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Dissertation: Le théâtre doit-il se mettre au service du monde pour le refléter strictement dans sa réalité, ou doit-il partir de cette réalité du monde pour s’en éloigner?

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Par   •  8 Juin 2015  •  3 510 Mots (15 Pages)  •  1 040 Vues

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Dans La Littérature baroque en Europe (1998), Didier Souiller affirme :

« Réfléchir le monde n’est rien d’autre, pour le théâtre, que réfléchir le théâtre : la scène est reflet d’un reflet. Ainsi arrive-t-on à la perte de réalité ».

Didier Souiller, professeur de littérature comparée, s’intéresse particulièrement dans son ouvrage, La Littérature baroque en Europe (1998), à la question de la réflexivité au théâtre. Il est aisé d’imaginer un jeu de miroir entre le monde réel et le monde de la scène, l’un servant de modèle au second pour que des spectateurs puissent en contempler le reflet. Toutefois l’auteur met en lumière le problème de la fiction et de la réalité au théâtre notamment dans le cadre de la représentation. Pour lui la scène reflète le théâtre qui reflète le monde et par cette superposition de reflets, la scène serait finalement plus un lieu de fiction (écart entre le discours et le réel) que de représentation de la réalité du monde, voire même un lieu d’illusions (un émetteur construit une fiction que le récepteur tient pour vrai le temps de la représentation). Didier Souiller présente cette idée sous une forme quasiment dialectique, notamment avec l’adverbe « Ainsi », qui marque l’aboutissement de sa réflexion. Néanmoins, il est possible que certains dramaturges aient eu la volonté de faire émerger un théâtre qui reflèterait la réalité telle qu’elle est perçue par l’auteur et par chaque spectateur, même si l’on peut dire que chaque œuvre est une interprétation – même minime – de la réalité. Cette idée de Didier Souiller pourrait paraître, alors, polémique et presque radicale puisqu’il dit que le théâtre, par l’accumulation de reflets, conduit à « la perte de réalité ». Il s’agirait de nuancer ce propos dans la mesure où les éléments de fiction ne peuvent être considérés comme fictifs qu’en comparaison avec la réalité, et un reflet du monde implique des éléments de cette réalité.

Le théâtre doit-il se mettre au service du monde pour le refléter strictement dans sa réalité, ou doit-il partir de cette réalité du monde pour s’en éloigner, la percevoir sous un angle plus fictionnel et finalement mieux l’appréhender ?

Tout d’abord, nous irons dans le sens de Didier Souiller : le théâtre est le reflet d’un reflet, celui du théâtre qui réfléchit le monde et donc un lieu d’une réalité faussée voire inexistante ; mais nous pouvons nuancer en disant que le théâtre ne peut pas totalement perdre la réalité mais peut tenter de représenter le monde tel qu’il est et le rendre réel sur la scène ; enfin, le théâtre peut opérer un détour par la fiction pour mieux faire prendre conscience au spectateur de la réalité du monde.

1. Le théâtre est le reflet d’un reflet : reflet du théâtre qui reflète le monde donc un lieu de fiction

A) Le théâtre : lieu d’une déformation de la réalité par les différentes interprétations du réel dans le texte et la mise en scène

Fiction se joue sur scène avec possibilité de transgression des lois humaines, sauf dans le théâtre classique (règle de la bienséance qui interdit sur scène des choses qui pourraient choquer les spectateurs et ne seraient pas conformes au rang du héros : meurtre, folie, …).

Coleridge parle de « suspension of disbelieve » (« suspension volontaire d’incrédulité ») : spectateur invité à croire ce qui se passe sur scène même s’il sait que ce n’est que de la fiction  dénégation : « tout ce qui se passe sur scène est frappé d’irréalité » (Anne Ubersfeld, Lire le théâtre).

Texte théâtral est souvent une fiction avec des personnages inventés et des événements racontés sur scène. Le texte peut être donc une modification de la réalité, une interprétation, un reflet de la réalité mélangé à la fiction (règle de la vraisemblance). La mise en scène est une deuxième interprétation de ce réel  perte de la réalité malgré vraisemblance.

Exemple : Molière, Le Tartuffe (1667), comédie en cinq actes : satire des dévots de la Cour du roi Louis XIV qui critiquaient le libertinage des mœurs, le luxe, les fêtes (notamment le théâtre). Les dévots sont présentés comme ridicules (Orgon) ou hypocrites (Tartuffe, faux dévot). Cette comédie est une interprétation de la réalité que Molière tourne en ridicule. cette pièce a eu un grand retentissement dans la mesure où le roi dut se résoudre à interdire la pièce de représentation à cause des menaces d’impiété de l’Eglise et des dévots.

Louis Jouvet, Témoignages sur le théâtre : Ainsi parle Tartuffe : « Chaque fois je suis différent. Pour chaque génération, d’innombrables effigies, des milliers de figurations, toutes dissemblables par leur visage, leur costume, leur voix, sont sorties de moi. Chaque fois qu’on me lit, qu’on m’écoute ou qu’on me joue, je suis un Autre. Ne cherche pas à me reconnaître. » Cela montre l’importance des différents interprétations du personnage et de la pièce en général qui font que cette pièce s’éloigne de la réalité.

1995, Festival d’Avignon, Ariane Mnouchkine met en scène Le Tartuffe où elle transpose l’action dans le Maghreb musulman du XXème siècle : décor oriental, musique raï. Tartuffe porte la tenue noire des islamistes. Ariane Mnouchkine dénonce les fanatismes religieux en actualisant la cible, elle insiste sur la défense de l’amour et de la liberté contre la domination religieuse.

 Donc les dramaturges et les metteurs en scène font une double interprétation de la réalité, le reflet du reflet de la réalité, ce qui aboutit à montrer sur scène une pièce qui relève plus de la fiction que de la réalité pure.

B) Le théâtre revêt une dimension métathéâtrale qui conduit à « une perte de réalité » : le théâtre reflète le théâtre

La métathéâtralité, le théâtre dans le théâtre, peut d’une certaine manière conduire à une perte de la réalité dans la mesure où chaque pièce reflète une autre, adapte le réel en le transformant et en lui donnant une dimension fictionnelle. La réalité du monde concret est perdue sans pour autant que le réel ne disparaisse notamment avec le phénomène de vraisemblance et pour que le spectateur croit ce qui se déroule sur scène. Les éléments de fiction renvoient à des référents du réel pour montrer que l’écriture et la mise en scène sont des adaptations du réel dans un univers de fiction et de perte de la réalité objective de tout homme.

Deux phénomènes d’écriture

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