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Critères de distinction entre « dialogisme », « polyphonie » et « diaphonie »

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Par   •  11 Avril 2014  •  Fiche de lecture  •  4 914 Mots (20 Pages)  •  1 211 Vues

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Cet article a pour objectif de proposer quelques critères de distinction entre « dialogisme », « polyphonie » et « diaphonie ». On y examine successivement, d’abord, deux types différents de hiérarchisation entre des voix distinctes coexistant au sein du même discours (produit par le même locuteur) ; ensuite, on prend en considération la nature des unités pertinentes (on propose une distinction entre les discours et les points de vue) ; on s’interroge enfin sur la simultanéité ou la non-simultanéité qui affecte la manifestation de ces unités dans le discours. Ces trois axes sont envisagés dans une perspective polysémiotique et interactive, ainsi que le demande une approche complète de l’oralité.

1. Une approche en discours, polysémiotique et interactive

Comme le signale l’introduction de l’ouvrage collectif récemment publié sous la direction de J. Bres & al. (2005), et consacré aux approches linguistiques du dialogisme et / ou de la polyphonie, en la matière, « les linguistes ont emprunté plus ou moins fidèlement, plus ou moins librement à Bakhtine — ou plutôt, le plus souvent, aux traductions de ses textes. Certains ont adopté le terme de dialogisme ; d’autres, celui de polyphonie ; d’autres enfin, ont proposé d’articuler les deux notions… » (2005 : 10). C’est dire à la fois les services indéniables qu’elles peuvent rendre à l’analyse linguistique (au sens large : analyse de discours incluse), et le peu de consensus dans la communauté scientifique quant à leur définition et à leur application — Bres & al. ne distinguant pas moins de « cinq grands types de position » (ibid., 10-11).

Dans ces conditions, il est clair qu’en proposant dans le présent article des critères de distinction, je n’entendrai pas légiférer et définir la bonne position. Je m’efforcerai plutôt de présenter, en la situant par rapport aux autres, une position possible qui me semble particulièrement rentable, que j’ai déjà pu développer ailleurs (2004, 2005, 2006), et que je me propose de continuer à clarifier, et peut-être, je l’espère, raffiner. Aux concepts de dialogisme et de polyphonie j’adjoins celui de diaphonie, initialement issu de l’école de Genève (Roulet & al., 1985), et qui participe des deux phénomènes au sens où je vais tenter de les définir. Ce concept de diaphonie peut rendre des services indéniables à qui veut cerner les concepts de dialogisme et de polyphonie en interaction.

En ce qui concerne les critères que je propose, ils sont issus d’un va-et-vient entre la théorie et l’application à un certain nombre de corpus — corpus dont nul n’ignore qu’ils sont souvent très exigeants, et que ce sont eux qui sont à la source de nombreux remodelages conceptuels.

Les corpus qui se sont révélés les plus épineux, c’est-à-dire les plus intéressants, pour retravailler les concepts de polyphonie et de dialogisme, et s’en servir pour repérer des phénomènes distincts, sont ceux qui faisaient intervenir des dimensions fréquemment laissées de côté dans les analyses linguistiques :

- la polysémioticité des discours : les corpus vidéo, et dans une moindre mesure les bandes dessinées, permettent de saisir le discours non seulement dans sa dimension verbale, mais prosodique, gestuelle, mimique, posturale. Disons même qu’ils obligent à en tenir compte, faute de quoi l’objet que l’on analyse est tronqué — car ces dimensions ne sont nullement de simples additifs secondaires au verbal (que l’on pourrait dès lors analyser de manière autonome), même s’il faut bien reconnaître que celui-ci, composante sine qua non du discours , reste central pour l’interprétation ; mais central ne signifie pas indépendant… ;

- leur caractère interactif, qu’il s’agisse d’interactions représentées (corpus d’élaboration secondaire comme sont les bandes dessinées) ou d’interactions « authentiques » (comme sont les débats et interviews télévisés, ainsi, bien sûr, que la conversation courante). Faisons d’emblée intervenir une distinction terminologique importante : les corpus de discours en interaction font par définition intervenir plusieurs participants distincts. Ils sont à ce titre dits — distinction que permet la langue française — non point dialogiques mais dialogaux (vs monologaux). Or ce que vise l’appellation de dialogisme, tout comme celle de polyphonie, c’est avant tout la pluralité des instances énonciatives, qui n’implique pas celle des participants. Un même participant peut se démultiplier en plusieurs instances énonciatives, et faire entendre des discours qu’il ne ratifie pas forcément, mais par rapport auxquels il prend position, ou simplement se faire l’écho de discours qu’il se donne comme n’ayant pas lui-même initialement émis (discours rapporté, ou mieux, « représenté » — désormais DR). En d’autres termes, le dialogique (pluralité des instances) ne recouvre pas le dialogal (pluralité des participants), et peut très bien se loger au sein du monologal (lequel concerne, à un niveau « macro », les communications verbales non dialoguées, ou à un niveau « micro », les interventions de chaque participant, considérées pour elles-mêmes ). On mesure l’intérêt du concept de diaphonie, qui consiste précisément à articuler les concepts de dialogisme et de polyphonie (concepts de niveau énonciatif) dans un cadre dialogal (concept de niveau interlocutif).

Polysémioticité, interactivité : c’est en prenant en compte ces deux caractéristiques (fondamentales) des corpus que j’ai étudiés que je vais essayer de défendre une distinction possible, et descriptivement rentable, entre dialogisme, polyphonie, et pour finir — une fois dessinée la place de ces concepts de base — diaphonie.

Toutefois, avant de nous lancer dans la distinction, délimitons rapidement le domaine à l’intérieur duquel ces notions interviennent : cela n’aurait en effet aucun intérêt de proposer des critères pour contraster des phénomènes fondamentalement différents, sans rapports, entre lesquels il ne viendrait à l’idée de personne de faire le lien. S’il est parfois difficile de départager entre dialogisme et polyphonie (sans parler de la situation de la diaphonie), si même il arrive qu’on les rabatte l’un sur l’autre, c’est parce que ces concepts cherchent à analyser des phénomènes fondamentalement apparentés. Afin de pouvoir contraster, il convient donc de préciser préalablement en quoi consiste cette parenté. Nous dirons ainsi, de manière probablement très imparfaite, que dialogisme, polyphonie et diaphonie sont des phénomènes langagiers aux conséquences d’ordre sémantico-argumentatif, avec pour déclencheurs une scission

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