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Explication linéaire du prologue de Juste la fin du monde

Commentaire de texte : Explication linéaire du prologue de Juste la fin du monde. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  25 Février 2024  •  Commentaire de texte  •  1 729 Mots (7 Pages)  •  77 Vues

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Explication linéaire 1 : Le prologue (en entier) Introduction Jean-Luc Lagarce est à la fois comédien, metteur en scène, directeur de troupe et dramaturge. En 1988, il apprend qu’il est atteint du sida et se sait condamné. En 1990, il écrit Juste la fin du monde. Malgré sa mort prématurée en 1995, à l’âge de 38 ans, Jean-Luc Lagarce laisse derrière lui plusieurs dizaines de pièces qui rencontreront un succès posthume. Ce texte est refusé par les différents comités de lecture des maisons d’édition et la pièce passe donc inaperçue, et n’est pas jouée du vivant de l’auteur (première mise en scène en 1999). Elle raconte le retour de Louis, un dimanche, dans la maison familiale, qu’il a quittée des années plus tôt, pour annoncer à sa mère, son frère et sa sœur qu’il va mourir. Pièce écrite comme une longue poésie en vers libres, la mise en page et la syntaxe hésitante soulignent la tension qui va régner dans une situation de « crise ». Le prologue constitue l’ouverture de la pièce. Comme dans une tragédie antique, un personnage entre en scène pour présenter l’intrigue de la pièce. Ici, c’est le personnage principal, Louis, qui a pour rôle d’exposer aux spectateurs le contenu de ce qui va suivre. Il joue le rôle du chœur antique. Les personnages annoncés dans la liste initiale sont Louis, 34 ans, Suzanne sa sœur, 23 ans , Antoine leur frère 32 ans, Catherine la femme d’Antoine 32 ans, La Mère, 61 ans. La scène se passe dans la maison de la Mère, un dimanche « évidemment » indique l’auteur comme pour marquer le symbole de cette temporalité. La pièce se compose de deux parties et s’ouvre comme les tragédies grecques de Sophocle sur un prologue que nous allons étudier ici. En quoi ce prologue présente-t-il le ressort de l’intrigue et l’échec probable de Louis? I. L’annonce tragique de la mort de Louis (v. 1 à 16 ) Tout le monologue du prologue (une longue phrase) est dominé par la reprise anaphorique d’un repère temporel : « l’année d’après ». C’est ce repère temporel de quatre syllabes, déjà évoqué dans la didascalie précédant le drame, qui structure les différentes parties du prologue. Vers 1 à 3 : • Le thème de la mort est présenté d’emblée «j’allais mourir… je mourrai ». Le verbe répété donne immédiatement le ton du prologue : il sera tragique et pathétique. • Cette certitude de la mort est renforcée par l’effet de prolepse créé par la formulation ambiguë de la phrase : « plus tard, l’année d’après » annoncent le futur « je mourrai ». Or la mort est aussi annoncée comme un fait déjà accompli. La mise entre tirets de « j’allais mourir à mon tour » présente un regard rétrospectif sur ce fait déjà achevé. • Louis revient à l’ancrage temporel du « maintenant » (« J’ai près de trente-quatre ans maintenant et c’est à cet âge que je mourrai » ), et rappelle la présence dramatique de la mort avec la répétition du verbe mourir. ⇒ Le monologue s’inscrit dans une temporalité quasi surréaliste. Mais la mort n’en est pas moins certaine. Vers 4 à 6 : • Le vers de quatre syllabes « l’année d’après » revient de manière anaphorique dans la tirade et vient rappeler l’action du destin. On comprend en effet que la fatalité dans cette pièce a le visage de la maladie. • La seconde étape est basée sur le thème de l’attente : la reprise de « de nombreux mois (déjà) que j’attendais » permet d’introduire toute une série de compléments au verbe attendre, qui suggère l’état moral assez dépité de Louis : ◦ L’inertie : « à ne rien faire » ◦ L’ignorance : « à ne plus savoir ». ◦ L’impatience : « d’en avoir fini ». • Il est habité par la négativité comme le suggère le champ lexical de la négation : « ne rien faire, à tricher, à ne plus savoir, sans espoir jamais» , la négation « ne plus » et « sans jamais » indiquant un temps fermé, un monde clos. • Le repère temporel « de nombreux mois » indique que la prescience de la mort n’est pas récente, et que Louis a cessé de vivre depuis longtemps. ⇒ Le travail de destruction est en marche, et Louis ne peut que le subir, et il en souffre Vers 7 à 11 : • Par effet d’allégorie, la mort est présentée comme menaçante : « un danger extrême » devient par gradation « l’ennemi [qui] vous détruirait aussitôt ». Les derniers moments de la vie deviennent un combat face à une force supérieure. • La seule réponse à la menace est donc l’immobilité: le rejet « on ose bouger // à peine, » souligne le risque de « réveiller » la bête. L’adverbe révélateur de prudence « imperceptiblement » lié aux négations partielles « sans… bruit », «sans… geste trop violent » métaphorise les derniers moments de la vie comme un combat perdu d’avance. Vers 12 à 16: • Pourtant Louis annonce son désir de réagir : la répétition du connecteur d’opposition « malgré tout » annonce une volonté de réagir. Il oppose à « la peur » le « risque … sans espoir de survivre». Le combat perdu d’avance ne doit pas empêcher de lutter : la réaction devient ici quasi épique. • La répétition de « malgré tout » suggère un retournement de situation : Louis décide finalement de mener un combat contre la maladie et la mort en revenant dans sa famille. Le terme épique « risque » fait signe vers l’épopée, mais Louis n’oublie pas la fatalité (« sans espoir jamais de survivre » ). Comme tout héros tragique, il se sait condamné. ⇒ La mort proche et inévitable de Louis est présentée comme une invitation au renoncement à la vie . Mais la décision de ne pas céder à ce renoncement prépare la révélation du thème de la pièce : annoncer sa maladie à sa famille. II. L’annonce de l’intrigue : une révélation vouée à l’échec (v. 18 à la fin du prologue) Vers 17 à 29 : La partie centrale du prologue expose le projet de Louis : la révélation. L’expression « pour annoncer » répétée en anaphore est prolongée par le verbe « dire » au sein de vers courts. Mais il en profite pour livrer aux spectateurs à la fois un état de sa situation et un autoportrait. • Le spectateur est confronté à un topos du genre de l’épopée : le retour du héros. L’énumération « retourner.. revenir… aller… » qui s’achève sur l’expression polysémique « faire le voyage » informe le spectateur : la répétition du préfixe « re » suggère un retour aux sources qui est un combat contre le temps qui passe. Lagarce utilise la polysémie de l’expression « faire le voyage » qui peut désigner à la fois le déplacement physique mais aussi le passage symbolique de la vie à la mort. • La révélation est liée elle aussi à une réputation qu’il croit posséder. L’énumération d’adverbes répétés tels que « lentement, avec soin, calmement, d’une manière posée » crée une insistance sur l’image qu’il entend véhiculer. La question rhétorique répétée et placée en incise « n’ai-je pas toujours été [pour eux] un homme posé ? » invite à penser qu’il va jouer un rôle plutôt qu’être sincère. Jean-Luc Lagarce crée un effet de théâtre dans le théâtre car Louis devient le metteur en scène de son annonce qu’il répète plusieurs fois. • Ce rôle, il se l’attribue en se confiant une mission : « être l’unique messager ». Ici, il s’arroge la fonction du chœur antique de la tragédie grecque qui vient signifier aux personnages et aux spectateurs le drame à venir. Les deux adjectifs de « ma mort prochaine et irrémédiable » rappellent le caractère inexorable du drame qui va se jouer et la concision par laquelle il veut l’annoncer. • La révélation se clôt sur un vers court tout à fait théâtral qui sera repris dans la fin du monologue : « et paraître ». Le terme, lui aussi polysémique, confère à sa future révélation un caractère illusoire. Il veut jouer un personnage, (re)naître, ne pas mourir.... Il affichera une allure artificielle avant de « disparaître ». ⇒ Louis, en affichant son projet de résistance à la mort, annonce déjà qu’il ne sera pas sincère, amorçant sans le savoir la crise familiale qui va s’ensuivre. Vers 30 à 36 : Dans la dernière partie du prologue, Louis se livre à une introspection en essayant d’analyser le but réel de sa démarche, et le fondement de son état d’esprit. • L’intention psychanalytique de sa démarche est sous-entendue par le retour dans le passé : « du plus loin que j’ose me souvenir ». Louis veut trouver dans son enfance des explications à son état d’esprit. • Son combat consiste à rester maître du destin d’où le champ lexical de la volonté : « voulu », « voulu et décidé », « décider », « responsable », « mon propre maître » . Louis fait preuve de stoïcisme et tente de garder la maîtrise de son destin. • Mais ce champ lexical de la volonté est contrecarré par le champ lexical de l’illusion ( « paraître », « peut-être », « paraître pouvoir », « l’illusion ») comme si ce combat de la volonté contre le destin était perdu d’avance. Ainsi, Louis ne peut que « donner aux autres (…) l’illusion d’être responsable ». • Le champ lexical du libre-arbitre, « être responsable de moi-même … être […] mon propre maître» est contredit par plusieurs signes de l’échec à venir : ◦ Le repère temporel « une dernière fois » et le repère spatial « jusqu’à cette extrémité » montrent qu’il va vers l’inconnu. ◦ La parenthèse « trop tard et tant pis » est l’expression d’un renoncement déjà annoncé. ◦ Les allitérations en « m » des derniers vers (me… moi-même… extrémité… mon… maître) suggèrent un babillage stérile. Conclusion Le prologue de cette pièce fonctionne, comme c’est souvent le cas, comme une annonce du drame à venir. On présente le ressort principal, à savoir le retour de Louis pour annoncer à sa famille sa mort prochaine, mais déjà, on devine que par manque de sincérité, il n’y parviendra pas

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