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Commentaire sur le conte philosophique Supplément au Voyage de Bougainville de Denis Diderot

Note de Recherches : Commentaire sur le conte philosophique Supplément au Voyage de Bougainville de Denis Diderot. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Avril 2015  •  2 047 Mots (9 Pages)  •  2 207 Vues

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I Une réflexion sur les mœurs appréhendée à travers un regard distancié a) Certes le dialogue s'ouvre sur la religion avec la question initiale d'Orou (l.2-3) L’Aumônier répond à cette question en évoquant Dieu à travers la métaphore du «Grand ouvrier»l.43.Mais très vite la religion est associée à la valeur des comportements humains. Les lois donnée par Dieu constitue un système de valeur « Certaines actions comme bonnes » l.24 « et d'autre comme mauvaises »l.25 Donc Dieux serait à l'origine de la morale puisqu'il fixe ce qui relève du bien et ce qui relève du mal. Le texte ne porte pas sur la question religieuse dans une perspective théologique, métaphysique. La question de la morale est en outre abordée dans une perspective précise, introduite par Orou et la situation. Celle des relations homme-femme. La réflexion va donc porter sur la valeur morale attribuée à des actions physique. L'extrait apparaît ainsi immédiatement centré sur l'enjeu de l'ensemble de l’œuvre auquel se réfère le sous titre. Cet enjeu conduit par ailleurs à s'interroger sur certaines institutions censés être garantes de la morale. En l'occurrence il s'agit de l'institution du mariage (à l'époque juste une institution religieuse) évoquée par l’Aumônier l.30. Certes le mot mariage n'apparaît pas mais l'allusion est claire. Ainsi la question initiale du dialogue, celle de la religion est abordée dans une perspective, il s'agit de voir s'il est légitime que les comportements humains soient fondés sur la morale religieuse. Or une telle question (audacieuse à l'époque) apparaît motivée par les modalités de la fiction : à la fois les circonstances du dialogue et l'identité des interlocuteurs. b)Un dispositif dialogique qui stimule la réflexion Tout d'abord on a affaire à un dialogue en situation, il se situe le lendemain de l'arrivée de l’Aumônier à Tahiti, l.3 passé composé, renvoie à ce moment : passage l.3-4 référence explicite au comportement de l’Aumônier à Tahiti lorsqu'il a tenté de refuser les propositions d'Orou. Pourtant l’Aumônier a cédé, il a possédé Tia (début de l'extrait : « ma fille est contente de toi »). Les paroles de l’Aumônier ont ainsi montré leur impuissance, elles ont été démenties par les faits. Par conséquent, la question d'Orou relative à la religion est d'emblée abordée dans une perspective orientée que recouvre le mot religion associé à la douleur l.4 qui selon Orou empêche un individu de se livrer à une activité naturelle. Cette approche de la question religieuse est en outre liée aux circonstances de l'énonciation dialogue : Tahiti : effet de décentrement géographique

Il met en scène l'échange entre un européen qui incarne un certain nombre de valeurs familières du lecteur et auxquelles à priori le lecteur tend à s'identifier, et un tahitien: Orou qui à priori incarne l’altérité radicale. Par conséquent, ce qu'incarne l’Aumônier est soumis à un regard neuf : procédé de l’œil neuf, apparaît clairement dans la première partie du dialogue : avec les questions très concrètes d'Orou, questions motivées par la métaphore du Grand Ouvrier, métaphore qu'Orou dans une apparente naïveté prend au pied de la lettre. La surprise d'Orou est exprimée à travers des phrases exclamatives l.19-15, Surprise qui témoigne de la distance qui sépare les deux interlocuteurs. En lisant ce dialogue, le lecteur est ainsi contraint à appréhender une réalité qui lui est familière mais à travers un regard qui lui est distancié. Il est ainsi incité à s'interroger sur ce qui jusqu'à lors lui semblait aller de soit. c) On part de la religion, on arrive au crime. Attaque contre la religion, on arrive à une forme du mal, à un échec sur le plan de la morale. Les prescriptions de Dieu qui sont censés être garants de la morale aboutissent inversement au crime : négation de la morale => échec => réaction d'Orou qui veille à ne pas blesser son interlocuteur : précaution oratoire : loin de l'image du rustre. Langage qui a plusieurs applications sur le plan de l'argumentation : véritable volonté d'être dans l'échange offre une image positive de lui en tant qu’énonciateur, locuteur fiable. Attitude habile afin de persuader le destinataire. Toutes les idées sont remises en cause. Ce questionnement de fond est proposé avec une forme plaisante compte tenu en particulier de son ancrage dans la fiction. L'auteur joue avec la réalité en créant ces personnages. L'Aumonier: personnage apparu comme comique dans l'épisode précédent. Un piètre représentant de la civilisation européenne, lui qui vient de discréditer ses paroles par ses actes. Dans un effet de contraste, Orou, en revanche, est un séduisant représentant des mœurs tahitiennes, lui qui maîtrise si brillamment la rhétorique argumentative. Diderot inverse en quelque sorte les rôles convenus sans se préoccuper de vraisemblance. Or cette inversion confère une dimension plaisante au dialogue : on s'amuse à voir l’Aumônier pris au piège de sa métaphore initiale. L'Aumonier s'exprime à travers des répliques minimalistes l.12-14-16 : répliques en 1 seul mot. On est également incité à sourire du portrait de Dieu proposé par Orou, portrait qui pourtant reprend de manière synthétique tous les éléments proposés par l’Aumônier (à travers une accumulation de proposition subordonnées relatives coordonnées 2 à 2 et combinés à des antithèses) portrait caricaturale et qui confine à l'absurde. En réalité ce portrait relève du registre ironique et les remarques employées sur le style constituent des indices de ce registre. Ce portrait vise la croyance en un Dieu tout puissant et la croyance en un concept métaphysique détaché de toute logique. Ainsi l'auteur en ayant recours à un dialogue de fiction entre un Européen et un Tahitien offre au lecteur un dispositif lui permettant de décentrer son point de vue : effet du procédé de l’œil neuf. Ce lecteur est alors dans des dispositions favorisant une approche critique de sa propre civilisation, notamment de ses mœurs. II La mise en cause des mœurs européennes A travers un long discours prenant la forme d'un réquisitoire, Orou développe justement une approche critique des mœurs européennes. Ce discours témoigne en outre d'un véritable talent oratoire des personnages a) Un discours de la persuasion au service de la contestation Différentes caractéristiques de ce discours tentent à lui conférer de l'efficacité : Tout

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