Condorcet - Épitre dédicatoire aux nègres esclaves

Tiré de l'essai Réflexions sur l'esclavage des nègres paru en 1781, cet extrait portant l'en-tête "Epitre dédicatoire aux nègres esclaves" a été rédigé par un philosophe, Nicolas de Condorcet. Représentant des Lumières, Condorcet est un fervent défenseur de l'égalité entre les hommes et s'avère être un homme engagé dans la lutte contre l'obscurantisme, l'illusionnisme et la déraison, à l'image de ses contemporains réformistes. Mais comment critique-t-il alors sévèrement l'esclavage à travers ce texte ? Par son écrit, Condorcet tente de rehausser l'image des esclaves en louant leur humanité et en profite pour dénoncer les moeurs esclavagistes. 

Dès les premières lignes, Condorcet s'adonne à rendre aux esclaves leur part d'humanité. Ainsi, il instaure en premier lieu une relation avec ces hommes, qu'il considère comme étant "[ses] amis" (l 1) ; le déterminant possessif "mes" prend une connotation sentimentale et permet de tisser un lien qui se veut affectif, le susbtantif "Amis" dôté d'une majuscule montre qu'il leurs accorde de l'importance et enfin la comparaison "comme mes frères" (l 3) souligne leur appartenance à une même espèce, une même famille. Condorcet semble alors s'adresser directement à eux et leurs voue

notamment une marque de politesse et de respect. Sans tarder, il aborde le sujet épineux qu'est la différence de couleur de peau par une proposition subordonnée circonstancielle de concession "Quoique je ne sois pas de la même couleur que vous" (l 2), ce qui permet de dévaloriser l'argument si souvent utilisé par les européens. Cette différence devient futile mais n'en est pas pour autant moins évoquée : en témoignent les groupes nominaux "les Blancs des Colonies" (l 5)et "les Blancs " (l 4), ainsi que la périphrase "les gens de chair blanche" (l 8) dans laquelle on constate un retournement de situation où ce ne sont plus les esclaves qui sont désignés par leur couleur de peau mais bien les européens. Sur le point de poursuivre ses propos, il précise avec le groupe verbal "la nature vous a formés" (l 3) que les hommes noirs sont l'oeuvre irrévocable de la nature (à noter qu'il ne mentionne en aucun cas une quelconque volonté de Dieu et qu'il se détache donc du registre religieux pour rendre ses propos rationnels) et que par conséquent, il est absurde de le contester. S'ensuit un portrait des esclaves, sensiblement proche de celui des européens, où une légère gradation "le même esprit, la même raison, les mêmes vertus que les Blancs" (l 3) monte ces hommes sur une échelle de plus en plus intellectuelle. On y trouve d'abord la référence à un "esprit" qui montre que l'homme noir dispose d'une conscience propre, puis à une "raison" puisque ce dernier sait réfléchir et possède pleinement son libre arbitre et enfin à des "vertus" car il sait raisonner à bon escient et en tire des qualités indéniables. Condorcet tente par cette comparasion de rapporter les esclaves à une condition humaine égale à celles de ses pairs européens. De plus, il vante davantage les mérites de ces hommes par une énumération asyndétique de termes laudatifs "votre fidélité, votre probité, votre courage". Il peint donc une moralité équivalente à tout homme de bon sens. Replacée dans son contexte, cette énumération élève d'autant plus les esclaves au-dessus des hommes blancs, qui ne sont pas tous dotés de ces qualités. A cela, il peaufine leur portrait en ajoutant leurs capacités physiques, par un champ lexical de l'effort "travaux" et "souffrances", qui leurs valent d'être exploités et sous-estimés intellectuellement par les colons. Tout le long, l'auteur semble s'efforcer de ne pas comparer les esclaves à ces "Blancs des Colonies", mais il n'en parle pas moins : derrière cette prétérition se cache une volonté de détériorer l'image des européens. Ainsi, tout en dressant un portrait qui se veut des plus sincères et bienveillants possibles, il détourne ses louanges afin d'attaquer implicitement les moeurs esclavagistes 

De ce fait, Condorcet expose sa vision des choses et n'hésite pas à se confronter aux idées contre-évolutives et esclavagistes de l'époque. Sous un ton semi-détaché, il évoque à l'aide d'une antithèse "vos maîtres trouvent plus de gens qui se déshonorent

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