Union politique de l'Europe

Introduction

Depuis que la simple idée d’une Europe unie a commencé à fleurir dans les esprits et a fait l’objet de discussions de plus en plus sérieuses, certaines questions se sont avérées fondamentales; faut-il réaliser l’union de l’Europe en tant que coopération ou plutôt d’intégration ? (C. Hen et J. Léonard, 2006) En d’autres mots; faut-il simplement opérer un rapprochement entre les États, sans toucher à la souveraineté de chacun, ou faut-il plutôt créer une autorité supranationale, qui aurait le pouvoir de s’immiscer dans les affaires des États ? C’est à l’origine, selon les premiers penseurs du concept, plutôt la deuxième option qui leur paraissait souhaitable, si l’on prend par exemple les propos de Dante, dans La Divine Comédie, prônant un souverain d’Europe au-dessous de tous les souverains, illustrant ici un rêve existant depuis le Moyen-âge; reformer une Europe et la gouverner tel que l’avait fait Charlemagne en son temps et retrouver cette unité mythique. On pourrait aussi évoquer d’autres illustres auteurs, de Kant à Victor Hugo, qui avaient de bien grands projets pour établir la « paix perpétuelle »… On peut ainsi se questionner à savoir comment s’est bâtie l’Europe et son union inter-étatique, et pour en arriver où et à quels résultats aujourd’hui ? C’est précisément ce que nous tenterons d’élucider dans cette étude.

Les premiers tâtonnements

Replongeons-nous dans le contexte du 19e siècle, où le projet, on peut dire, à premièrement été proposé avec grand sérieux, alors que Victor Hugo lui-même, présidait le congrès de la paix à Paris en 1848. C’est alors qu’il a prononcé cette phrase, aujourd’hui célèbre, pour exposer son projet : « Un jour viendra où, vous France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez dans une unité supérieure et vous constituerez la fraternité européenne... Un jour viendra où les boulets seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le véritable arbitrage d'un sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le Parlement est à l'Angleterre, ce que la Diète est à l'Allemagne et ce que l'Assemblée législative est à la France. » Par la suite, il préconisera la constitution des « États-Unis d'Europe », fondés sur le suffrage universel, comme on l’aura compris.

Suite à cela, pas grand mouvement; il faut dire que le 19e ne fut pas des plus favorables à la diplomatie, en raison des guerres en Europe, comme celle de 1870, opposant la France et l’Allemagne. Mais il n’est toutefois pas non plus faux d’avancer que la guerre (ou plutôt la réconciliation qui s’en est suivie) peut en fait être considérée comme un facteur de la constitution d’une union pan-européenne. En effet, après la Première Guerre mondiale, achevée en 1918, c’est par le biais de la Société des Nations que sont évoquées de nouvelles propositions d’États-Unis d’Europe, de « fédération de fédérations » sous l’impulsion, notamment, du Français Aristide Briand. (F. Teyssier, 2016).

C’est en sortant du second conflit mondial, en 1945, que s’amorce alors une solide remise en cause de l’ordre mondial et surtout, se met en branle une organisation de la paix, car l’on souhaite qu’elle soit réellement durable, une fois pour toutes. L’Europe étant à feu et à sang, il est tout ce qu’il y a de plus souhaitable pour les pays de s’unir dans la reconstruction. (A. Cohen, 2014) Au départ, les pays de l’est ne sont d’ailleurs pas exclus de ces plans, mais c’est en raison des divergences idéologiques qui les séparent que leur union au projet commun se révélera impossible, l’Europe étant divisée entre deux camps; le « monde libre » et le communisme. (F. Teyssier, 2016). C’est dès lors que l’Europe unie s’enligne pour ne rassembler que les pays d’Europe occidentale exclusivement; on signe d’ailleurs en 1948 le traité de Bruxelles, qui officialise la création de l’UEO (Union de l’Europe occidentale), unissant les pays membres sur le plan militaire.

Toutefois, il est important de souligner la coopération étroite des États-Unis jusqu’alors. Anciens alliés en guerre, ils participent activement à la Reconstruction notamment par le biais du plan Marshall, donnant à l’Europe les moyens de ses ambitions pour se relever. (J.-L. Mathieu, 2008) Suite à la proposition du général Marshall d’octroyer une aide de 13 millions, l’OECE est créée (Organisation européenne de coopération économique) par la Convention de Paris en 1948. Lui succèdera peu après l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), en 1960. D’ailleurs, des alliances militaires sont aussi créées en incluant les États-Unis en 1949, afin de protéger cette nouvelle paix qui vient d’éclore, soit l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord). Enfin, en 1949 est aussi créé le Conseil de l’Europe, garantissant la souveraineté des États par des domaines d’action limités et des structures intergouvernementales. (A. Cohen, 2014)

Les grandes étapes

C’est sous l’impulsion de Robert Schuman et de Jean Monnet, hommes d’état français considérés comme parmi les pères fondateurs de la construction européenne, que la première Communauté au niveau européen est créée. On parle ici de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), instituée par la signature du traité à Paris en 1951, en vue de protéger l’harmonie entre la France et son ancienne ennemie. (G. Courty, 2010) Schuman déclara à cet effet, en 1950 : « Par la mise en commun de productions de base et l’institution d’une Haute Autorité nouvelle, dont les décisions lieront la France, l’Allemagne et les pays qui y adhèreront, cette proposition réalisera les premières assises concrètes d’une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix. »

S’en suivront ensuite les traités de Rome, en 1957, et par le fait même, la signature de la CEEA (Communauté européenne de l’énergie atomique, aussi dite Euratom) et de la CEE (Communauté économique européenne). C’est alors ce que l’on désigne comme l’Europe des Six, alliant l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. (F. Teyssier, 2016) C’est la naissance d’un réel marché commun entre ces pays, permettant d’étendre l’ensemble des activités économiques précédemment convenues dans le traité de Paris. Sa définition est la suivante: « une union douanière qui s’étend à l’ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l’interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l’importation et à l’exportation […] ainsi que l’adoption d’un tarif douanier commun [TDC] dans leurs relations avec les pays tiers. » (article 9) (F. Teyssier, 2016).

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