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Rousseau, Second Discours, première partie, sur la « perfectibilité »

Commentaire de texte : Rousseau, Second Discours, première partie, sur la « perfectibilité ». Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Décembre 2023  •  Commentaire de texte  •  3 711 Mots (15 Pages)  •  114 Vues

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Explication de texte : Rousseau, Second Discours, première partie, sur la « perfectibilité »

Mais quand les difficultés qui environnent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l'homme et de l'animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation, c'est la faculté de se perfectionner, faculté, qui, à l'aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous, tant dans l'espèce que dans l'individu ; au lieu qu'un animal est au bout de quelques mois ce qu'il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans ce qu'elle était la première année de ces mille ans. Pourquoi l'homme seul est il sujet à devenir imbécile? N'est ce pas qu'il retourne ainsi dans son état primitif, et que, tandis que la bête, qui n'a rien acquis et qui n'a rien non plus à perdre, reste toujours avec son instinct, l'homme, reperdant par la vieillesse ou d'autres accidents tout ce que sa perfectibilité lui avait fait acquérir, retombe ainsi plus bas que la bête même? Il serait triste pour nous d'être forcés de convenir que cette faculté distinctive et presque illimitée est la source de tous les malheurs de l'homme ; que c'est elle qui le tire à force de temps de cette condition originaire dans laquelle il coulait des jours tranquilles et innocents ; que c'est elle qui, faisant éclore avec les siècles ses lumières et ses erreurs, ses vices et ses vertus, le rend à la longue tyran de lui même et de la nature.

Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes Thème et thèse

Rousseau soutient, dans cet extrait du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, que seule la perfectibilité, faculté conformément à laquelle l'homme est capable de changer indéfiniment, permet d'établir un critère certain de la différence anthropologique. Mais, souligne-t-il, les produits de cette faculté par laquelle la nature en l'homme se dépasse en direction de la raison cultivée, s'élevant ainsi bien au-dessus du règne animal, n'en sont pas moins affectés d'une essentielle ambiguïté.

Problématisation

La raison est-elle la faculté par laquelle l'homme se distingue de l'animal, ou suppose-t-elle une faculté à la fois plus originaire et plus propre à marquer l'humanité en sa spécificité ?

Plan

Le premier moment du texte est consacré à la présentation du concept de perfectibilité. Le second moment en tire les conséquences.

Plan du commentaire

I- La perfectibilité comme propre de l'homme

  1. La question de la différence anthropologique
  2. La perfectibilité
  3. Historicité de l'homme

II- Conséquences de la perfectibilité : la fragilité de l'humanité

  1. Précarité et régressivité
  2. L'infini comme horizon
  3. Le paradoxe de la perfectibilité

Conclusion : la perfectibilité comme figure rousseauiste de la liberté

 I – La perfectibilité comme propre de l'homme 1) Le problème du propre de l'homme

« quand les difficultés etc. […] sur laquelle il ne saurait y avoir de contestation»:

Rousseau présente la thèse qu'il s'apprête à défendre comme une variation philosophique sur le thème traditionnel de la différence spécifique de l'homme et de l'animal. Or il nie que la raison, comprise comme tendance à combiner les idées (c'est-à-dire en réalité les « représentations » mentales) entre elles, soit la propriété exclusive de l'homme. Il n' y a en effet, selon lui, entre la raison humaine et la raison des bêtes qu'une différence de degré. Quant à la liberté, quoiqu'elle constitue assurément pour Rousseau le critère décisif, s'il est vrai que "la nature commande tout à l'animal, et [que] la bête obéit; [...] [que] la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes en qualité d’agent libre", son inscription au cœur de la conscience, en elle même caractéristique de la Modernité, a échoué à en manifester l'évidence. Le problème philosophique du texte s'inscrit ainsi au point d'échec, en même temps qu'en dépassement, de cet abord cartésien de la liberté : la thèse de Rousseau en constitue à bien des égards la relève. Il s'agit bien, en effet, pour l'auteur du Second Discours, de rendre à l'intelligence de la liberté l'évidence (videre = voir) que l'analyse cartésienne du cogito avait involontairement contribué à estomper. Il s'agira donc de dégager, pour la liberté, le sol d'évidence naturelle depuis lequel celle-ci sera susceptible d'apparaître dans son être comme liberté. Sur quel terrain cependant la pensée doit-elle s'installer pour restituer à la liberté son évidence, et ce faisant, fournir à la connaissance de l'homme son principe d'intelligibilité en même temps que son fondement ontologiquement indubitable ?

2) La perfectibilité

"c'est la faculté de se perfectionner, faculté qui [...] développe successivement toutes les autres "

En ce début de texte, le mot « perfectibilité » ne figure pas encore. Pourtant le concept est bien là, sous la forme canonique de la définition, preuve qu'un concept ne saurait se réduire au mot qui l'exprime. Qu'est-ce cependant que la perfectibilité ?

C'est une faculté. La perfectibilité n'est pas ni un désir, ni une volonté de perfectionnement. Le suffixe «bilité » se dit de ce qui susceptible de, autrement dit de ce qui a en soi la possibilité/la puissance de. La conséquenceà en tirer est que la perfectibilité est une disposition, une virtualité inhérente à la réalité humaine.

La perfectibilité comme faculté peut-elle cependant être pensée sur le modèle des facultés en général, comme l'imagination ou la raison ? Deux raisons s'y opposent :

La perfectibilité comme condition de possibilité de toutes les facultés

Elle possède un statut particulier par rapport aux autres facultés (raison/volonté etc.) : elle est leur condition de possibilité. Elle revêt, en ce sens, une dimension transcendantale (le transcendantal est depuis Kant l'ordre des conditions de possibilité de la connaissance et de l'expérience).

La perfectibilité comme indétermination

Ce statut particulier se révèle dans le fait qu'elle n'est pas, contrairement aux autres facultés humaines, orientée, ni déterminée. En effet, la perfectibilité est la faculté de toutes les facultés mais d'aucune faculté en particulier. On dira d'elle, en ce sens qu'elle n'est autre que la possibilité pure pour l'homme d'avoir à être ce qu'il est, ce qui signifie que cet être de l'homme doit demeurer, en soi, indéterminé, puisqu'il se réduit alors à la série ouverte et infinie de ses transformations et de ses transfigurations (=l'homme n'est rien d'autre que ce qu'il devient mais on ne peut pas dire ce qu'il est a priori). Ainsi tout se passe ici comme si cette extension infinie n'était que l'autre face d'un vide essentiel avec lequel Rousseau faisait coïncider la réalité humaine sinon dans sa nature, du moins dans sa spécificité : la perfectibilité manifeste, de manière sensible et profuse, l'indétermination originaire de l'homme .

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