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L'héritage dynastique de Louis XIV

Dissertation : L'héritage dynastique de Louis XIV. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Février 2019  •  Dissertation  •  3 189 Mots (13 Pages)  •  573 Vues

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L'on peut d'abord se demander pourquoi Louis XIV a des vues sur l'Espagne : outre les raisons géographiques et stratégiques évidentes ( territoires voisins, encerclement Habsbourg ), l'Espagne c'est avant-tout un royaume très prestigieux qui rayonne sur toute l'Europe, voir le monde. Le spectre du grand Siècle d'Or espagnol plane toujours au dessus de la chrétienté, et si l'historiographie considère qu'à partir de 1660 et la paix des Pyrénées ( voir 1640, perte du Portgual ) l'Espagne rentre dans une phase de déclin, voir de décadence : les contemporains de Louis XIV ne l'ont pas perçu ainsi. Le royaume d'Espagne fascine ( nombreuses pièces de théâtre en Espagne, par exemple = Don Juan ) et on la considère, de loin, comme la plus puissante des monarchies d'Europe, car elle semble régner sur presque le monde entier. On considère l'Espagne comme le plus catholique et le plus pur des royaumes ( monarchie très chrétienne, peu fastueuse, de lignée Habsbourg, pas trop de protestants ) = et surtout l'image d'une monarchie universelle, sur laquelle le soleil ne se couche jamais. De plus la couronne d'Espagne recouvre de multiples royaumes d'Europe, ce qui lui donne une figure quasi-impériale ( roi de Castille, d'Aragon, des Pays-Bas, de Sicile ) en plus d'être sous la dynastie Habsbourg qui a cette dignité impériale = elle semble faire partie d'un ensemble catholique Habsbourg, impérial, qui domine l'Europe. Malgré les difficultés de l'Espagne durant le siècle, la France se considère comme son parent pauvre et le jalouse : pour les contemporains de Louis XIV, le XVIIème siècle n'est pas un siècle français, mais bien un siècle espagnol.

Louis XIV est lui-même le fruit de cette fascination espagnole. Dès 1560, la France se lance dans des échanges matrimoniaux avec l'Espagne, une tradition qui perdure pendant plus d'un siècle jusqu'au mariage du roi lui-même avec Marie-Thérèse d'Autriche, infante d'Espagne. L’historien Ernest Lavisse considère par exemple que Louis XIV était de France, mais d'Espagne tout autant et même d'avantage : le sang de Louis XIV est en effet presque plus Habsbourg que Bourbon. Fils de Louis XIII, lui-même issu d'un mariage espagnol, et de Anne d'Autriche = il est à trois quart Habsbourg d'Espagne, et épouse à nouveau une princesse espagnole : la royauté ibère s'installe en France, cependant ce n'était pas véritablement perçu comme cela par les contemporains = pour les français, Louis XIV n'est pas espagnol du tout. En effet la couronne de France est finalement très ancrée dans la culture et la conception monarchique du royaume : le roi de France n'est JAMAIS un étranger – dans la fiction de la couronne française, les rois sont des capétiens purs et durs, descendants des Francs et ne sont pas compromis avec d'autres peuples = il y a comme une idée de pureté de sang innée chez le roi de France, qui est un capétien de pure race sans avoir à le démontrer par des mariages valorisant cette pureté de sang ( ce que font, par exemple, les Habsbourg en se mariant au sein de la famille = peu répandu chez les capétiens, qui eux ont une tradition d'aller chercher des princesses étrangères ). Dans l'idée : le sang capétien semble dominer naturellement le sang donné par la mère du dauphin ( des idées notamment renforcée par la loi salique = la couronne de France est réellement basée sur une idée de domination royale masculine ), il faut dire que la conception monarchique française est ancrée dans une culture médiévale très ancienne ( XI-XIIIème siècle que la couronne de France trouve son identité ), là où l'Espagne s'est finalement forgée une conception royale unie ( sur tous les royaumes d'Espagne ) plus tardive, et donc basée sur d'autres idées de la légitimité que les lois coutumières du royaume féodal.

On peut voir la manifestation de cette idée de prédominance capétienne et française notamment dans le traitement fait aux princesses espagnoles dans la cour de France. De fille du roi d'Espagne, les princesses se transforment en reine de France : elles doivent se dépouiller culturellement et n'avoir de loyauté que pour le royaume du lys, elle doit abandonner toute relation avec son ancien royaume = finalement, dans un schéma patriarcal classique, elle passe de l'autorité de son père monarque d'Espagne à celle de son mari, monarque de France. En se mariant, le sacrement chrétien du mariage fait passer l'époux et l'épouse de deux individus à un : les deux êtres ne deviennent qu'une chair = la chair qui l'emporte est en fait celle du mari. En épousant le roi, la reine devient française, son sang devient français : elle n'a aucune raison, théoriquement, de s'accrocher à son royaume d'origine. Il y a l'exemple d'Anne d'Autriche, qui devient bonne reine française pendant la guerre de Trente Ans qui a fait la guerre à son pays d'origine : elle dit même à son frère Philippe IV en 1660 : « Je crois que votre Majesté me pardonnera d'avoir été si bonne française : je le devais au Roi mon fils, et à la France » ), mais c'est encore plus vrai pour Marie-Thérèse, épouse de Louis XIV : quelques jours après son mariage, sa suite espagnole est presque intégralement congédiée, on ne veut pas de l'influence espagnole à la cour ( on a notamment peur des espions espagnols ). De même, l'on veut exclure toute influence espagnole de chez la reine ( on critique notamment sa manière de s'habiller, sa chevelure, etc … ). Même leur origine espagnole doit servir à glorifier la dynastie capétienne, car l'on a vu dans Anne d'Autriche la nouvelle Blanche de Castille et dans Louis XIII le nouveau Saint-Louis : la France puise dans son passé pour légitimer l'appartenance française du souverain, mais aussi de la reine qui se retrouve piégée dans ce portrait d'auto-référence au passé médiéval. Les reines étrangères doivent impérativement devenir reines de France = pourtant l'on retient d'elles une part de leur héritage, non pas en tant que reine de France mais en tant qu'épouse du roi et mère du prince.

En effet, malgré la domination supposée du sang capétien, l'héritage espagnol Habsbourg n'est complètement rejeté par la couronne de France : de Philippe IV, beau-père de Louis XIV, le roi de France tire finalement les vertus de la lignée Habsbourg – la piété de la lignée dans tout son ensemble, mais aussi la magnificence et la valeur des grands ducs de Bourgogne du XVème siècle héritée de Charles Quint, et même la prudence qui a caractérisé les monarques espagnols dans l'imaginaire du XVIème siècle ( Philippe II qu'on jugeait être le roi le plus prudent et sage de son temps, Philippe III monarque de paix ). Louis XIV réunit donc toutes les qualités des Habsbourg, sans jamais faire partie de la lignée : cela créé tout un vaste panel de qualités attribuée aux Bourbons piqué aux Habsbourg, qui fuse presque les dynasties tout en gardant le nom de capétien. Cela contribue au projet de glorification du roi, car ainsi Louis XIV n'est pas juste le plus grand roi de la race capétienne : il transcende sa lignée française en gagnant les traits de la plus grande lignée d'Europe, il devient l'archi-roi par excellence qui possède toutes les qualités monarchiques, allant presque jusqu'à la contradiction ( car Louis XIV concilie alors le faste habituel des capétiens et l'humilité Habsbourg : en vérité Louis XIV a là surtout retenu la règle française ), en faisant le plus grand roi de la terre.

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