur de ce personnage éponyme, catastrophes qui semblent invraisemblable et synonyme d’acharnement pour le lecteur. Il en est de même pour Jacob, ce jeune homme séduisant ne parvient pas à s’empêcher de séduire chaque femme qu’il croise, d’abord « la dame », puis Melle Habert, Madame de Ferval… Le destin romanesque de ce personnage, pourtant bien moins tragique que celui de Marianne, n’en démord pas être propice à l’analyse du coeur. L’écriture du sentiment apparait alors comme sujet d’analyse chez Marivaux, le roman n’est plus une démonstration narrative mais bien une expérience. Le coeur est ainsi abordé par Marivaux comme les philosophes abordent l’esprit, c’est le cas d’ailleurs pour Descartes. Le dualisme cartésien est une conception philosophique sur le rapport entre le corps et l’esprit, il considère que l’esprit occupe tout le corps mais qu’il exerce tout de même ses fonctions dans un organe particulier : la glande pinéale située au centre du cerveau. Tout comme les philosophes dans leur analyse de l’esprit, Marivaux offre une polysémie du coeur, qui est à la fois organe du corps et sanctuaire des sentiments. Une analyse sous forme de systèmes se met alors en place dans l’oeuvre marivaudienne. Dans Le Paysan parvenu, dès le début du roman, à la page 52, Jacob arrive à Paris et fait la rencontre de Madame, cette rencontre marquera profondément le jeune homme et annonce déjà l’omniprésence des sentiments.

Le Paysan Parvenu p.55: « Madame, chez elle, ne passait point pour coquette, elle ne l'était point non plus, car elle l'était sans réflexion, sans le savoir; et une femme ne se dit point qu'elle est coquette, quand elle ne sait point qu'elle l'est, et qu’elle vit dans sa coquetterie comme on vivrait dans l'état le plus décent et

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