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Dialogisme Et Polyphonie

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Par   •  14 Mai 2013  •  4 255 Mots (18 Pages)  •  1 763 Vues

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Dialogisme et polyphonie

Dialogisme et polyphonie sont deux notions qui ont d'abord été élaborées dans le champ de l'analyse linguistique et littéraire par le théoricien russe Mikhaïl Bakhtine (1895-1975), avant d'être reprises et redéfinies par des linguistes occidentaux.

Les œuvres de Bakhtine n'ont été connues en Occident qu'au début des années 1970. Elles ont joué un rôle décisif dans l'évolution de la théorie littéraire et linguistique. En effet, elles ont contribué à opérer une mutation du point de vue sur la parole. Alors que l'analyse s'était jusque là essentiellement concentrée sur les structures de l'énoncé, l'intérêt s'est progressivement déplacé vers l'analyse de l'énonciation..

Dans le champ littéraire, le dialogisme a été l'occasion d'une critique du structuralisme littéraire. Il a rouvert l'analyse du texte, trop exclusivement centrée sur les structures internes, à son extériorité. Et la problématique dialogique a permis d'échapper à un simple retour au collage d'informations historiques, biographiques et psychologiques, foncièrement étrangères au texte, qui caractérisait la critique pré-structuraliste

Le dialogisme, au sens de Bakhtine, concerne le discours en général. Il désigne les formes de la présence de l'autre dans le discours: le discours en effet n'émerge que dans un processus d'interaction entre une conscience individuelle et une autre, qui l'inspire et à qui elle répond.

Quant à la polyphonie, au sens de Bakhtine, elle peut être sommairement décrite comme pluralité de voix et de consciences autonomes dans la représentation romanesque. Elle a donc, à l'origine, une acception plus strictement littéraire.

I Autrui, la parole et le moi.

Bakhtine part du constat qu'autrui est indispensable à l'achèvement de la conscience:

Je ne peux me percevoir moi-même dans mon aspect extérieur, sentir qu'il m'englobe et m'exprime... En ce sens, on peut parler du besoin esthétique absolu que l'homme a d'autrui, de cette activité d'autrui qui consiste à voir, retenir, rassembler et unifier, et qui seule peut créer la personnalité extérieurement finie; si autrui ne la crée pas, cette personnalité n'existera pas.

De là, Bakhtine conclut que l'être humain est tout entier communication avec autrui. Être signifie être pour autrui et à travers lui:

L'homme ne possède pas de territoire intérieur souverain, il est entièrement et toujours sur une frontière.

.

-Le dialogisme linguistique

Aux yeux de Bakhtine la langue reflète parfaitement cette aliénation constitutive. En effet, nous ne forgeons pas une langue pour les besoins de notre subjectivité individuelle. Nous héritons la langue d'autrui et les mots y restent marqués des usages d'autrui. Parler c'est donc être situé dans la langue commune et n'y avoir de place que relativement aux mots d'autrui.

Dans un texte de 1929, Bakhtine écrit:

Aucun membre de la communauté verbale ne trouve jamais des mots de la langue qui soient neutres, exempts des aspirations et des évaluations d'autrui, inhabités par la voix d'autrui. Non, il reçoit le mot par la voix d'autrui, et ce mot en reste rempli. Il intervient dans son propre contexte à partir d'un autre contexte, pénétré des intentions d'autrui. Sa propre intention trouve un mot déjà habité.

Et encore:

Chaque mot sent la profession, le genre, le courant, le parti, l'œuvre particulière, l'homme particulier, la génération, l'âge et le jour. Chaque mot sent le contexte et les contextes dans lesquels il a vécu sa vie sociale intense...

Il y a donc dans la langue un dialogisme passif (au sens où il résulte d'un donné linguistique et non d'une intention de parole).

-Le dialogisme discursif

Mais, à ce dialogisme linguistique, s'ajoute, dans la réalité de la parole, une autre dimension dialogique dont on peut dire qu'elle est véritablement constitutive du discours. En effet mon discours émane toujours d'autrui au sens où c'est toujours en considération d'autrui qu'il se construit.

Mon lexique et ma syntaxe découlent ainsi clairement d'une prise en considération du niveau de langue de mon interlocuteur. De même, la structure argumentative de mon discours répond par avance aux objections que j'anticipe de la part d'autrui. En ce sens, mon discours est moins l'expression impassible et solitaire de ma subjectivité (comme tend à le faire croire la linguistique romantique de Humboldt à Spitzer) qu'un perpétuel dialogue avec autrui; il a moins la structure d'un monologue que celle d'une réplique. Et ce qui se trouve dès lors mis en question, c'est l'unité du sujet parlant.

-Pluralité du sujet parlant et expérience littéraire

Cette dimension dialogique du discours heurte de plein fouet l'idéologie romantique de l'originalité absolue de l'expression littéraire – et permet d'éclairer certaines expériences littéraires modernes.

Une grande part de l'œuvre d'Antonin Artaud peut ainsi être décrite comme une lutte contre ce que le philosophe Jacques Derrida a nommé la parole soufflée, c'est-à-dire l'intuition, douloureuse chez Artaud, que ses mots lui ont été inspirés par autrui, l'empêchant ainsi d'accéder à la propriété de sa pensée. Tout le Théâtre de la cruauté se donne pour tâche la recherche d'un langage qui échapperait à cette aliénation originaire. Mais un tel effort conduit nécessairement à une sortie du langage, au sens où aucun langage ne saurait échapper à une tradition, une mémoire et un partage symbolique.

Disons plus généralement que l'écrivain moderne, conscient de la dette qu'il doit aux mots d'autrui tout en poursuivant un idéal d'originalité absolue, se donne pour tâche une réappropriation du langage d'autrui qui prend la forme du style remodelant la langue commune selon des inflexions personnelles.

II. Représentation de la parole d'autrui dans le discours

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