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Au théâtre, la crise, qu’elle soit personnelle ou familiale, est-elle nécessairement spectaculaire ?

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Par   •  12 Juin 2023  •  Dissertation  •  1 986 Mots (8 Pages)  •  524 Vues

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Au théâtre, la crise, qu’elle soit personnelle ou familiale, est-elle nécessairement spectaculaire ?

INTRODUCTION :

« Ta gueule, Suzanne ! » dit Antoine à sa sœur dans la pièce Juste la fin du monde. Ecrite en 1990 par Jean-Luc Lagarce, cette pièce traite du thème de la mort en général. Néanmoins, elle est également marquée par de nombreux moments de rupture profonds entre un ou plusieurs personnages. On peut dès lors parler d’une crise personnelle et familiale qui structurent cette œuvre. Cette réplique est donc ambigûe dans la mesure où dans cette pièce également marquée par l’impossibilité des personnages à communiquer, Antoine intime à sa sœur de se taire. La crise peut prendre une tournure spectaculaire avec une dynamique de représentation qui relève de l’essence théâtrale. En effet, ce terme vient du grec « theatron, theomaî » qui signifie la représentation et le lieu de la représentation. On voit dès lors que la crise peut trouver des causes multiples et s’exprimer de manière complexe. En quoi la crise au théâtre, par sa dimension protéiforme, peut s’exprimer de manière complexe : de l’ordinaire au spectaculaire ? Nous verrons dans une première partie la nature ordinaire de la crise. Puis, nous analyserons dans une deuxième partie que la crise peut prendre une tournure plus spectaculaire. Enfin, nous montrerons que la crise du langage, au théâtre, peut agir comme catalyseur des crises, qu’elles soient personnelles ou familiales.

Tout d’abord, la crise au théâtre peut se manifester da façon ordinaire, qu’elle soit familiale ou personnelle.

Cette crise peut s’avérer ordinaire car elle peut mimer les problématiques d’une famille réelle. En effet, le cocon est un lieu qui peut engendrer des conflits entre les membres d’une même famille lors de sujets et d’occasions divers comme lors du retour au sein du noyau familial, d’un membre de la famille. On retrouve cette idée dans Juste la fin du monde avec une didascalie initiale permettant un repère temporel : « un dimanche, évidemment » et qui traduit le topos de la traditionnelle réunion familiale. Au cours de cette réunion, tous les membres de la famille vocifèrent des reproches à Louis qui a quitté la maison familiale depuis de nombreuses années. Suzanne, la sœur, lui reproche son départ et son influence dans son développement personnel à la scène 3 de la première partie : « ce n’est pas bien que tu sois parti si longtemps, ce n’est pas bien et ce n’est pas bien pour moi. » La mère lui reproche également son départ et l’influence qu’il a eue dans le développement de son frère et sa sœur : « Tu serais un peu responsable et ils deviendraient à leur tour, ils en auraient le droit et pourraient en abuser, ils deviendraient à leur tour enfin des tricheurs à part entière. » Par cette réplique, elle invite son fils aîné à reprendre sa place au sein de la fratrie.

De plus, la crise au théâtre peut se manifester de manière ordinaire car elle peut être indiquée implicitement. En effet, la crise qu’elle soit personnelle ou familiale peut prendre sa source dans des non-dits qui peuvent provoquer des incompréhensions entre les personnages. On retrouve cette thématique dans Juste la fin du monde avec la crise personnelle que traverse Suzanne qui se matérialise en crise familiale. En effet, elle voue à Louis une admiration qui relève presque d’une relation incestueuse, causée initialement par le sentiment d’abandon éprouvé par Suzanne depuis son enfance. Dans son soliloque à Louis à la scène 3 de la première partie, elle explique : « c’est étrange, je voulais être heureuse et l’être avec toi. Mais je ne sais pas comment l’expliquer, comment le dire , alors je ne le dis pas. » Cette crise, ordinaire par sa mise en scène épurée, particulièrement chez Joël Jouhanneau rappelle les influences grecques de Lagarce et son goût pour les tragédies antiques. En effet, ce rapport entre Louis et Suzanne rappelle la relation particulière, proche de l’inceste entre Electre et Oreste, fils d’Agamemnon et Clytemnestre. On peut le voir dans Electre de Sophocle avec une réplique de cette dernière : « Je vis dans son attente. Et lui, ne sait plus tout ce que j’ai fait pour lui. Il voudrait, tel est son vœu, mais il ne vient pas. » De plus, la crise peut se manifester implicitement avec un non-dit s’apparentant à un tabou familial. On retrouve cette idée dans Juste la fin du monde avec la prétendue homosexualité de Louis soulevée maladroitement par Catherine dans son soliloque dans la première partie : « Antoine dit que vous n’aurez pas d’enfant. »

Enfin, la crise peut se manifester de manière ordinaire car elle est abordée avec une volonté de maîtrise de soi et de la situation. En effet, dans Juste la fin du monde, Louis, dans le prologue, explique au spectateur dans un monologue qu’il souhaite : « me donner et donner aux autres une dernière fois l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être, jusqu’à cette extrémité, mon propre maître. » Cependant, la volonté de « dire , seulement dire, ma mort prochaine, irrémédiable, l’annoncer moi-même, ou être l’unique messager et paraître là encore pouvoir décider » se transforme en échec car il ravive toutes les tensions familiales et les non-dits des crises personnelles. Sa crise personnelle face au poids de sa mort prochaine se transforme en crise familiale.

Nous avons vu ici que la crise au théâtre pouvait s’exprimer de manière ordinaire au spectateur. Or, dans d’autres configurations, la crise qu’elle soit familiale ou personnelle peut être spectaculaire.

La crise peut être spectaculaire au théâtre car elle obéit à son devoir de représentation. En effet, d’après l’étymologie du mot « théâtre », expliquée dans l’introduction, la représentation théâtrale peut prendre des tournures de spectacle ayant pour but de fasciner le spectateur. Certains auteurs s’inspirent de crises antiques afin de mettre en scène des luttes spectaculaires. Des auteurs comme Racine dans La Thébaïde ou dans Britannicus, pièce qui traite de la lutte fratricide entre Néron et Britannicus ou Jean-Luc Lagarce s’inspirent des affrontements bibliques, entre les frères Caîn et Abel ou bien des affrontements politiques entre Etéocle et Polynice afin de proposer des exemples de crise familiale spectaculaire dans les répliques. On peut le voir avec la réplique d’Antoine à Louis : « Tu me touches, je te tue » dans la deuxième partie de Juste la fin du monde.

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