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Correction lecture : Manon Lescaut (1731), 2e partie

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Par   •  23 Juin 2023  •  Analyse sectorielle  •  3 089 Mots (13 Pages)  •  178 Vues

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Correction lecture linéaire 7 : Manon Lescaut (1731), 2e partie

Introduction :

        Pour Pierre Daniel-Huet, les romans au XVIIe siècle sont des « fictions d’aventures amoureuses, écrites avec art, pour le plaisir et l’instruction des lecteurs ». C’est dire ainsi que le récit romanesque place sous le patronage de l’amour la construction même du récit, et ses effets principaux. Au XVIIIe siècle encore, cette thématique définit en grande partie le genre romanesque, et l’abbé Prévost ne s’y trompe pas lorsqu’il fait raconter dans Manon Lescaut les péripéties morales de Des Grieux, amoureux du personnage principal. Pourtant, dans ce roman, le narrateur ne s’éprend pas d’une femme de son rang, mais d’une courtisane qui semble prendre au départ plus de plaisir par l’expérience des vices que par celle de l’amour. C’est pourquoi, dans l’extrait qui nous est proposé, Des Grieux se demande s’il doit mettre de côté son honneur pour obtenir les moyens financiers d’entretenir Manon Lescaut, dans une réflexion qui mêle morale et nécessité vitale.

LECTURE

        Notre passage semble se découper en quatre mouvements, qui suivent les grands paragraphes du texte et correspondent peu ou prou aux hésitations passées du narrateur. De la ligne 1 à la ligne 7, Des Grieux affirme se maintenir dans une position honorable, affirmant l’envie de refuser tout secours financier de la part de M. de T. Puis, dans le deuxième paragraphe, nous retrouvons une articulation entre l’évocation du secours possible (jusqu’à « remords »), mais désagréable de Tiberge ; et le renoncement à toute possibilité de recourir à des moyens de pallier sa misère. Enfin, de la ligne 18 à la fin de l’extrait, on assiste au retournement du discours avec la nécessité de sauver Manon, qui l’emporte sur toutes les considérations morales.         
        Ainsi, nous pouvons nous demander comment l’abbé Prévost montre l’omnipotence du sentiment amoureux dans les choix et les réflexions de son personnage principal. Nous proposerons une analyse linéaire qui suivra les grandes articulations du texte, et se penchera notamment sur la dimension discursive de la narration, l’omniprésence des oppositions marquées, et le lien indéfectible entre la vie du personnage et le celle de Manon.

Mouvement I

Phrase 1 : Le mouvement débute par l’évocation du problème central de Des Grieux, qui résulte, comme le montre l’adverbe « donc », d’une réflexion préalable. L’abbé Prévost fixe ainsi le sujet des paragraphes à venir, autour le de « question » financière, à l’aide de la métonymie « remplir ma bourse » (+ le fait qu’elle soit en CDN du mot « question »). Enfin on remarque d’emblée la passivité de Des Grieux, puisque le verbe est dans une tournure impersonnelle (« il était »), ainsi que l’urgence avec l’adverbe « actuellement ».

Phrase 2 : Qui est organisée autour du refus paradoxal de Des Grieux de l’aide de « M. de T » (aide évoquée par le lexique et une sorte de pléonasme « offert généreusement »). En effet, le discours marque une forte opposition par l’usage du « mais » adversatif, que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans l’extrait, ainsi que par le chiasme pronominal (M. de T // m’ ; je // le). L’abbé Prévost attribue aussi des scrupules moraux à Des Grieux par l’usage tant de l’antéposition de l’adjectif « extrême répugnance », que par celui de l’anaphore résomptive « cette matière ». Le narrateur semble ne pas vouloir prononcer à nouveau son besoin d’argent.

Phrase 3 : Enallage pronominale significative puisque Des Grieux met une distance avec lui-même par la présence d’une formulation en P3 qui le désignerait lui-même s’il avait accepté l’offre de M. de T (amplifiée par la modalité exclamative : « Quel personnage que […] ! »). La présence de trois figures de style pouvant symboliser le déchirement ou la souffrance montre bien que l’abbé Prévost veut évoquer ici les hésitations de son propre personnage. On le remarque en effet par l’allitération en « r », mais aussi par le chiasme (« exposer sa misère à un étranger, et de le prier ») et l’antithèse (misère // bien).

Phrase 4 : Longue phrase qui amplifie la réflexion passée du narrateur. Celui-ci cherche ainsi à se définir dans un entre-deux moral qui ne lui permet pas d’accepter la « bourse » de M. de T. En effet, la négation restrictive qui guide toute la phrase (« Il n’y a qu’ ») repose sur un fort parallélisme (voir la structure avec la préposition « par […] qui ») et sur une antithèse double marquée (« chrétien humble » vs « âme lâche » // « bassesse » vs « excès de générosité »), et appuyée par la conjonction de coordination « ou ». Enfin, il ne faut pas oublier que le lexique de la souffrance morale est majeur dans ce passage, avec les éléments évoqués précédemment, et « indignité », « honte » (ce dernier mot finissant la phrase).

Phrase 5 : L’abbé Prévost montre que Des Grieux cherche encore à se définir moralement, mais de manière négative avec le négation partielle (« Je n’étais ni un homme lâche ni un bon chrétien »). On repère également la même antithèse qu’auparavant, mais cette fois avec un chiasme, qui pourrait montrer que le narrateur achève la première partie de sa réflexion délibérative. Par ailleurs, la première personne prend davantage de place qu’auparavant, ce qui s’opposera rapidement à la deuxième solution évoquée dans le mouvement suivant. Par la présence du conditionnel passé (« j’aurais donné »), associé à l’hyperbole sous forme de métonymie (« la moitié de mon sang »), le lecteur sait d’emblée que Des Grieux n’ira pas au bout de sa renonciation (malgré l’anaphore résomptive avec déterminant démonstratif « cette humiliation »).

Transition : Dans ce premier mouvement, l’abbé Prévost fait de Des Grieux un homme en proie à des souffrances morales liées à sa situation financière et son sens de l’honneur. Pour autant, même s’il refuse les secours d’un « étranger », on s’attend à d’autres solutions possibles, probablement évoquées dans les lignes qui suivent.

Mouvement II

Phrase 6 : Des Grieux passe logiquement vers une ressource qui n’est pas celle d’un « étranger », en redoublant par dislocation le nom de son ami : « Tiberge, le bon Tiberge » (dont les qualités sont évoquées par l’antéposition de l’adjectif. Par ailleurs, le discours est visible, puisque le narrateur rapporte des paroles de manière directe (avec l’incise « disais-je »). Cependant, c’est probablement une sorte de monologue, qui indique toujours la dimension délibérative du discours. En effet, la question est particulièrement rhétorique, avec à la fois l’usage du futur de certitude (comme tout au long de ce paragraphe), et l’antithèse entre « refusera » et « me donner ». Enfin, à nouveau, l’abbé Prévost rend passif Des Grieux, notamment dans la fonction dévolue à ses pronoms, souvent COD ou COI (« me » // « me »).

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