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Bernanos Et La Tentation Du Désespoir

Commentaire d'oeuvre : Bernanos Et La Tentation Du Désespoir. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Décembre 2014  •  Commentaire d'oeuvre  •  4 781 Mots (20 Pages)  •  727 Vues

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« Le désespoir est la charité de l’enfer. Il sait tout, il peut tout, il veut tout. » Écrivait George Bernanos.

Le désespoir, voilà quelle peut être la grande tentation des hommes de lettres marqués par une époque sanglante. Ce thème va ainsi devenir un topos dans la littérature du XXème siècle rendu dans une période rendue exsangue par le déchainement de la violence et de la haine. On retrouve particulièrement ce motif de la lutte contre le désespoir chez Charles Péguy, et quelques années plus tard, d’une manière bien différente chez Georges Bernanos. Dans l’œuvre de ces deux écrivains, l’espérance est liée avec la mémoire, avec le souvenir. Patriotes fermement ancrés dans leur amour de la France, ils expriment l’attachement filial, et même charnel qui les lie à elle. C’est ainsi qu’ils sont amenés à faire un constat historique sur ce qu’elle semble devenir dans cette époque troublée. Ce constat implique naturellement la considération du passé : sans demeurer maladroitement tournés vers des temps révolus, ils prétendent tirer des leçons de l’Histoire. C’est ces leçons qui permettent aux écrivains de fixer leurs regards vers le futur, vers les promesses que réserve ou non un avenir incertain. C’est ici qu’entre en jeu la notion d’espérance, qui est donc intimement mêlée à celle de mémoire. Dans cette lutte contre le désespoir intervient la foi des deux auteurs, qui sera la lumière d’où jaillit l’espérance. Ainsi, il convient de se demander dans quelle mesure la réflexion sur le passé peut-elle être malgré tout source d’espérance chez les deux écrivains. Nous nous intéresserons particulièrement à deux ouvrages de chaque auteur : Le porche du mystère de la deuxième vertu, (1912) long poème de Charles Péguy, ainsi que son essai Notre Jeunesse. (1914). De George Bernanos, nous nous réfèrerons au roman le Journal d’un curé de campagne (1951) et aux Enfants humiliés, son journal de guerre. Nous verrons d’abord quelle est le constat de mémoire que font Péguy et Bernanos, avant de voir si ce constat laisse place à la confiance.

Péguy et Bernanos sont profondément attachés à l’Histoire et à son rôle. Il y a chez ces deux écrivains un véritable travail de mémoire. Tout d’abord, ce sont deux amoureux de la France. Péguy mourut en 1914 sur front, et Bernanos, malgré ses nombreux exils, resta profondément attaché à sa mère patrie. Dans Le porche du mystère de la deuxième vertu, Péguy fait parler Dieu lui-même. Or Il s’exprime, dans un long passage, sur la beauté de la France, sur la place bien particulière qu’elle tient dans son cœur, et le rôle qu’elle a dans le monde. Les français, dit Dieu, ont une valeur particulière : « Cette douce France, ma plus belle création ». Quel plus bel hommage Péguy pouvait-il rendre à son pays que de chanter ses louanges par la bouche de Dieu lui-même, lui qui était si chrétien ? Comme si, en tant que simple homme, il n’était pas digne de célébrer la France, il laisse ce soin à Dieu. C’est avec un lyrisme superbe que Dieu évoque les français, qu’il aime tant. Péguy met dans sa bouche un langage plein d’affection, d’amour, et même de reconnaissance. « Ô mon peuple français, ô mon peuple lorrain. Peuple pur, peuple sain, peuple jardinier. » Ce passage de l’ouvrage est une véritable litanie à la gloire de la France. Le peuple français possède une vocation propre, Péguy en est persuadé. Elle est la « fille aînée de l’Eglise ». Son rôle, c’est d’éclairer l’humanité, c’est de lui apporter la liberté et la lumière de la vérité. C’est en cela que la « mémoire », que l’histoire de la France est si importante : elle est marquée par cette mission française, et permet au peuple français de ne jamais l’oublier. La France est ainsi une histoire dans laquelle s’inscrivent une vocation, un appel. Ce thème surgit également dans Notre Jeunesse. Péguy rappelle les longs combats qu’il a menés lors de l’affaire Dreyfus, lui qui était un dreyfusiste convaincu. Il y exprime aussi l’immense déception qu’a engendrée en lui la politique : les gouvernants des partis privilégient la politique, c’est-à-dire des intérêts personnels, et usent de n’importe quels moyens pour atteindre leurs objectifs. Ce faisant, ils trahissent leur « mystique », c’est-à-dire leur idéal, qui au contraire devrait être au cœur de leur action. La politique n’est plus la recherche du Bien, mais désormais la fin justifie les moyens, ce que Péguy ne peut pas supporter. Ainsi s’il prend en exemple l’affaire Dreyfus, ce n’est pas en soi pour faire un texte autobiographique et pour raconter ce qu’il a vécu. Ce ne sont pas seulement les « mémoires d’un dreyfusiste », comme il l’écrit. Cette affaire doit en fait servir de leçon, dit-il en substance. L’histoire est là pour nous permettre d’éviter les écueils et les erreurs dans lesquels l’homme tombe si facilement. L’amour de Péguy pour sa patrie fait naître une révolte quand il voit à quel point ses dirigeants l’éloignent de sa mission. Tout l’intérêt de l’histoire se trouve ici, il faut pouvoir se souvenir pour grandir, pour se sanctifier. L’auteur possède un attachement sincère pour les grandes figures de l’histoire française, et particulièrement pour Jeanne d’Arc. Le porche du mystère de la deuxième vertu est en fait le deuxième ouvrage d’une série de trois, consacrés à la Sainte. Elle fait partie de l’histoire française, de son patrimoine, et cette sainte doit être un exemple du rôle que la France a reçu de Dieu. Il évoque également Saint Louis dans Notre Jeunesse. Il y exalte les « vertus françaises » : « les vertus, les qualités françaises, les vertus de la race : la vaillance claire, la rapidité, la bonne humeur, la constance, la fermeté, un courage opiniâtre, mais de bon ton, de belle tenue, fanatique à la fois et mesuré, une tristesse gaie, qui est le propre du français ». Les grandes figures de l’histoire ont respecté ces vertus, il faut respecter l’histoire en ne les oubliant pas.

George Bernanos est lui aussi très attaché à la France et à son histoire. D’une manière différente, plus sombre peut-être, mais tout aussi réelle. Dans Les enfants humiliés il raconte avec amertume ses années de guerre. Il ne regrette pas de s’être battu avec son pays, et souhaite rendre hommage à tous ses compagnons d’arme. Toutefois, comme Péguy, il déplore que la France et ses dirigeants ne tirent aucune leçon de la première guerre mondiale. Il voit avec inquiétude l’histoire se reproduire, et revenir à la manière d’une vague destructrice. Il en veut également à ceux « de l’arrière », c’est-à-dire ceux qui n’étaient

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