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"La culture du Pauvre" Richard Hoggart

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Par   •  10 Mars 2020  •  Fiche de lecture  •  3 853 Mots (16 Pages)  •  3 068 Vues

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Fiche de lecture : Richard Hoggart, La culture du pauvre : Étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, 1957 (traduction de 1970)

Une remise en question du mythe du conditionnement des masses ?

Introduction :

        Richard Hoggart est né en 1918 dans la cité industrielle de Leeds (Nord de l'Angleterre). Issu d'un milieu ouvrier, il arrive jusqu'à l'université grâce à une bourse d'étude. En 1957, il publie The Uses of Literacy : Aspects of Working Class Life qui sera traduit en français en 1970. Du fait de ses origines, il est a même de décrire ces milieux populaires et leurs modes de fonctionnement, tout en sachant garder une distance critique. Il est également professeur en littérature anglaise à l'université de Birmingham entre 1962 et 1973. Il y fonde, en 1964, le Centre d’études des cultures contemporaines qu'il dirige jusqu'en 1973. C'est l'un des fondateurs, avec Raymond Williams et Stuart Hall, des Cultural Studies. Entre 1971 et 1975, il sert en tant qu'assistant directeur général de l'UNESCO, puis est nommé en 1976 au Goldsmiths College de Londres, spécialisé dans la recherche sur la culture, la créativité et la communication. Il y restera jusqu'à la fin de sa carrière académique, en 1984, et décède en 2014.

        Son livre La culture du pauvre relève de l'enquête anthropologique et ethnographique des banlieues ouvrières du Nord de l'Angleterre, des années 20 aux années 50. La première partie de l'ouvrage, intitulée « L'ancien temps » peut passer comme une études de mœurs, alors que la deuxième partie, « Les traditions et la tradition du nouveau », essaye de transposer aux classes populaires les méthodes de l'analyse d'un corpus littéraire. En outre, du fait de son expérience, La culture du pauvre relève également par moment de l'autobiographie, mélangée à des travaux de recherches. Hoggart arrive toutefois à éviter les dangers auxquels son travail peut le confronter. En effet, grâce à un véritable travail d'auto-analyse, l'auteur ne cède pas à la nostalgie sous-jacente de sa classe d'origine. Quand il s'agit d'analyser les évolutions, il est, je cite, « prédisposé à juger l'ancien plus admirable que le nouveau », mais affiche une réelle volonté de contrôle.

        Hoggart s'inscrit dans le courant nouveau des Cultural Studies, autour du thème de la réception des messages culturels, et des vecteurs de cette culture de masse. L'ouvrage se place dans un débat intellectuel autour de la vision marxiste de la culture populaire : elle se définit, dans ce cadre, par l’incorporation de l'idéologie dominante, sous les traits d’une fausse conscience, orientée vers les intérêts de classe de la bourgeoisie. Contrairement à Raymond Williams, Hoggart considère que l'activisme populaire ne concerne qu'une frange mineure des classes populaires. Lors de la publication de La culture du pauvre, Richard Hoggart a à peine 40 ans. Il est publié chez Chatto Windus, une maison d'édition qui est assez ouverte à la nouveauté intellectuelle. Sa réception au Royaume-Uni en fait vite une célébrité, et il connaît un franc succès, avec une publication en poche dès 1958 qui se vend à 250 000 exemplaires. Le livre est rapidement traduit en une douzaine de langue et se dote également d'une édition américaine. Au moment de parution de cette dernière, Hoggart est en poste à l'université de Rochester pendant un an (État de New York) avant de revenir en Angleterre à l'université de Leicester en 1959.

        En ce qui concerne sa réception en France, elle est beaucoup plus tardive que dans le monde anglo-saxon. Au moment où les intellectuels lisent Hoggart, les cultural studies ont déjà pris un autre tournant, plus à gauche, en prenant en compte les identités culturelles (féminisme, antiracisme). À cette époque, Hoggart est déjà en retrait par rapport à ce nouveau tournant. De plus, l'édition française n'est pas favorable à une traduction de son œuvre : c'est Pierre Bourdieu, qui dirigeait la collection « Sens commun », qui a finalement réussi à obtenir sa publication. La culture du pauvre va finalement être classé dans le domaine de la sociologie, et plus particulièrement dans la sociologie de la réception ; c'est une branche de la sociologie qui s'intéresse à la réception des messages culturels et à leurs impacts sur les individus. D'ailleurs, le choix en lui même de la traduction est intéressant : Si on devait traduire littéralement le titre de l'ouvrage, on obtiendrait en quelques sortes « les usages de la culture », même si le terme literacy est plus précis et technique que le terme français de « culture ». Le titre souligne donc une ambigüité sur le lieu idéologique de la question posée par l'étude de Richard Hoggart. En choisissant la traduction Culture du pauvre, les traducteurs ont essayé de retransmettre cette ambigüité.

        La thèse centrale développée ici est la suivante : « Les influences culturelles n’ont qu’une action fort lente sur la transformation des attitudes et elles sont souvent neutralisées par des forces plus anciennes ». C'est-à-dire que les classes populaires ne sont pas aliénées au vecteurs de la consommation de masse, mais s'adaptent pour conserver l'originalité de leur culture traditionnelle.

J'ai divisé l'analyse de l'ouvrage en deux parties : 

  • La première, « Le fossé entre « nous » et « eux », la culture populaire comme expression du sentiment d'appartenance et comme moyen de résistance », sera consacrée à la question de la formation, au sein des classes populaires, d’un habitus collectif ; ainsi que des capacités de résistances déployées face aux sollicitations culturelles et commerciales, dans ce monde binaire en opposition.
  • La seconde, « Évolution et fabrique de la culture populaire : modernité et massification », portera sur la tendance des classes populaires à l'utilisation de la tradition par des éléments de la « modernité », le tout dans un processus de neutralisation de la perception du monde.

I/ Le fossé entre « nous » et « eux », la culture populaire comme expression du sentiment d'appartenance et comme moyen de résistance

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