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Devoir 1 – FR10-12

Fiche de lecture : Devoir 1 – FR10-12. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Mars 2015  •  Fiche de lecture  •  1 655 Mots (7 Pages)  •  501 Vues

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« (…) Examinons donc, messieurs, les difficultés de ce procès avec toute la contention1 de laquelle nos divins esprits sont capables. Le nœud de l’affaire consiste à savoir si cet animal est homme et puis en cas que nous avérions2 qu’il le soit, si pour cela il mérite la mort. Pour moi, je ne fais point de difficultés qu’il ne le soit, premièrement, par un sentiment d’horreur dont nous nous sommes tous sentis saisis à sa vue sans en pouvoir dire la cause ; secondement, en ce qu’il rit comme un fou ; troisièmement, en ce qu’il pleure comme un sot ; quatrièmement, en ce qu’il

1. contention : effort, application. 2. avérer : reconnaître la vérité d’une chose; savoir, comprendre quelque chose avec exactitude.

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se mouche comme un vilain3; cinquièmement, en ce qu’il est plumé comme un galeux ; sixièmement, en ce qu’il a toujours une quantité de petits grès carrés dans la bouche qu’il n’a pas l’esprit de cracher ni d’avaler ; septièmement, et pour conclusion, en ce qu’il lève en haut tous les matins ses yeux, son nez et son large bec, colle ses mains ouvertes la pointe au ciel plat contre plat, et n’en fait qu’une attachée, comme s’il s’ennuyait d’en avoir deux libres ; se casse les deux jambes par la moitié, en sorte qu’il tombe sur ses gigots ; puis avec des paroles magiques qu’il bourdonne, j’ai pris garde que ses jambes rompues se rattachent, et qu’il se relève après aussi gai qu’auparavant. Or, vous savez, Messieurs, que de tous les animaux, il n’y a que l’homme seul dont l’âme soit assez noire pour s’adonner à la magie, et par conséquent celui-ci est homme. Il faut maintenant examiner si, pour être homme, il mérite la mort. Je pense, Messieurs, qu’on n’a jamais révoqué en doute que toutes les créatures sont produites par notre commune mère, pour vivre en société. Or, si je prouve que l’homme semble n’être né que pour la rompre, ne prouverai-je pas qu’en allant contre la fin de sa création, il mérite que la nature se repente de son ouvrage ? « La première et la plus fondamentale loi pour la manutention4 d’une république, c’est l’égalité ; mais l’homme ne la saurait endurer éternellement : il se rue sur nous pour nous manger ; il se fait accroire que nous n’avons été faits que pour lui ; il prend, pour argument de sa supériorité prétendue, la barbarie avec laquelle il nous massacre, et le peu de résistance qu’il trouve à forcer notre faiblesse, et ne veut pas cependant avouer à ses maîtres, les aigles, les condors, et les griffons, par qui les plus robustes d’entre eux sont surmontés. Mais pourquoi cette grandeur et disposition de membres marquerait-elle diversité d’espèce, puisqu’entre eux-mêmes il se rencontre des nains et des géants ? Encore est-ce un droit imaginaire que cet empire dont ils se flattent ; ils sont au contraire si enclins à la servitude, que de peur de manquer à servir, ils se vendent les uns aux autres leur liberté. C’est ainsi que les jeunes sont esclaves des vieux, les pauvres des riches, les paysans des gentilshommes, les princes des monarques, et les monarques mêmes des lois qu’ils ont établies. Mais avec tout cela ces pauvres serfs ont si peur de manquer de maîtres, que comme s’ils appréhendaient que la liberté ne leur vînt de quelque endroit non attendu, ils se forgent des dieux de toutes parts, dans l’eau, dans l’air, dans le feu, sous la terre. »

Texte B : Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville (1796)

Un vieillard s’adresse aux Tahitiens (Otaïtiens) pour les mettre en garde contre l’arrivée des colons français.

« Pleurez, malheureux Otaïtiens, pleurez ; mais que ce soit de l’arrivée et non du départ de ces hommes ambitieux et méchants. Un jour vous les connaîtrez mieux. Un jour ils reviendront, le morceau de bois que vous voyez attaché à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer qui pend au côté de celui-là, dans l’autre, vous enchaîner, vous égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices. Un jour vous servirez sous eux, aussi corrompus, aussi vils, aussi malheureux qu’eux. Mais je me console. Je touche à la fin de ma carrière ; et la calamité que je vous annonce, je ne la verrai point. Ô Otaïtiens ! ô mes amis ! vous auriez un moyen d’échapper à un funeste avenir ; mais j’aimerais mieux mourir que de vous en donner le conseil. Qu’ils s’éloignent, et qu’ils vivent. »

3. vilain : paysan. 4. manutention : maintien.

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Puis s’adressant à Bougainville, il ajouta : « Et toi, chef des brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux, et tu ne peux que nuire à notre

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