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L'artiste est-il un artisan comme un autre ?

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Par   •  9 Juin 2023  •  Cours  •  12 157 Mots (49 Pages)  •  142 Vues

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Qu’est-ce qui fait la valeur de l’art ?

Introduction

L’art : activité de production (rappel de l’étymologie : art vient de « technè » en grec, qui a ensuite été traduit par « ars » en latin ; ces deux mots signifient production, fabrication matérielle), qui se caractérise par une recherche du beau : elle respecte le critère du beau, ses productions sont belles (critère qui ne vaut plus dans l’art contemporain). Il se caractérise aussi par son inutilité : l’œuvre d’art n’a aucune fonction déterminée (contrairement à un objet technique ou à un outil qui ont une fonction précise), elle ne sert à rien, elle n’a d’autre fin qu’elle-même.

Habituellement, nous avons un certain rapport à la réalité : un rapport d’action et d’utilité. Au quotidien, nous devons agir, nous devons être efficaces. Hannah Arendt remarque dans ce texte que l’œuvre d’art est précisément ce qui échappe à cette réalité triviale : l’œuvre d’art se caractérise par sa gratuité, elle n’a aucune utilité. Par conséquent, l’œuvre d’art est ce qui se libère de la réalité et de ses exigences utilitaires.

« Du point de vue de la durée pure, les œuvres d’art sont clairement supérieures à toutes les autres choses ; comme elles durent plus longtemps au monde que n’importe quoi d’autre, elles sont les plus mondaines des choses. Davantage, elles sont les seules choses à n’avoir aucune fonction dans le processus vital de la société ; à proprement parler, elles ne sont pas fabriquées pour les hommes, mais pour le monde, qui est destiné à survivre à la vie limitée des mortels, au va-et-vient des générations. Non seulement elles ne sont pas consommées comme des biens de consommation, ni usées comme des objets d’usage : mais elles sont délibérément écartées des procès de consommation et d’utilisation et isolées loin de la sphère des nécessités de la vie humaine. […] C’est seulement là où nous sommes confrontés à des choses qui existent indépendamment de toute référence utilitaire et fonctionnelle, et dont la qualité demeure toujours semblable à elle-même, que nous parlons d’œuvre d’art. »

Hannah Arendt, La Crise de la culture

C’est le constat de cette gratuité de l’art qui conduit Arendt à affirmer que l’œuvre d’art est mondaine, elle est même « la plus mondaine » des choses. En explicitant ceci, en disant que les œuvres ne sont pas faites pour les hommes, mais pour le monde, elle dit qu’elles ne sont pas faites pour l’usage des hommes. L’œuvre d’art n’appartient pas à la vie, c’est-à-dire à la sphère des nécessités vitales, à la sphère de l’utilité, du fonctionnel. L’œuvre d’art est mondaine au sens où elle crée un monde.

        C’est l’art qui fait la permanence du monde humain, ce qui lui confère une durée.

Qu’est-ce qui fait la valeur des œuvres d’art ? Pourquoi les considérons-nous comme des productions humaines au statut exceptionnel, que l’on exclut de la sphère de l’utilité ?

La valeur de l’œuvre vient-elle de qu’elle nous transmet, ce qu’elle nous dit sur le monde ? (I)

La valeur de l’œuvre vient-elle au contraire uniquement de celui qui la juge, et qui lui attribue de la valeur ? (II)-

L’art contemporain a-t-il encore de la valeur ? Est-ce encore de l’art ? (III)

  1. L’art et le monde

  1. L’artiste est-il maître de son œuvre ?

  1. L’artiste est artisan avant d’être artiste, il transforme la matière

La différence n'est pas toujours évidente entre l'art et la technique. Étymologiquement, ces deux mots ont la même origine : technê, en grec, qui donnera ars en latin. Les termes de technê et d'ars renvoient tous les deux à un savoir-faire. Ainsi, l'art désignait au départ toute activité de production humaine, par opposition aux productions naturelles.

Ce n'est que par la suite qu'est apparue une distinction entre d'un côté la production technique, et de l'autre côté l'art compris comme beaux-arts (production d’un objet qui n’a aucune utilité et recherche du beau)Aujourd'hui, la distinction entre l'art et la technique semble aller de soi ; mais l’étymologie semble nous rappeler que l’art, avant d’être une création, est une production qui requiert un travail et une technique. Ainsi, l’artiste serait avant tout un artisan, dont la tâche consiste à travailler, à transformer la matière. C’est ce qu’affirme Henri Bergson lorsqu’il interroge les conditions de possibilité de l’œuvre d’art :

« La matière provoque et rend possible l’effort. La pensée qui n’est que pensée, l’œuvre d’art qui n’est que conçue, le poème qui n’est que rêvé, ne coûtent pas encore de peine. C’est la réalisation matérielle du poème en mots, de la conception artistique en statue ou en tableau, qui demande un effort. » Henri Bergson, L’Energie spirituelle, chapitre I.

Ainsi, la création artistique définit d’abord un acte qui se passe entre l’homme et la matière, une peine, un effort, une contraction, car il n’existe pas de matière docile : le bloc de marbre, les sons, le langage offrent d’abord une résistance contre laquelle il faut lutter pour y imprimer une forme.

Exemple : dans les entretiens que donne Louis-Ferdinand Céline à des journalistes (voir notamment l’entretien pour INA en 1961), souvent dans sa propre maison, Céline se définit non pas comme un artiste, mais comme un artisan, qui travaille laborieusement à l’élaboration de ses romans. Chez lui, l’on peut voir des fils tendus un peu partout, et des feuilles manuscrites accrochées avec des pinces à linge. Il répète souvent que pour 800 pages de romans qui seront éditées, il écrit 80 000 pages ! 80 000 pages d’élaboration du style, d’écriture et de réécriture. Ecrire est un travail physique, dit-il, il faut « mettre ses tripes sur la table », et il se plaint d’y laisser la santé.

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