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Les Frontières négro-africaines

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Par   •  24 Novembre 2013  •  3 288 Mots (14 Pages)  •  885 Vues

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Le concept de frontière a beaucoup varié au cours de l’histoire africaine, à travers les vicissitudes d’une histoire particulièrement tumultueuse. L’objectif est d’examiner ce concept à travers l’histoire africaine, et de mesurer le rôle que la perception de ces frontières, à différents niveaux (celui du pouvoir, celui des gens du commun, celui des étrangers) a pu jouer dans l’évolution des peuples et des Etats : les frontières des temps anciens (dits précoloniaux) ne répondaient pas aux mêmes critères que ceux forgés en Occident ; le rôle des frontières n’était donc pas le même. Un rapprochement s’est opéré d’abord au moment de la rencontre avec l’islam, puis dès que les Africains ont été mis en contact avec l’Occident, c’est-à-dire au temps de la circumnavigation portugaise, sans que les Européens n’interviennent directement dans la perception des frontières autochtones. Il n’en fut plus de même, évidemment, avec la pénétration coloniale, qui imposa les frontières-lignes de démarcation reconnues par les différentes métropoles. Pendant longtemps néanmoins, et sans doute jusqu’à présent, la synthèse de ces différentes influences ne s’est faite que partiellement, et beaucoup d’Africains, chefs en place, commerçants itinérants et gens du peuple, ont fonctionné sur plusieurs registres, voire en ont joué en fonction de leur situation dans la société et de leurs intérêts.

I. DANS LES SOCIETES ANCIENNES

A-LE CONCEPT DE FRONTIERE DANS LES SOCIETES ANCIENNES

Dans l’Afrique ancienne, les sociétés politiques étaient, comme ailleurs, délimitées. Mais le concept même de frontière n’était pas celui des Etats modernes ; la frontière ne se limitait pas à une ligne soigneusement tracée sur les cartes d’Etat-major. Un chef, qu’il fût de lignage, de village, de province ou d’Etat, savait bien qu’au-delà de certaines limites, son autorité ne s’exerçait plus sur les gens. C’est que les relations du groupe (qu’il s’agisse d’un village, d’un ensemble de villages ou d’une structure plus ample), impliquaient un ensemble complexe de liens diversifiés. En particulier, on ne peut les

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réduire à une hiérarchisation verticale de type pyramidal (telle que la monarchie française la réalisa au XVIIe siècle), qui se résumerait par la reconnaissance territoriale d’un pouvoir supérieur. La collectivité africaine s’affirmait comme telle à travers trois types au moins de relations avec l’extérieur :

– les relations lignagères fondées sur des liens familiaux, que ces liens soient réels ou reconstruits mythiquement et socialement,

– les relations politiques proprement dites, ou reconnaissance d’une autorité étatique territoriale hiérarchisée, qui ont effectivement existé dans nombre de formations sociales africaines (comme les Empires médiévaux, l’empire Ashanti, les petits Etats inter lacustres…),

– et les relations de dépendance personnelle qui recouvraient mais aussi pouvaient contrarier les deux précédentes par un réseau d’échanges et d’obligations, soit horizontal – de lignage à lignage, de village à village – soit vertical, depuis l’unité familiale ou villageoise jusqu’à l’autorité supérieure, en passant ou non par les étapes intermédiaires (chefs de provinces et chefs de « tribus » au sens lignager du terme, eux-mêmes coexistant souvent dans le même système). Cela n’empêchait pas les chefs de revendiquer un territoire, donc d’essayer périodiquement d’en reculer les frontières.

Mais, dans les empires médiévaux du Ghana, du Mali, du Songhaï, ou dans l’Etat ancien de l’espace shona du Zimbabwe, le pouvoir ne s’exerçait pas de la même façon au cœur de l’Etat, dans et autour de la capitale, que sur les confins fluides et changeants. Le phénomène était le même chez les Bakuba du Congo au XIXe siècle. Autre exemple : au XIXe siècle, dans l’espace qui est devenu partie intégrante du Ghana d’aujourd’hui, l’ancien souverain des Ashanti, ou Asantehene, expliquait aux Européens, et pour cause puisque c’était revendiquer la route d’accès au commerce de traite international, que son autorité éminente (ce que les Anglais déformèrent en « suzeraineté ») s’exerçait sur les peuples Fanti de la côte : entendait-il par-là que la frontière de son Etat s’arrêtait à la

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mer ? On pourrait, à une échelle plus réduite, en dire autant des cités-Etats : où s’arrêtait, dans les cités-Etats hausa, le pouvoir d’une ville par rapport à sa voisine ? Quelle était, dans ce cas, la représentation de la frontière pour les habitants : politique (limitée à la cité-Etat), religieuse (l’islam cohabitant avec des noyaux animistes forts, ceux précisément que les Peul voudront réduire au début du XIX e siècle), linguistique (c’est-à-dire recouvrant l’ensemble des cités-mères), mais allant bien au-delà compte tenu de la façon dont les commerçants hausa ont essaimé sur les routes de la kola, du sel ou du bétail ? Tout à la fois, bien évidemment. Quant au pouvoir lignager, dans des sociétés dites naguère « sans Etat », quelles étaient les limites de celui exercé, par exemple, par un chef de village ? La frontière s’arrêtait-elle au terroir ? N’englobait-elle pas un tissu complexe et ramifié de relations fondées sur les associations matrimoniales ? Pourquoi, par exemple, des sociétés aussi éclatées que celles des Gbaya de la Lobaye en Afrique équatoriale ou des Awandji au Gabon oriental se reconnurent-elles comme un territoire commun de révolte contre la conquête coloniale et ses exactions ?

B- LA REPRESENTATION DES FRONTIERES NEGRO- AFRICAINES SELON LES DIFFERENTS POUVOIRS : POLITIQUE, ECONOMIQUE, LINGUISTIQUE ET RELIGIEUX

La frontière dans les sociétés anciennes était essentiellement une zone à la fois de contacts, d’échanges et de rivalités, dont il convient d’interroger la signification et le concept même. Des frontières multiples, reconnues comme telles par le même peuple, pouvaient se recouper sans nécessairement faire coïncider plusieurs pouvoirs emboîtés : pouvoir religieux, par exemple celui de l’oba ou grand prêtre d’Ifé sur l’ensemble culturel (c’est-à-dire, mais avec de fortes nuances locales, linguistiques) plus tard unifié par les Anglais sous le nom de Yoruba (Sud-Ouest du Nigeria) ; mais en même temps, pendant des siècles, la zone embrassa une poussière de cités-Etats dont certaines prirent et reperdirent périodiquement le contrôle de leurs voisines, comme le royaume

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