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Citation de Reverdy - La poésie est un acte

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Par   •  3 Janvier 2020  •  Dissertation  •  3 242 Mots (13 Pages)  •  539 Vues

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        Dans Qu'est-ce que le genre ?, JM Schaeffer explique que la poésie est un « domaine régional » à l'intérieur d'un domaine plus vaste, celui des pratiques verbales. Ainsi se pose le problème de délimitation définitionnelle du champ de la poésie. Qui n'a jamais trouvé un magnifique coucher de soleil « poétique » ? Car dans le sens commun, est poétique ou poésie tout ce qui relève du beau, de la contemplation de quelque chose qui nous émeut. Les tentatives de définition de la poésie sont nombreuses dans l'histoire littéraire et Pierre Reverdy en donne une ici en expliquant ce qu'elle est et surtout, ce qu'elle n'est pas : « La poésie n'est pas dans l'émotion qui nous étreint en quelque circonstance donnée – car elle n'est pas une passion. Elle est même le contraire d'une passion. Elle est un acte. Elle n'est pas subie, elle est agie. Elle peut être dans l'expression particulière suscitée par une passion, une fois fixée dans l'oeuvre qu'on appelle poème et seulement dans l'émotion que cette œuvre pourra, à son tour, provoquer. En dehors de l'oeuvre poétique accomplie, il n'y a nulle part de poésie. » La radicalité de ces affirmations vise dans un premier temps à dégager la poésie du fameux coucher de soleil qui nous émeut par sa beauté, cette « circonstance donnée ». Il y a une volonté de sortir la poésie de la contemplation pour la poser en « acte », dans le « contraire d'une passion ». Le terme de « passion » vient de « pathos », qui signifie la douleur, la souffrance ; elle désignerait les « mouvements de l'âme » comme l'amour, la haine, la colère, la tristesse. On voit chez Reverdy la nécessité de dégager la poésie de ce qui serait un état primitif du ressenti. Pourtant, il affirme ensuite que l'origine de la poésie « peut » se trouver dans une passion, il ne nie donc pas le lien intrinsèque qu'elle entretient avec le ressenti, cette émotion que nous retrouvons également chez le lecteur lorsque « l'oeuvre aura, à son tour, provoquée ». La poésie résiderait donc dans une « expression particulière », une manière spécifique de dire l'émotion. Reverdy nous engage à nous questionner sur la spécificité d'une poésie « accomplie » qui serait en fait un processus qui ne peut faire l'économie de l'émotion, du travail du matériau linguistique et de son lecteur. En réaction aux conceptions communes et simplistes de la poésie et afin dégager un fonctionnement, nous aborderons donc en première partie le sentiment comme une matière-première essentielle à l'acte de création, qui nous mènera à considérer le travail de la langue par le poème en seconde partie. Enfin, nous verrons en quoi la poésie est un acte de présence au monde.

        Il y a, dans la conception commune que l'on se fait la poésie, du sentiment. Il est un point de départ que nous ne pouvons ignorer et comme le dit Reverdy, la poésie « peut être (…) suscitée par une passion ». Des passions qui peuvent se trouver à l'origine de diverses créations poétiques. Lorsque Ronsard est titré « prince des poètes », il chante l'amour notamment dans sa « Chanson XV », en flambeau qui lui réchauffe l'âme. Il compare sa mie et la saison du printemps, signe d'un renouveau qui lui fait voir le monde comme une beauté sans fin, voyant même dans le bouton de fleur un téton de sein. Tous ses sens sont enivrés par sa dame qui lui donne de la vigueur et de la vie. La chanson donne la place à une longue comparaison entre la femme et la nature, qu'il invite même à contempler la verdure. Car l'amour et la nature sont deux thèmes récurrents. « Le lac » de Lamartine prend sa force poétique dans cet entrelacement de la nature et de l'amour mais ici, dans le cas de sa perte. L'on sait que Lamartine avait l'habitude de rencontrer Julie Charles au lac du Bourget et après son décès, il y retourne seul et écrit ce poème, sur la fuite du temps et la nature comme seule capable de témoigner de leur bonheur passé. « La tristesse d'Olympio » de Hugo, a souvent été rapproché du poème lamartinien. Le grand poète romantique confie également ses souvenirs amoureux à la nature, par le biais d'Olympio, alors qu'il revient d'une promenade dans la vallée de Bièvre, où lui-même et Juliette Drouet en avaient fait ensemble. Il y a donc une correspondance entre un réel immédiat et les « mouvements de l'âme ». Ces sentiments ressentis, toutes ces émotions proviennent de la contemplation de la nature, dans laquelle semble s'épanouir la poésie. Pourtant, certains poèmes ne répondent pas à cette adéquation courante que constitue la poésie lyrique.

        La poésie de Mallarmé semble être de loin la moins évidente dans ce rapport entre réel et émotion. Pour autant, si l'on s'arrête sur son parcours de poète, on se rend rapidement compte que le lien est sans équivoque. La poésie de ses débuts s'inspire largement des Fleurs du Mal de Baudelaire d'un point de vue thématique : lorsqu'il écrit, dans « Les fenêtres », il décrit ce « moribond sournois » qui « se traîne et va, moins pour chauffer sa pourriture/ que pour voir du soleil sur les pierres, coller/ les poils blancs et les os de la maigre figure ». C'est bien la laideur du monde qui s'y tient avec, par ailleurs, l'idée d'un Idéal qui accable « la poète impuissant qui maudit son génie » dans « L'azur ». Ce dernier a d'ailleurs été écrit dans la douleur, à l'orée d'une crise existentielle. Il y a un avant et un après, le poète est impuissant et en décalage avec le monde, il y a une impossibilité à atteindre l'Idéal et l'Absolu qui va s'illustrer dans Igitur, texte étrange et inachevé : « L'Absolu a disparu », et seule une fiole contient le Néant. Les mots semblent donc être la seule échappatoire pour le poète et on le voit dans l'énigmatique « Un coup de dés jamais n'abolira le hasard ». Il écrit sur son usage de la langue dans Crise de Vers en 1896, soit un an avant « Un coup de dés... », où le mystère tient une part essentielle, pour « évoquer, petit à petit un objet pour montrer un état d'âme ». Il est clair que le parcours poétique de Mallarmé nous donne des clefs de déchiffrement à cet hermétisme mais lui-même semble incapable de le couper d'un état d'être, de ce sentiment de n'être pas en place dans le monde. Cet état d'âme devient l'origine de ses créations symbolistes et malgré la rupture avec un lyrisme ci-dessus entrevu, le poème ne peut rompre avec l'impression, le sentiment.

        Ces deux conceptions de la poésie prennent donc forme au creux de l'âme. Mais il y a par ailleurs une poésie qui semble avoir une autre visée, celle de l'engagement. Habituellement évoquée comme une arme de dénonciation, on oublie trop souvent où elle prend son origine. Pour dénoncer, il faut être indigné. Ronsard, qui fixe dans « Remontrance au peuple de France » la guerre de religion entre protestantisme et catholicisme. Il marque très clairement sa position : « Certes si je n'avois une certaine foy / Que Dieu par son esprit de grace à mise en moy, / Voyant la Chrestienté n'estre plus que risee, / j'aurois honte d'avoir la teste baptisee, / Je me repentirois d'avoir esté Chrestien, / Et comme le premiers je deviendrois Payen. » C'est bien que la crise religieuse qui agite le royaume le touche, et le pousse à réaffirmer sa foi face aux doctrines luthériennes qui entraînent le doute dans l'esprit. Par ailleurs, dans « Le mendiant », Hugo rend le pauvre quasiment religieux. Le décor est simple : l'hiver, le narrateur (« je ») qui reçoit le mendiant. Pourtant, on ne peut nier l'émotion ressentie par le poète, il y a une sorte d'affection pour le mendiant qui passe devant sa fenêtre en plein givre et vent. Il lui ouvre « d'une façon civile », il l'invite donc, lui prend les mains, le nourrit. Certes le pathétique sert la dénonciation mais c'est bien l'empathie qui en est le point d'origine, cette reconnaissance des sentiments de l'autre. Il y a une expression du subjectif, dans ce « je », ce partage du sentiment avant l'idée de créer. D'ailleurs, ce « je », est songeur jusqu'à la fin du poème. C'est bien la vue du pauvre qui l'entraîne dans une réflexivité, sans doute créatrice. Bien que toutes ces conceptions de la poésie peuvent couramment s'illustrer par l'antinomie, elles relèvent toutes d'un point commun, celui d'avoir une même provenance ; la sensibilité à. Elle semble être déterminante dans l'acte de création poétique. Pourtant, Reverdy affirme que la poésie n'est pas dans « l'émotion de quelque circonstance donnée », ni « subie ». On ne peut s'arrêter à une impression première du ressenti. Il y a donc une étape supérieure pour accéder à « l'acte » poétique tel qu'on vient de le voir, celui de la manipulation du langage.

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