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Analyse rhétorique du discours de Cicéron pour Milon

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Par   •  9 Février 2023  •  Commentaire de texte  •  6 345 Mots (26 Pages)  •  190 Vues

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Arthur Monin                                        Séminaire de rhétorique de Mme Christine Noille

M 1 Littérature française

Analyse du discours de Cicéron Pro Milone [Pour Milon]

Inspirée de la méthode de M.A. Ferrazzi

        Le procès de Milon se tint après un affrontement qui eut lieu le 18 janvier 52 av. J.-C. sur la via Appia, entre les hommes de Publius Clodius Pulcher, et ceux de T Annius Milon. Clodius fut tué durant l’affrontement, et Milon mené devant les tribunaux pour ce meurtre.

Clodius voulait alors obtenir la préture, et Milon le consulat. Le Sénat soutenait officieusement la candidature de Milon au consulat, et désirait écarter Pompée, craignant qu’il ne veuille devenir dictateur. Clodius s’employait à soutenir les adversaires de Milon. Ayant accusé le camp de Milon de violence publique, il dispersa les Comices, et les élections furent annulées.

C’est dans ce contexte qu’intervint l’affrontement de la Via Appia. Milon se rendait ce jour-là à Lanuvium pour désigner un flamine. Il rencontra sur la Via Appia Clodius et ses hommes, qui venaient en sens inverse, arrivant d’Aricia. Les troupes des deux hommes politiques s’affrontèrent et Clodius fut gravement blessé par les hommes de Milon. Ce dernier donna l’ordre de l’achever.

Milon fut mené au tribunal et les partisans de Clodius montèrent le peuple contre Milon et son défenseur, Cicéron. Le Sénat nomma alors Pompée consul pour calmer les désordres.

Un tribunal spécial fut instauré, ce à quoi Cicéron fait référence dans son discours.

La nature du discours paraît sans ambigüité : il s’agit d’un discours judiciaire, prononcé devant un tribunal. Le discours de judiciaire est en partie un discours de demande, puisqu’il s’agit d’obtenir quelque chose des juges, mais il se mêle d’autres types de discours comme on le verra.

Cependant, notons que ce discours ne fut pas celui prononcé par Cicéron devant le tribunal. Il s’agit d’une réécriture a posteriori, comme c’était souvent le cas pour les discours publiés. Lorsqu’il réécrit son discours, Cicéron sait pertinemment que Milon a été condamné et qu’il ne peut plus le faire acquitter. Le présent discours ne s’adresse plus à un tribunal, à des juges, mais à des lecteurs. Aussi pouvons-nous poser la question : est-ce encore purement un discours judiciaire ? Certains passages pourraient nous en faire douter.

  • Le but affiché est de convaincre le tribunal d’acquitter Milon.

  • L’attitude (ethos) de l’orateur, Cicéron, est celle de celui qui plaide, de l’avocat ; l’attitude de celui qui plaide implique la crédibilité et l’autorité de l’orateur. Ce dernier doit montrer, en tant que défenseur de la justice, et par son passé de magistrat, qu’il est digne de foi.

  • La passion (pathos) que l’orateur veut susciter chez son auditoire, et particulièrement chez les juges, est celle de l’indignation liée à la pitié : l’accusation portée contre Milon est injuste ; c’est au contraire Clodius qui est l’agresseur et Milon la victime. On peut se référer au traité de rhétorique d’Aristote, livre II, chapitre IX « de l’indignation », surtout au textus 93 :

« A la pitié, est opposé principalement ce qu’on appelle Avoir de l’indignation ; car sans doute s’affliger du malheur d’autrui, lorsqu’il arrive à une personne qui en est indigne, est une passion en quelque façon opposée au Déplaisir qu’un homme ressent lorsqu’il voit arriver du bonheur à un qui ne l’a point mérité. De plus elle part d’un même esprit et suppose les mêmes mœurs. Ces deux passions au reste viennent d’un bon principe et font voir un bon naturel. Car enfin il est d’un honnête homme D’être touché de compassion pour Ceux quis ont affligés sans l’avoir mérité : et tout de même, D’avoir dépit et être indigné de voir dans la prospérité et en honneur des personnes qui ne le méritent pas. La raison est, Que tout ce qui arrive sans qu’on l’ait mérité, soit bien, soit mal, est une chose injuste et qui choque ».

Comme souvent, on trouve aussi, liée à l’indignation, le pathos concomitant de la pitié, de la compassion pour celui que l’orateur désigne comme la véritable victime, Milon. On se référera ici au même traité d’Aristote, chapitre VIII « de la compassion », textus 83 essentiellement :

« La Compassion est une certaine affliction qu’on a pour un mal qui semble menacer quelqu’un de sa perte, ou du moins de le faire beaucoup souffrir, quoiqu’il ne mérite nullement qu’un tel malheur lui arrive ».

Ces deux passions sont donc étroitement liées : en effet, pendant son discours, Cicéron cherche à susciter l’indignation envers le crime prémédité par Clodius, et envers les partisans de ce dernier, qui veulent faire passer l’agresseur pour la victime : car voir la victoire du parti de Clodius ce serait voir « arriver du bonheur à un qui ne l’a point mérité ». Et parallèlement, il cherche à susciter la compassion pour Milon, qui de victime est devenu malgré lui l’agresseur, se trouve en position d’accusé alors qu’il a défendu la république, et risque l’exil pour toute gratitude.

Il faut aussi observer que dans la seconde grande partie de son argumentation, Cicéron cherchera surtout à susciter la haine de Clodius.

Si Cicéron cherche surtout à susciter indignation et pitié, ainsi que haine, cela n’empêche pas que dans certaines séquences il cherche plutôt à susciter de façon passagère la colère ou encore la crainte, comme nous le verrons.

  • Quant au logos, aux arguments, ils sont nombreux, et nous les étudierons au fur et à mesure ; nous verrons à quels lieux communs et à quels arguments spécifiques ils correspondent.

Toutefois tout l’argument central du discours tient dans cet épichérème : « Il est permis de tuer quiconque nous tend des embûches pour attenter à notre vie : la loi naturelle, le droit des gens, de multiples exemples, tout le prouve ; or Clodius a tendu des embûches à Milon pour attenter à sa vie : ses armes, ses soldats, ses manœuvres et autres circonstances le démontrent ; donc il fut permis à Milon de tuer Clodius. »

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