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La ruée vers l'or brésilienne

Dissertation : La ruée vers l'or brésilienne. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  20 Mai 2021  •  Dissertation  •  3 536 Mots (15 Pages)  •  338 Vues

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« Tous les vices semblèrent s’être donné rendez-vous dans le pays des mines ; toutes les passions s’y déchaînèrent ; on y commit tous les crimes. »

Ce regard rétrospectif d’Auguste de Saint Hilaire, botaniste français explorant le Brésil de 1816 à 1822, donne à voir ce «pays des mines », dès les années 1690, comme un territoire sans ordre ni loi. Cela permet de s’interroger sur la naissance, le développement et l’organisation d’un tel territoire, sur ses liens avec les différents mouvements et pouvoirs du Brésil portugais.

Ces propos entrent en résonnance avec cet extrait de la seconde partie de l’ouvrage « culture et opulence du Brésil par ses drogues et ses mines » publié en 1711, écrit par le père jésuite italien André João Antoni, ayant séjourné au Brésil, et plus précisément à Bahia de 1681 à 1716. Composé de plusieurs parties, probablement écrites à des périodes différentes et compilées ensuite, cette œuvre offre un panorama large, précis, mais détaillé de manière inégale, de la vie économique brésilienne : de l’agriculture sucrière ; qui est la principale source de revenue de la colonie au 17e siècle, indissociable du commerce d’esclaves ; à l’élevage, en passant par l’exploitation minière et aurifère. C’est sur cette dernière, écrite en 108/1709 que porte notre extrait : précisons d’emblée que l’auteur porte un regard critique sur une « ruée vers l’or », débutant à la fin du 17e siècle, qui lui est contemporaine, mais qu’il n’a pas observé par lui-même. En effet, il semble s’être appuyé essentiellement sur des témoignages ou sur des sources administratives auxquelles il a eu accès par sa position de recteur du collège de Bahia puis de provincial entre 1704 et 1709. Il faut aussi savoir que cet ouvrage est à ce point détaillé qu’il est interdit de publication par la couronne portugaise : les nombreuses informations qu’il referme peuvent être mises à profit par les ennemis et rivaux du royaume ibérique, du roi Don Jean V. Ce développement rapide et plus ou moins organisé de l’exploitation de l’or dans la région des mines à la fin du 17e siècle marque un renouveau de l’empire colonial portugais dans un contexte de crise économique : les cultures de sucre et de tabac sont victimes de la concurrence française et hollandaise. La couronne portugaise, mise à mal par les conflits coloniaux avec les hollandais, voit dans les découvertes de filons et de rivières aurifères par les bandeirantes dans ces régions intérieures et montagneuses une opportunité de développement et d’accroissement des richesses, permettant d’éviter de se pencher sur l’industrialisation. Mais l’auteur, qui a étudié le commerce sucrier en profondeur, comprend que ce développement se fait au dépend des nombreuses exploitations agricoles. Aussi, si dans cet extrait André João Antoni donne à voir les mouvements spontanées de populations diverses, leur but, les caractéristiques de l’exploitation, de l’économie et de la société qui se mettent en place, c’est pour insister sur le désordre, l’absence de cadre politique et religieux, qui sont interdépendants. Il met en avant les hasardeuses et insuffisantes tentatives d’organisation, de l’Eglise comme de la couronne, pour légitimer les conseils qu’il donne, semblant s’adresser directement au roi. Il s’agit donc d’un extrait au sein duquel la vision morale et idéologique de l’auteur transparaît : il dénonce une certaine passivité et la prééminence de la loi du profit.

En quoi cet extrait, qui semble être adressé au Roi, illustre-t-il la difficile adaptation des pouvoirs politico religieux à ce nouveau phénomène socio-économique qu’est « la ruée vers l’or » dans la région des mines, entraînant une organisation particulière préfigurant la mise en place d’un « nouveau brésil » ?

Si André João Antoni donne à voir le développement d’un nouveau système géographique et économique par une population cosmopolite (I), c’est pour insister sur l’absence de cadre politico religieux dont découle un certain nombre de problèmes et de conflits (II). Dès lors, il faut se pencher sur la dimension morale et politique d’un extrait dénonciateur comportant des propositions qui semble être faites directement à la couronne (III).

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Tout d’abord, il faut comprendre que André João Antoni décrit avec scepticisme la nouvelle organisation économique dans ces régions du Brésil portugais.

Insistons sur ce premier point : l’auteur met en avant le fait que les acteurs nombreux ; « plus de trente mille âmes y travaillent »; de cette économie proviennent de milieux géographiques et sociaux très divers. A ce titre, on peut parler d’un véritable cosmopolitisme. Si les paulistes constituent, à l’origine, la population majoritaire de ces territoires, l’officialisation de la présence d’or dans les années 1690 entraine de grands mouvements migratoires. Venant du territoire brésilien ; citons pour exemple les villes de Bahia ou de Pernambouc ; mais aussi de l’étranger ; 8000 à 10 000 portugais débarquant chaque année à partir de 1697 ; ces populations sont attirées par « L’insatiable soif de l’or ». Dès lors, ce sont des milieux très hétéroclites qui se côtoient : c’est l’objet de la longue énumération que fait André João Antoni. Pourtant, s’il décrit des personnes de tous sexes et de tous âges, les sources attestent de l’arrivée de populations essentiellement masculines : le jésuite semble vouloir insister sur l’idée de diversité. En fait, on y trouve sur ces territoires peu explorés, donc peu contrôlés administrativement et judiciairement des colons blancs, des populations noires esclaves, affranchies ou évadées, des marginaux voulant échapper aux autorités portugaises, des clercs et des moines indépendants, des pauvres voulant faire fortune et des portugais aisés et organisées… Mais il est difficile en réalité de déterminer des catégories, qui restent volontairement floues dans les termes employés par l’auteur. En tout cas, il faut savoir que les nouveaux venus portugais ou Bahianais deviennent rapidement plus nombreux que les paulistes.

L’arrivée en grand nombre de ces populations introduit la question de l’accessibilité : la formule utilisée dès la première phrase « des routes aussi rudes que le sont les routes des mines» est significative. Pourtant, en affirmant que ces gens arrivent du littoral, des grandes villes, et en mentionnant la présence « une maison des quints à Taubaté, dans la ville de São Paulo, à Paraty et à Rio de Janeiro

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