Les famines soviétiques

                          LES GRANDES FAMINES SOVIÉTIQUES      MORGES Tristan

DEPUYDT Corentin

   « Le peuple souffre, crie famine ; les responsables l’approuvent et l’applaudissent. » Il est certain qu’au cours de l’humanité, un grand nombre de peuples, partout dans le monde, ont été directement confrontés à ces catastrophes, souvent en raison de conditions climatiques et naturelles, par conséquent, impossible à éviter pour l’Homme. Cependant, la plupart de ces tragiques évènements ont surtout été la conséquence d’un choix délibéré de la part de certains états, de les imposer à une tranche de la population, afin d’aboutir à des objectifs politiques ou économiques. La famine est le manque presque total de ressources alimentaires dans un pays ou une région qui aboutit à la mort ou à la souffrance de ses habitants. Au cours du 20ème siècle, les continents asiatiques et africains ont notamment été beaucoup touchés, avec de grandes crises alimentaires à répétitions comme par exemple, celles ayant eu lieux au Biafra de 1968 à 1970, en Éthiopie de 1973 à 1974 et de 1984 à 1985, en Corée du Nord en 1997 ou encore au Soudan en 1998. Chacun de ces pays ont été gravement touché par la famine et pourtant ces dernières n’ont daté qu'au plus d'une cinquantaine d'années. Mais Il est ici question de s’intéresser à ce grand phénomène de détresse et de disette, qui a eu lieu durant le régime soviétique.

Ce terme est un adjectif utilisé pour qualifier un citoyen membre de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, plus communément appelé URSS, qui en son temps, était le plus grand pays du monde de par sa superficie. Cet état fédéral transcontinental à régime communiste, a été proclamé le 30 Décembre 1922 et a été dissolu le 25 Décembre 1991, rendant indépendants des états tels que l'Ukraine, la Biélorussie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Moldavie, la Géorgie, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le Turkménistan, le Tadjikistan et le Kirghizstan, qui ont pour la plupart été directement touchés par ces différentes grandes famines. Nombreuses dans l’histoire de ce régime, il est néanmoins important de rappeler que même avant la révolution bolchévique, courant révolutionnaire marxiste qui a progressivement instauré le régime soviétique à partir de la « Révolution d’octobre 1917 », l’Ancien Régime tsariste a également subi de plein fouet ces nombreuses famines, notamment celle de 1891-1892, qui a fait plus de deux millions de morts, ainsi que bien d’autres encore.

Il est cependant plus important d’évoquer celles durant le régime soviétique, tant pour leurs répercussions drastiques, encore visibles aujourd’hui mais également pour la façon dont elles ont été créées et instrumentalisées par l’état lui-même.

Durant ses nombreuses années d’existence, l'URSS communiste a connu à sa tête de grands noms tel Vladimir Lénine, précurseur de la révolution au côté de Léon Trotski, mais a surtout été représentée par l’un des plus grands dictateurs du 20ème siècle qui n’est d’autre que Josef Staline.

Le « petit père des peuples » comme il a été appelé durant sa dictature, ayant vécu de 1878 à 1953, a été un révolutionnaire bolchevik et homme d'état, qui a progressivement pris le pouvoir en URSS. Le 4 Avril 1922, il devient secrétaire général du Comité central du parti bolchevik et des circonstances atténuantes vont donner à sa fonction une place décisive dans la lutte politique. Car il faut à ce grand état communiste, un patron qui lui garantisse la victoire, mette fin aux discussions interminables et permette à l'exercice des responsabilités, de rapporter des bienfaits tangibles et durables. 

Membre du Parti depuis ses origines, du Comité central depuis 1912, du bureau politique depuis sa création, il semble donc remplir toutes ces conditions et parvient à se qualifier avec insistance, malgré le fait qu'il soit peu renommé. A la mort de Lénine, en 1924, il consolidera progressivement son pouvoir en excluant du gouvernement, Léon Trotski, l’ancien membre du Parti de Lénine en 1927, ce qui lui permettra de marquer un succès définitif au parti communiste de l'Union soviétique. Sa politique s’inspirant essentiellement de celle de son prédécesseur, il sera question d’analyser comment ces deux hommes ont été en immense partie responsables des nombreuses famines d’URSS. Ainsi, il est nécessaire de se demander dans quelle mesure, ces grandes famines soviétiques ont été la conséquence d’un régime totalitaire défaillant, et quelle en ont été leurs répercussions. Pour y répondre il conviendra de s’intéresser essentiellement aux trois plus grandes famines soviétiques, situées entre 1920 et 1947. En premier lieu, celle datant de 1921 à 1922, source de divers conflits, ensuite, la seconde ayant eu lieu de 1931 à 1933 cause d’un régime politique défaillant, et enfin la troisième famine, provoquée par les retombées de la Seconde Guerre mondiale.

1. La grande famine de 1921-1922 : Source de divers conflits

1. Les raisons diverses de la crise

 L’année 1921 est une année de grande lassitude qui aspire à la tranquillité. Déjà quatre ans de révolution et de guerres civiles ininterrompues ont dévasté et ruiné le pays. Une première grande famine du régime soviétique va donc s’y installer, à partir du printemps, touchant trois régions importantes, qui sont le bassin de la Volga, le nord Caucase et surtout la partie est de l’Ukraine, étant pourtant connu comme le « grenier à blé » de l’Europe. Il est difficile d’imputer à cette famine une cause particulière, tant elle est la conséquence de facteurs multiples. Il faut souligner en premier lieu que l’agriculture russe est encore très archaïque, contrastant avec les autres pays d’Occident ayant bénéficié des apports de la révolution industrielle. La paysannerie qui englobe environ 85% de la population, a donc du mal à se moderniser, la plupart étant illettrés et disposant de moyens très rudimentaires. C’est d’ailleurs une des causes principales qui a conduit aux nombreuses famines de l’Ancien Régime, ce qui n’est donc pas directement la conséquence du nouveau régime. A cela s’ajoute la sécheresse de 1921, qui détruira 1/5ème de toutes les récoltes.

Il est également certain que la guerre de 1914-1918 a entraîné une baisse de la production très importante dans le secteur civil de l’économie, et que par conséquent, les produits alimentaires se sont faits de plus en plus rare, les usines, en raison du conflit, étaient dirigées vers l’effort militaire, notamment pour le ravitaillement des armes. La guerre a donc préparé le terrain à la famine en affaiblissant la population, désorganisant les transports et en vidant les entrepôts, ajoutant également à cela, le pillage des ressources agricoles de l’occupation allemande. En parallèle, la guerre civile (1917-1921), menée par Lénine et son compatriote Léon Trotski, va aggraver la crise agricole, précipitant la baisse des rendements et du cheptel. Pour se nourrir, les armées combattantes rouges ou blanches vont se servir chez les paysans qui, naturellement, vont hésiter à produire davantage. La révolution bolchévique fragilise par conséquent énormément l’économie d’une grande partie des territoires, le régime centralisateur privilégiant le ravitaillement de la population urbaine, base de la Révolution et de l'armée.

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