Analyse linéaire d'un extrait des Mémoires d'Hadrien

Marguerite Yourcenar publie les Mémoires d’Hadrien en 1951, à une époque où il est question de reconstruire un monde ravagé par la guerre. Alors qu’en 1950-1960 la littérature est marquée par le Nouveau Roman, courant qui remet en cause le roman traditionnel, Marguerite Yourcenar choisit au contraire une forme et une écriture très classiques, au style rigoureux, pour les Mémoires d’Hadrien.

L’auteure se plonge dans les mémoires fictives de l’Empereur Hadrien qui a régné sur l’empire romain de 117 à 138. Par ce procédé, elle nous fait rentrer dans les pensées intimes de l’empereur qui nous livre ses états d’âme pour nous faire comprendre sa vision des choses.

Ici Hadrien aborde la recherche de la connaissance de soi à travers deux points de vue différents : un regard interne et externe.

Dès la première phrase de cet extrait, l’empereur nous fait ressentir la dualité de son être, Hadrien se regarde et s’analyse de l’extérieur comme un autre.                        En effet, l’empereur d’Hadrien s’observe avec recul, il prend un point de vue externe sur lui-même, comme s’il se regardait lui-même en étant un autre pour avoir un avis plus objectif : « Quant à l’observation de moi-même » montre bien qu’il s’analyse tout seul de manière philosophique. Cette analyse pour lui est obligatoire afin d’arriver à la connaissance de lui-même mais avec « je m’y oblige » cela reste difficile.         Ensuite, « entrer en composition » renforce l’idée qu’il existe en lui deux identités et l’utilisation de « cet individu » en parlant de lui, indique qu’il ne se connait pas entièrement et laisse supposer qu’il a encore des aspects inconnus. Son objectif est de découvrir qui il est vraiment, même si malgré « une familiarité de près de soixante ans » il n’a pas encore réussi à tout connaître de lui-même, Hadrien fait encore des « erreurs » ce qui est contraire à l’idée qu’on se fait d’un empereur considéré comme un dieu pour les romains donc un être parfait.

Dans la phrase suivante, Hadrien confirme l’idée de deux parties de lui-même ainsi « Au plus profond » et « intérieure » signifie qu’il a un côté intime qui s’oppose dans la phrase d’après à « au plus impersonnel » son côté public.                             La gradation de « obscure » à « secrète » renforce l’aspect que c’est enfoui au plus profond de lui-même, la connaissance de soi reste pour lui encore quelque chose de secret.

Ici Hadrien exprime à nouveau la connaissance de sa personne : « elle » avec le plus de recul possible, comme quelqu’un qui étudierait sa vie de façon détachée, logique et mathématique. Il utilise pour cela une métaphore « aussi glacée que les théories sur les nombres ». Il reste observateur de sa vie, il prend de la hauteur et se sert de son intelligence pour s’analyser et pour avoir un autre point de vue : « j’emploie ce que j’ai d’intelligence à voir de loin et de plus haut ma vie, qui devient alors la vie d’un autre ».

Dans la phrase suivante, l’empereur démontre que l’épreuve à laquelle il se soumet, la recherche de la connaissance de soi, n’est pas facile car il faut d’une part de l’introspection, chercher au plus profond de soi-même, et d’autre part chercher à se dissocier de sa personne et se mettre à distance pour s’observer.  Cet exercice, il le qualifie de « procédés de connaissance » pour montrer qu’il a un objectif précis.            

La connaissance de soi est un exercice difficile et éprouvant, par facilité l’empereur Hadrien a tendance à considérer que l’image que le peuple a de lui représente ce qu’il est vraiment même si au fond de lui il sait que ce n’est pas vrai « une idée de ma vie partiellement modifiée par l’image que le public s’en forme, des jugements tout faits, c’est-à-dire mal faits ». Hadrien l’illustre avec la comparaison du « tailleur maladroit ».

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