L'Esthéitique, Hegel
Commentaire de texte : L'Esthéitique, Hegel. Recherche parmi 303 000+ dissertationsPar poumba2 • 11 Novembre 2025 • Commentaire de texte • 1 761 Mots (8 Pages) • 20 Vues
Hegel, introduction à l’Esthétique
« Cette conscience de soi, l’homme l’acquiert de deux manières : primo, théoriquement, parce qu’il doit se pencher sur lui-même pour prendre conscience de tous les mouvements, replis et penchants du cœur humain, et d’une façon générale, se contempler, se représenter ce que la pensée peut lui assigner comme essence, enfin se reconnaître exclusivement, aussi bien dans ce qu’il tire de son propre fond que dans les données qu’il reçoit de l’extérieur.
Deuxièmement, l’homme se constitue pour soi par son activité pratique, parce qu’il est poussé à se trouver lui-même, à se reconnaître dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce qui s’offre à lui extérieurement. Il y parvient en changeant les choses extérieures, qu’il marque du sceau de son intériorité et dans lesquelles il ne retrouve que ses propres déterminations. L’homme agit ainsi de par sa liberté de sujet, pour ôter au monde extérieur son caractère farouchement étranger et pour ne jouir des choses que parce qu’il y retrouve une forme extérieure de sa propre réalité.
Ce besoin de modifier les choses extérieures est déjà inscrit dans les premiers penchants de l’enfant ; le petit garçon qui jette des pierres dans le torrent et admire les ronds qui se forment dans l’eau, admire en fait une œuvre où il bénéficie du spectacle de sa propre activité ».
Ce texte est extrait de l’introduction à l’Esthétique, ensemble de cours professés sur l’art par Hegel entre 1820 et 1829 et publiés après sa mort par ses étudiants. Hegel y traite de la double acquisition de la conscience de soi dont l’accomplissement serait l’œuvre d’art. Situation et thème.
Hegel s’inscrit dans la tradition philosophique du sujet définissant essentiellement l’être humain comme être conscient. Si cette philosophie doit son origine à Descartes au XVIIème siècle, Hegel ajoute à la réflexion cartésienne que l’essence de la conscience se réalise, elle n’est donc pas une donnée originaire. Thèse. Pour être conscient de lui, l’être humain doit se saisir lui-même comme intériorité ainsi que se reconnaître dans les changements qu’il fait subir aux choses extérieures. Cette double acquisition le distingue des autres êtres, vivant au sein de la nature, dont l’existence est entièrement déterminée, au contraire de l’être humain affirmant par cette conscience de soi sa liberté de sujet. Hegel montre ainsi en quoi l’acquisition théorique de la conscience n’est pas suffisante et en quoi elle doit être mise en œuvre par la pratique. Tout ce qui suit la thèse problématise le texte.
Le mouvement du texte part de l’acquisition théorique de la conscience de soi, pour montrer en quoi la pratique l’accomplit et illustre enfin cet accomplissement par l’exemple d’un enfant jetant des cailloux dans l’eau. Articulations du texte.
Tout d’abord, quelle est l’origine de la conscience de soi ? Selon Hegel, elle est issue d’une double acquisition dont il commence par analyser la première : l’acquisition théorique.
Si la conscience est faculté de penser devant permettre de parvenir à un ensemble de connaissances, la conscience de soi est saisie de soi comme subjectivité, càd renvoyant à une intériorité distincte du reste du monde (la nature, dont la conscience de soi est capable de s’extraire ; les vivants non humains, dont la conscience de soi se distingue ; les autres êtres humains, dont la conscience de soi s’individualise).
L’être humain prend alors conscience de lui-même par le détour de la pensée, à savoir par la réflexion qui le distancie des choses de la nature et lui fait sentir en son cœur, càd au fond de lui-même, à l’intérieur de son être, quelle est son essence. Celle-ci consiste à se reconnaître exclusivement, càd se saisir comme être distinct par la pensée. Mais Hegel ajoute que l’être humain y parvient tout à la fois dans « ce qu’il tire de son propre fond » et « dans les données qu’il reçoit de l’extérieur ». Autrement dit, il est également capable de se faire une image de lui-même à partir de ce qu’il observe extérieurement, par exemple de se sentir empathique lorsqu’il voit un être souffrir.
Nous pouvons mettre cette définition de l’être humain comme sujet en parallèle avec celle qu’en propose Kant (prédécesseur de Hegel et qui a imprégné sa philosophie) dans l’Anthropologie où il écrit : « Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève infiniment l’homme au-dessus du reste de la nature. » Or, posséder le Je dans sa représentation signifie être conscient de soi.
Cette introspection dont l’être humain est capable menant à la conscience de soi nous est entre autres représentée à travers la sculpture de Rodin intitulée justement le Penseur (1880).
[pic 1]
On observe un homme, au corps puissant, assis, le coude droit plié sur son genou et la tête reposant sur le poignet. La tête symbolise le lieu de l’esprit, la posture confère à cet homme le statut d’être pensant dont la puissance est matérialisée par celle du corps.
Pourtant, la conscience de soi n’est pas encore entièrement ce qu’elle est tant qu’elle en reste au stade de l’intériorité. Pour être, elle a à se réaliser à travers le second mode d’acquisition. En quoi consiste-t-il ?
Le second mode d’acquisition de la conscience de soi est pratique. En effet, l’être humain ne se contente pas de se contempler et de contempler le monde, il agit également tout en sachant qu’il est le sujet de l’action. L’action pratique n’est donc pas le simple redoublement de la conscience de soi, elle en est l’extériorisation, la façon dont la conscience se saisit objectivement. En effet, l’intériorité du sujet n’est à terme pas tenable : l’être humain se sait être lorsque son être produit des effets, càd lorsqu’il s’extériorise et peut se saisir comme objet. En cela Hegel prolonge la philosophie de Descartes : si la découverte du cogito constitue la première vérité de la philosophie cartésienne et suffit à refonder tout le savoir à partir de la position du sujet, Hegel montre que le sujet doit s’objectiver, sortir du solipsisme, càd de la posture d’une conscience enfermée en elle-même et risquant alors de se perdre dans des pensées illusoires ou sans consistance. On peut en effet ‘‘tourner en rond’’ quand on ‘‘se pose trop de questions’’, comme le rappelle la sagesse populaire.
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