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Manon Lescaut Analyse linéaire de l'évasion de Saint Lazare

Commentaire de texte : Manon Lescaut Analyse linéaire de l'évasion de Saint Lazare. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  7 Juin 2023  •  Commentaire de texte  •  1 601 Mots (7 Pages)  •  1 387 Vues

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AL1, ML, Retrouvailles St Sulpice.

        Manon Lescaut, publié en 1753, est un roman moderne mais qui interroge le désordre tragique des passions comme certaines œuvres classiques. Ainsi héritier du classicisme, il annonce également la liberté d’esprit des Lumières et de sa face plus sombre, le libertinage. Son auteur, l’Abbé Prevost, est à l’image du personnage principal, il nait dans une famille noble, en 1697, et se fait ordonner prêtre. Mais il est rapidement défroqué, fuyant en Angleterre en 1727. IL est ruiné par sa passion, comme Des Grieux, dans l’œuvre, qui raconte sa passion dévorante pour Manon, une femme belle mais volage. Cet amour transgressif est très vite condamné par la société et entraîne les deux amants dans une série de péripéties. Alors qu’ils ne se sont pas vus depuis 2 ans, la renommée de Des Grieux lors d’exercices d’éloquence est telle que Manon lui rend visite à Saint Sulpice. Le lieu sacré devient symboliquement le symbole d’une confession et du repentir de Manon. D’abord accusateur, Des Grieux lui manifeste rapidement sa passion.

        Comment cet épisode conduit-il Des Grieux à renoncer à son engagement spirituel pour une nouvelle idole ?

I) Une scène de confession et de pardon

De tendres reproches

  1. Les amants sont enfin réunis. Dans leur proximité physique, « près » et « Nous », peut se lire une volonté de réconciliation.
  2. C’est Des Grieux qui établit cette proximité, il adopte la posture du confesseur, il peut paraître ainsi plus convaincant. « Je pris ses mains dans les miennes ».
  3. Le registre pathétique « Ah ! » et « œil triste » peut se lire à deux niveaux. Le premier est qu’il veut se concilier les bonnes grâces de Manon et le second est que le narrateur se présente au lecteur sous un jour positif, en victime pour attirer son empathie.
  4. Le registre tragique est également présent avec « noire trahison ». Cette antéposition apporte de la gravité, insistant sur la valeur symbolique de l’adjectif de couleur.
  5. L’antithèse entre « trahison » et « amour » marque une vision assez manichéenne des personnages, Manon étant la trahison et Des Grieux l’amour.
  6. Des Grieux parle de lui à travers des métonymies « mon amour », « un cœur », « sa félicité ». Il ne se définit que par ses sentiments, il est réduit à ceux-ci.
  7. Alors qu’il se place en victime, Manon est divinisée dans ce premier mouvement avec « souveraine absolue », « vous plaire et vous obéir ». Pas ces hyperboles, Des Grieux se présente comme soumis à sa déesse. Il utilise ici le langage de l’amour courtois mais plus tard il utilise le langage des penseurs chrétiens, ce qui est assez hétéroclite.
  8. En se comparant à une proie facile, Des Grieux veut faire culpabiliser Manon, mais en faisant une présentation idéalisée de la relation passée.

Une série de questions

  1. Des lignes 5 à 11, l’anaphore « Dîtes-moi » est répétée 3 fois. Ces injonctions sont des prières de Des Grieux à son idole. Il y a une certaine ironie dans ces demandes care bien qu’elle soit demandée de parler, Manon ne parle pas dans le texte.
  2. Ces formules sont suivies de 3 propositions interrogatives indirectes introduites par « si ». Cependant ces dernières sont à la fois questions et réponses, si l’on remplace « si » par « que », ce qui suit sont les affirmations que Des Grieux voudrait entendre de la bouche de Manon. Il lui souffle les mots de son repentir.
  3. Les questions de Des Grieux sont rhétoriques, mais il y répond tout de même lui-même pour se rassurer. « Non, non ».
  4. Avec l’adverbe intensif « d’aussi » répété deux fois et les comparaisons « ne…guère » et « même trempe », Des Grieux insiste sur la dimension unique de leur amour et exceptionnelle de leur amour qui ne pourra jamais être égalé.
  5. Des Grieux exprime dans une interrogation directe son inquiétude à propos des intentions de Manon. Même nous lecteurs ne pouvons faire que des hypothèses :
  • L’amour de Manon, espéré par Des Grieux
  • La renommé de Des Grieux aurait attiré Manon, elle le voit comme un moyen de la faire sortir de sa condition.
  1. Le fait qu’il utilise l’adjectif « charmante » pour désigner son amante marque qu’il y a une certaine magie dans l’attirance avec l’étymologie du mot qui se réfère à un envoutement.
  2. L’attirance de Des Grieux a pour origine le physique de Manon avec l’apposition « belle Manon », sa fascination passe par le regard, c’est pourquoi ce thème est si fréquent dans tout le texte « regardant » « vois ». On peut trouver cela assez paradoxal par rapport à l’aveuglement de Des Grieux qui est trop prompt à pardonner.
  3. Sans même que Manon ait prononcé un mot, Des Grieux se projette déjà dans un avenir commun avec le verbe au futur « vous serez ».
  4. Enfin, on peut trouver cela étonnant qu’il lui demande dans sa dernière requête non plus une fidélité totale mais relative « plus fidèle ».

Ainsi dans ce premier mouvement Des Grieux pardonne Manon, lui soufflant ce qu’il souhaite entendre et il demande à peine le minimum, ignorant sa dignité.

II) Amour ou religion ?

La tentation de Manon

  1. Les paroles de Des Grieux sont rapportées au discours direct et celles de Manon au discours narrativisé. Cela crée du mystère autour de Manon et le lecteur se doit de ne pas se laisser berner par le narrateur et comprendre que cela :
  • Met en évidence l’absence de lucidité de Des Grieux sur la vraie nature de Manon
  • Met en doute la sincérité de Manon
  • Peut suggérer que le narrateur accorde moins d’importance aux propos de Manon qu’à sa présence physique.

Ici le lecteur n’a accès qu’au point de vue du narrateur Des Grieux passionné, qui veut réhabiliter celle qu’il aime.

  1. Le désir puissant de Manon de se défendre, d’après Des Grieux, est marqué par des hyperboles « si touchantes » « tant de ».
  2. Le narrateur fait allusion à des « protestations » qui veulent justifier une fidélité passée, s’expliquer et à des « serments » qui veulent garantir une fidélité future.
  3. L’expression « degré inexprimable » est une hyperbole absolue, si fort qu’il n’y a pas de mots. On peut y déceler une ironie de l’auteur qui est censé exprimer les sentiments, c’est son métier.
  4. Puis retour au discours direct de Des Grieux, l’apostrophe et le passage du vouvoiement au tutoiement marquent une volonté de rapprochement de la part de Des Grieux. Il lui as pardonnée en ce qui se résume en deux lignes pour le lecteur.
  5. Pour évoquer son adoration pour Manon, Des Grieux utilise le langage des penseurs chrétiens avec « profane » « théologique » « créature » « délectation victorieuse ». Mais l’utilisation de ce vocabulaire est assez blasphématoire puisqu’il est utilisé pour évoquer son amour pour Manon. Il considère ainsi Manon plus sacrée que Dieu, en la qualifiant notamment de « adorable ».
  6. « Délectation victorieuse » est d’ailleurs un terme défini par l’Abbé Prévost dans son Manuel Lexique (peut être chercher def)
  7. Les termes « liberté » et « Saint-Sulpice » opposent deux systèmes de valeur, une vie religieuse et une vie mondaine. Des Grieux choisi alors une morale de liberté et d’amour soit une vie plaisante avec Manon plutôt que l’austérité d’une vie ecclésiastique.

Le sacrifice de Des Grieux

  1. Des grieux sacrifie son rang social ET sa carrière ecclésiastique pour Manon. IL justifie assez habilement ses actes auprès de Renoncour et auprès du lecteur au nom d’une passion fatale. En effet le registre tragique est extrêmement présent dans une prolepse au futur proche marquée par le fatum. Ainsi, l’annonce du destin tragique du personnage se fait par une déclaration d’amour.
  2. Par cette prolepse, Des Grieux fait preuve d’une certaine lucidité, déjà annoncée ligne 9 avec « trop ». Le personnage ne se leurre pas sur l’issue de la passion.  On peut se demander si cela le rend impardonnable ou, au contraire, lui confère-t-il une dimension sublime.
  3. Ensuite, le thème de la vision revient avec « prévois » « lis » « beaux yeux ». On a ici la dialectique du regard qui s’ouvre, caractéristique de la conversion chrétienne, mais il la détourne. Cette dialectique marque une trahison à la religion pour une autre idole.
  4. Des Grieux met en balance dans une gradation à partir de la ligne 19 tous les autres liens et son amour. La « fortune », « la gloire » et la « vie ecclésiastique » lui paraissent alors bien dérisoire face au bonheur que pourrait lui apporter Manon. Les négations marquent qu’il a fait son choix, il ne suivra plus la voie qui lui as été destinée, il perd tout pour Manon.
  5. Enfin, l’extrait se termine par une phrase longue, une période, au style très ample. Des Grieux se fait presque prédicateur auprès du lecteur et de lui-même, tant la transgression qu’il s’apprête à accomplir est forte.

Conclu

        Pour conclure, la narration met en évidence que le personnage de Des Grieux est complètement aveuglé par sa passion pour Manon, bien que paradoxalement lucide sur son avenir tragique avec elle. Les paroles de cette dernière importent peu, seule sa présence et sa beauté suffisent à la pardonner et à sacrifier sa vie pour elle. Cette passion dévorante mènent souvent les personnages vers la mort, comme dans Tristan et Iseut, roman de chevalerie où leur amour est telle qu’ils meurent l’un pour l’autre.

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