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Fiche de lecture Bernard Bruneteau, « L’Europe nouvelle » de Hitler, Une illusion des intellectuels de la France de Vichy

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Par   •  3 Mars 2018  •  Fiche de lecture  •  1 574 Mots (7 Pages)  •  771 Vues

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Fiche de lecture histoire :

Bernard Bruneteau,

L’Europe nouvelle de Hitler, Une illusion des intellectuels de la France de Vichy

« De quelle culture politique l’idée européenne relève-t-elle ? ». Cette phrase, qui débute l’ouvrage de Bernard Bruneteau intitulé « L’Europe nouvelle » de Hitler, Une illusion des intellectuels de la France de Vichy, est d’apparence banale. Pourtant, elle pose une problématique primordiale : celle des origines de l’engagement européen et de l’idée d’Europe unie. Pourquoi certains Français, farouches partisans de l’idée européenne, soutiennent-t-ils une Europe sous domination allemande ? Et l’Union européenne actuelle ne s’est-elle pas bâtie sur les fondations idéologiques, institutionnelles, culturelles et économiques proposées par ces européistes de l’Occupation ?

Dans la tradition universitaire et historiographique, on trouve souvent une condamnation morale des actes de collaboration. Certains auteurs réduisent l’européisme de l’Occupation à la simple traduction de directives de la propagande allemande et donc à un simple phénomène d’opportunisme, tandis que d’autres le diluent dans les pratiques du collaborationnisme, ou l’analysent comme une simple manifestation de cynisme. En somme, accepter de collaborer avec le nazisme au nom de la réalisation de l’unité européenne est condamné. Ici, l’auteur, sans remettre en cause cette condamnation morale, cherche à prendre une certaine distance et propose d’étudier la manière dont les militants et intellectuels pro-européens se sont et ont été progressivement convaincus de la nécessité de collaborer. Il s’agit notamment de rompre avec l’histoire européenne conçue comme une légende dorée, avec des « pères fondateurs démocrates-chrétiens » et une origine glorieuse. Elle est selon l’auteur trop restrictive. En effet, elle omet de préciser que les principaux projets européens, durant la Seconde guerre mondiale, ne viennent pas de la Résistance mais bien de l’Occupation.

Il cherche alors à cerner les ressorts profonds de l’engagement de ces européistes des années noires et à montrer qu’il est en réalité ancré dans un système de valeurs et d’aspirations, dépassant le simple opportunisme. Le « groupe des européens », évoqué par Alfred Fabre Luce, proclame haut et fort sa foi ancienne en l’Europe et se définit comme radicalement opposé aux opportunistes, qui s’adaptent et profitent des évènements. Il regroupe des briandistes convaincus, comme Jean Luchaire, des adeptes du pacifisme intégral désirant obtenir la paix en faisant l’Europe quoi qu’il en coûte – c’est notamment le point de vue de René Château – ou encore des techniciens, fermes partisans d’une rationalisation de la politique guidée par des « pilotes sans passion » évoqués par Bertrand de Jouvenel. Ils s’inscrivent dans une « génération réaliste » sensible à l’incantation « ni droite ni gauche » et qui voit dans l’Europe sa « maison ». Ainsi, suivant, au sein de l’univers européiste, des itinéraires très différents, ils rejoignent tous le mouvement collaborationniste sans avoir le sentiment de trahir leurs idéaux, bien au contraire.

Trompés par la propagande nazie et aveuglés par un désir intense d’unification, ils ont voulu croire à une Europe unifiée, dominée et organisée par le IIIe Reich et restent fidèles au projet de construction européenne, même sous domination nazie. L’ouvrage apporte ainsi un éclairage précieux sur des points essentiels de la « pensée européiste » en tant que phénomène national français, retraçant l’évolution de « l’idée européenne » durant la première moitié du XXe siècle, et particulièrement au cours de l’entre-deux guerre. Il souligne la façon dont l’Europe a été constituée en objet de désir absolu, de souhait humain intense, et vue comme un instrument de la Paix.

Cette approche psychologisante et compréhensive fait « l’histoire des idées », de l’évolution des convictions et des valeurs. Elle met notamment en lumière la question du mécanisme d’illusion qui amène ces hommes brillants, de tous bords politiques, à croire sincèrement et « naïvement » en la possible déradicalisation de l’Allemagne nazie évoquée par Henry de Man, voyant dans les évènements de 1940 un grandiose basculement d’époque et un véritable « renversement des valeurs ». Il s’agit alors de ne pas déserter l’histoire en cours, de « collaborer à l’Histoire pour l’infléchir » (Edgar Morin) et d’adopter une attitude de la présence dont la nécessité est soulignée par Mounier dans le journal Esprit.

La spécificité de l’ouvrage est par ailleurs de rappeler le sérieux et la pertinence des projets économiques, politiques et culturels élaborés par ces intellectuels. Il s’attache à étudier la manière dont un état d’esprit européen nazi s’est imposé en Europe en s’appuyant sur un nombre considérable de références à des intellectuels issus de milieux idéologiques très diversifiés. Drieu La Rochelle rêve ainsi d’un Reich européen dominé par l’Allemagne, tandis que l’économiste Francis Delaisi planifie un « Grand marché » européen fondé sur la division du travail et la complémentarité des deux Europes, opposant « l’Europe du cheval-vapeur » à « l’Europe du

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