Michel de Montaigne, "D'un enfant monstrueux"

MICHEL DE MONTAIGNE, « D’UN ENFANT MONSTRUEUX »

À toutes les époques, l’humanité a eu tendance à rejeter ce qui lui paraissait étrange, inconnu ou « contre-nature ». Ce réflexe de peur et d’exclusion traverse les siècles. Mais Michel de Montaigne au XVIe siècle, invite à un autre regard. Dans son essai « D’un enfant monstrueux » (Les Essais, 1595), il raconte la rencontre avec un enfant différent que l’on rejette. Plutôt que de le condamner ou de s’en effrayer, Montaigne choisit d’interroger notre manière de juger. Cinq siècles plus tard, ce texte garde une grande actualité, et nous invite à repenser notre rapport aux autres.

Comment ce texte ancien peut-il encore aujourd’hui nous donner une leçon de d’acceptation de l’autre et paraître d’une grande modernité ?

Le texte invite à la tolérance car il nous fait d’abord ressentir de la compassion pour l’enfant « ordinaire » et de la peine devant son exploitation.
Montaigne décrit cet enfant en rappelant qu’il est « pour tout le reste d’une forme ordinaire ». Par cette précision, il montre qu’avant d’être “monstrueux”, il est d’abord semblable aux autres hommes. Nous sommes donc invités à ressentir de la compassion pour lui, à voir l’humain derrière l’étrangeté. De plus, Montaigne souligne que ses proches l’exhibent « pour tirer quelque sou », ce qui provoque chez le lecteur une indignation face à cette exploitation. Nous ne pouvons rester indifférents : en dénonçant cette absence de compassion, Montaigne suscite la nôtre. Ainsi, son texte pousse à la tolérance, car il nous apprend à voir dans l’enfant difforme non pas une curiosité mais une personne humaine digne de respect. De nos jours, l’histoire d’Elephant Man illustre la même logique : un être difforme devient spectacle, et l’injustice dont il est victime éveille en nous un sentiment de révolte et d’humanité.

Le texte nous pousse à accepter les différences comme partie intégrante de la nature.
Montaigne affirme : « Ce que nous appelons monstres ne le sont pas à Dieu, qui voit dans l’immensité de son ouvrage l’infinité des formes qu’il y a comprises ». En d’autres termes, la différence n’est pas une anomalie mais une expression de la nature, que notre regard limité ne sait pas comprendre. Le texte nous invite donc à accepter ce qui nous semble étrange, car tout fait partie de l’ordre du monde. Cette leçon est d’une grande actualité : les différences physiques, culturelles ou identitaires sont encore souvent perçues comme des menaces. Montaigne nous aide à changer de regard : ce qui semble « contre-nature » n’est que « contre notre habitude ». Il nous rappelle aussi que l’homme n’est pas la nature : trop égocentré, il se croit modèle et mesure de toutes choses, mais il oublie l’immensité de la vie. Or cette diversité est infiniment plus grande que lui. Au lieu de nous effrayer de ce qui ne nous ressemble pas, nous devrions nous émerveiller de voir d’autres formes d’existence, car nous ne sommes pas seuls et nous ne sommes pas le modèle à suivre.

Le texte invite à l’acceptation car il nous incite à transformer notre perception du monde et à remettre en question notre « parfaite sagesse ».
Pour Montaigne, le véritable monstre n’est pas

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