LaDissertation.com - Dissertations, fiches de lectures, exemples du BAC
Recherche

Diversité culturelle et parentalité

Compte rendu : Diversité culturelle et parentalité. Recherche parmi 302 000+ dissertations

Par   •  27 Juin 2025  •  Compte rendu  •  1 823 Mots (8 Pages)  •  12 Vues

Page 1 sur 8

Diversité culturelle et parentalité

au centre social Montmousseau

J’habite à Ivry-sur-Seine, une commune de la petite couronne parisienne dont la municipalité parvient à combiner développement économique local et politiques publiques soucieuses des plus modestes. Ce samedi 19 janvier, je suis allée à une conférence intitulée « Diversité culturelle  et parentalité » organisée par le centre social du quartier Montmousseau. Je vous dis pourquoi j’ai aimé ce moment !

 A mon arrivée – il est 9H30 –, quelques habitants discutent et les organisateurs s’affairent. L’intervenant installe un stand qui abrite des livres et des batiks africains. Je me sers une tasse de ce café chaud qui dégage une délicieuse odeur et j’engage la conversation avec un père de famille qui est ce jour-là accompagné de sa fille aînée. Chinois originaire de Shenzhen, ville de 12 millions d’habitants au sud de Canton, monsieur S. est un familier du centre social en raison de la variété des activités proposées aux enfants. Comme nous sommes tous les deux de jeunes parents, la discussion porte rapidement sur l’accès aux crèches municipales et départementales. Monsieur S. me confie que, pour que sa fille cadette ait une place en crèche, son épouse a appelé plusieurs élus locaux. Le couple s’est aussi mobilisé pour l’inscription de l’aînée au Conservatoire de musique et de danse d’Ivry-sur-Seine qui multipliera les chances de celle-ci d’accéder aux classes CHAM (classe à horaires aménagés en musique) du collège local. Jour de l’inscription, monsieur et madame S. ont patienté des heures avant d’arriver au guichet, se relayant lors de la pause méridienne. Cet exemple montre que les stratégies scolaires précoces concernent aussi les parents issus de la migration. Il souligne aussi combien certains immigrés s’insèrent pleinement dans la vie sociale communale à condition qu’on leur offre des opportunités pour le faire.  

Migration et parentalité

A 9H45, nous prenons place autour du conférencier. L’assemblée reflète l’hétérogénéité de la population ivryenne – on y trouve des participants originaires du Maghreb, de l’Europe du sud et d’une partie de l’Asie – mais on remarque aussi l’absence des populations qui viennent de l’Afrique sub-saharienne. Trois femmes portent un foulard et l’une d’entre elles interviendra dans le débat par la suite. L’intervenant est Pape Cissoko, diplômé de philosophie et spécialiste en médiation culturelle. Son travail consiste à accompagner les parents dans l’éducation de leurs enfants et à soutenir les professionnels dans leur intervention auprès des publics issus de l’immigration récente. Selon Pape Cissoko, il est souhaitable que les intervenants sociaux connaissent les structures familiales et les modes de vie des populations auprès desquelles ils travaillent. Ils doivent aussi rendre visible et expliciter auprès des immigrés les usages et les normes de la société d’accueil.

Dans un premier temps, l’intervention porte sur le trajet des immigrés, de leur pays d’origine à la société d’accueil. Entre 1980 et 2000, elles et ils ont quitté le Sénégal, le Mali, la Côte d’ivoire ou, plus rarement, la République démocratique du Congo. Pour Pape Cissoko, l’origine urbaine ou rurale des immigrés ainsi que les structures familiales dans lesquelles ils ont été socialisés permettent de comprendre leurs pratiques dans la société d’accueil. Au village, tout un chacun s’inscrit dans une vie communautaire structurée par l’âge, le sexe et le lignage. L’éducation des plus jeunes est le travail de l’ensemble de la collectivité : il faut tout un village pour éduquer un enfant. Dans les grandes villes, les liens communautaires sont fragilisés et laissent place à d’autres organisations de la vie sociale. Dans le cas du Mali, Nehara Feldman a montré que l’espace urbain bamakois offrait aux femmes davantage de possibilités que le cadre villageois pour échapper au contrôle des chefs de famille. La tolérance vis-à-vis de la scolarisation et la professionnalisation des femmes y est également plus élevée. Concernant les structures familiales, l’intervenant souligne que la polygamie est pratiquée dans certaines familles musulmanes tandis que le lévirat, selon lequel une femme qui a perdu son époux épouse le frère de celui-ci, est en voie d’extinction. Enfin, les rites d’initiation ont une place centrale dans la socialisation familiale des jeunes.

Dans un deuxième temps, Pape Cissoko rappelle l’ensemble des domaines qui façonnent la parentalité en contexte migratoire : l’habitat et l’espace du quartier, l’école et les rythmes scolaires, les soins de l’enfant tels le maternage et les massages, l’hygiène et la nutrition. Il donne plusieurs exemples qui témoignent de la rencontre délicate entre les pratiques de certains primo-arrivants et celles couramment admises dans la société d’accueil. Un oncle vient à la réunion entre les parents et les professeurs en lieu et place du parent ; un enfant de trois ans, pris en charge par les aînés de la fratrie, sillonne le quartier à 21 heures. Dans cette partie de l’intervention, le propos de Pape Cissoko est prescriptif. Il est préférable que les enfants déjeunent à la cantine – l’alimentation y est équilibrée et l’intégration à la communauté scolaire favorisée – possibilité qu’offrent de nombreuses communes en raison du coût relativement faible des restaurants scolaires. Il demande aux professionnels d’aider les parents à faire le trousseau des enfants lorsque ceux-ci partent en colonie de vacances ou en voyage avec le centre social. A une mère qui accuse un chef d’établissement d’être raciste parce que celui-ci lui a demandé d’amener ses enfants à 8H30 tapantes, avant la fermeture des grilles de l’école, Pape Cissoko  recommande l’emploi d’un autre vocabulaire pour formuler ses griefs. La figure du médiateur culturel apparait comme une interface indispensable entre les migrants et la société d’accueil, ce qui ne veut pas dire que ce rôle est dénué d’ambiguïté. Pape Cissoko a d’ailleurs fait allusion aux relations délicates qu’il entretient avec certaines familles qui le considèrent comme un émissaire des services sociaux.

La dimension culturelle de l’intégration

Dans le débat public, en France comme ailleurs, de nombreux discours culturalistes tendent à enfermer les migrants dans une altérité radicale et définitive. La culture est alors essentialisée comme si le temps et l’inclusion durable dans la société d’accueil n’avaient aucun effet sur les appartenances, les habitudes et les pratiques des immigrés. Ces usages idéologiques de la culture doivent-ils pour autant nous conduire à méconnaitre la dimension culturelle de l’intégration ? De mon point de vue, la compréhension du parcours des immigrés, notamment des primo-arrivants, implique une connaissance des agencements entre dimension culturelle, conditions de vie et ressources socio-économiques. Dans cette perspective, la culture est une construction sociale originale qui résulte de la confrontation de ressources héritées du pays d’origine avec le système d’opportunités présent dans la société d’immigration. Elle s’apparente à un processus dynamique, constamment façonné par les cadres sociaux du pays de destination. On peut regretter que Pape Cissoko n’ait pas présenté, même brièvement, les différentes approches de la culture des immigrés et comment il se situe par rapport à celles-ci. Ces éléments ne sont pas sans importance pour la bonne compréhension, par les professionnels, des ressorts des trajectoires des immigrés. Il n’en reste pas moins que l’intervenant est parvenu à combiner efficacement savoirs anthropologiques et enseignements tirés de son quotidien professionnel, proximité avec les familles et analyses de leurs pratiques.

...

Télécharger au format  txt (11.9 Kb)   pdf (124.5 Kb)   docx (12.4 Kb)  
Voir 7 pages de plus »
Uniquement disponible sur LaDissertation.com