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De L'institution Des Enfants, Montaigne

Mémoire : De L'institution Des Enfants, Montaigne. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Avril 2014  •  628 Mots (3 Pages)  •  937 Vues

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Je ne vis jamais père, pour teigneux ou bossu que fût son fils, qui laissât de l'avouer. Non pourtant, s'il n'est du tout enivré de cette affection, qu'il ne s'aperçoive de sa défaillance; mais tant y a qu'il est sien. Aussi moi, je vois, mieux que tout autre, que ce ne sont ici que rêveries d'homme qui n'a goûté des sciences que la croûte première, en son enfance, et n'en a retenu qu'un général et informe visage: un peu de chaque chose, et rien du tout, à la Française. Car, en somme, je sais qu'il y a une Médecine, une Jurisprudence, quatre parties en la Mathématique, et grossièrement ce à quoi elles visent. Et à l'aventure encore sais-je la prétention des sciences en général au service de notre vie. Mais d'y enfoncer plus avant, de m'être rongé les ongles à l'étude de Platon ou d'Aristote, monarque de la doctrine moderne, ou opiniâtre après quelque science, je ne l'ai jamais fait : ce n'est pas mon occupation, ni n'est art de quoi je susse peindre seulement les premiers linéaments. Et n'est enfant des classes moyennes qui ne se puisse dire plus savant que moi, qui n'ai seulement pas de quoi l'examiner sur sa première leçon, au moins selon celle. Et, si l'on m'y force, je suis contraint, assez ineptement, d'en tirer quelque matière de propos universel, sur quoi j'examine son jugement naturel : leçon qui leur est autant inconnue, comme à moi la leur. Je n'ai dressé commerce avec aucun livre solide, sinon Plutarque et Sénèque, où je puisse comme les Danaïdes, remplissant et versant sans cesse. J'en attache quelque chose à ce papier; à moi, si peu que rien. L'Histoire, c'est plus mon gibier, ou la poésie, que j'aime d'une particulière inclination. Car, comme disait Cléanthe, tout ainsi que la voix, contrainte dans l'étroit canal d'une trompette, sort plus aiguë et plus forte, ainsi me semble-t-il que la sentence, prestée aux pieds nombreux de la poésie, s'élance bien plus brusquement et me faire d'une plus vive secousse. Quant aux facultés naturelles qui sont en moi, de quoi c'est ici l'essai, je les sens Fléchir sous la charge. Mes conceptions et mon jugement ne marchent qu'à tâtons, chancelant, bronchant et choppant; et quand je suis allé le plus avant que je puis si ne me suis-je aucunement satisfait; je vois encore du pays au-delà, mais d'une vue trouble et en nuage, que je ne puis démêler. Et, entreprenant de parler indifféremment de tout ce qui se présente à ma fantaisie et n'y employant que mes propres et naturels moyens, s'il m'advient, comme il fait souvent, de rencontrer de fortune dans les bons auteurs ces mêmes lieux que j'ai entrepris de traiter, comme je viens de faire chez Plutarque tout présentement son discours de la force de l'imagination, à me reconnaître, au prix de ces gens-là, si faible et si chétif, si pesant et si endormi, je me fais pitié ou dédain à moi-même. Si me gratifié-je de ceci, que mes opinions ont cet honneur de rencontrer souvent aux leurs; et que je vais au moins de loin après, disant que voire. Aussi que cela, qu'un chacun n'a pas, de connaître l'extrême d'entre eux et moi. Et laisse, ce néanmoins, mes inventions ainsi faibles et basses, comme je ai produites, sans en replâtrer et recoudre

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