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Andromaque, Racine

Fiche : Andromaque, Racine. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  27 Avril 2019  •  Fiche  •  2 514 Mots (11 Pages)  •  796 Vues

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Proposition de corrigé du commentaire littéraire de l’extrait

de la scène 5 de l’acte V d’Andromaque de Racine.

Jean Racine, dramaturge du XVIIe siècle, présente à la cour de Louis XIV, en 1667, sa pièce Andromaque, mettant en scène Oreste, fils d’Agamemnon, touché par la malédiction familiale des Atrides. Oreste aime Hermione, qui elle aime Pyrrhus, mais ce dernier aime Andromaque, sa prisonnière troyenne. Hermione, jalouse, promet à Oreste de partir avec lui s’il tue Pyrrhus. Or, le meurtre accompli, Hermione rejette Oreste et se suicide. Dans la dernière scène de la pièce, Oreste, désespéré, maudit son sort. La pièce s’achève alors sur la folie du personnage, qui est sur le point d’être dévoré par les Érinyes, déesses de la vengeance sorties de ses visions. On peut alors se demander en quoi le sort d’Oreste permet un dénouement spectaculaire. Pour répondre à cette question, nous analyserons comment le passage du désespoir à la folie offre un spectacle saisissant avant d’étudier comment le caractère tragique et pathétique de ce dénouement lui confèrent son intensité dramatique et donc spectaculaire.

Oreste exprime tout d’abord son désespoir. Pour cela, il s’adresse au Ciel et aux dieux, par une série d’exclamations et le tutoiement de l’instance divine traduisant l’intensité de son désarroi : « Grâce aux dieux ! Mon malheur passe mon espérance ! / Oui, je te loue, ô Ciel, de ta persévérance ! » v. 1-2. La première tirade s’ouvre sur des apostrophes exclamatives prenant à partie les dieux, et se poursuit principalement sous la forme de phrases affirmatives. Les alexandrins sont réguliers, les signes de ponctuation se trouvent à la césure ou à la rime. Cependant, les vers 13 à 16 sont constitués d’interrogations et d’exclamations qui expriment le trouble d’Oreste. Le rythme du vers 16 est déséquilibré : « Dieux ! quels ruisseaux de sang // coulent autour de moi ! » : un point d’exclamation isole la première syllabe, et la césure sépare le sujet de son verbe. Cette évolution d’un rythme régulier vers un rythme plus saccadé marque la gradation du désespoir d’Oreste: le personnage en témoigne donc de plus en plus dans le spectacle qu'il offre sur scène.

A la fin de sa première tirade, les questions rhétoriques semblent adressées davantage à lui-même, le personnage ne comprend pas le soudain changement qui se produit, annonciateur de sa folie et qui provoque son effroi : « Mais quelle épaisse nuit tout à coup m'environne ? / De quel côté sortir ? D'où vient que je frissonne ? / Quelle horreur me saisit ! Grâce au ciel j'entrevoi... / Dieux ! quels ruisseaux de sang coulent autour de moi ! » v. 13-15. Le connecteur « mais », indique sa surprise, la métaphore de la nuit révèle l’avancée dans la perte de sa raison, pour en arriver à une première vision cauchemardesque, annoncée par le verbe « j’entrevoi ». Dans sa seconde tirade, signe de son hallucination, Oreste s’adresse au vers 17 à Pyrrhus, qui est pourtant mort, par une apostrophe : « Quoi ? Pyrrhus, je te rencontre encore ? », et l’allitération du vers 23 en mime l’affrontement : « Percé de tant de coups comment t’es-tu sauvé ? ». Il prend ensuite pour témoins les dieux au vers 23, par le même procédé ouvrant le vers : « Dieux ! ». Il demande alors aux Érinyes si elles sont prêtes à accomplir la vengeance réclamée par le meurtre de Pyrrhus et la mort d’Hermione. La rapidité avec laquelle Oreste change d’interlocuteur, alors qu’il est seul sur scène avec Pylade, souligne sa folie. C’est ainsi dans cette seconde tirade, constituée de nombreuses phrases interrogatives ou exclamatives, que la folie d’Oreste devient évidente. Les alexandrins sont déséquilibrés, la césure n’est pas toujours respectée. On peut citer, par exemple, le vers 21 : « Mais que vois-je ? À mes yeux // Hermione l’embrasse ! », dont la structure disharmonieuse souligne la confusion du personnage. Enfin, il croit voir les Érinyes, dont les cheveux sont constitués de serpents sifflants, comme le souligne l’harmonie imitative des sifflantes [s] et [f]: «Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? ». Ces folles et terrifiantes visions sont un spectacle frappant pour Oreste et un spectacle bien qu'imaginaire , tout à fait impressionnant pour le spectateur.

Le spectacle de ce désespoir et de cette folie d’Oreste font de cette dernière scène de la pièce, un dénouement à l'intensité la fois tragique et pathétique, propre au spectacle que le genre de la tragédie doit proposer au spectateur.

Le registre tragique apparait tout d’abord lorsqu’Oreste accuse le destin et les dieux de s’acharner contre lui, comme l’expriment les vers 2 et 3 : « Oui, je te loue, ô Ciel ! de ta persévérance. / Appliqué sans relâche au soin de me punir ». La relation au divin qui détermine le destin d’un personnage est un critère du registre tragique. En effet, Oreste, dès sa naissance, était voué au malheur, à cause de la malédiction familiale des Atrides : « J’étais né pour servir d’exemple à ta colère. » Le châtiment final auquel Oreste est conduit par son destin, est délivré par les Érinyes, déesses de la vengeance, chargées de poursuivre les meurtriers. Cette vision terrifiante est rehaussée par la vision d’Hermione, qui prend place parmi ces divinités, qui va déchirer le corps d’Oreste et dévorer son cœur, comme si cette punition renvoyait au crime initial d’Atrée, qui avait fait manger à Thyeste ses propres enfants. Le registre tragique est par ailleurs produit par l’abondance de phrases exclamatives, d’apostrophes, qui expriment l’indignation et la peur du personnage, accablé par son destin. Enfin, Oreste suscite la crainte par le meurtre qu’il a commis mais aussi par les visions terrifiantes que sa folie lui fait subir et exprimer, cette crainte est le but cathartique de la dimension tragique de la scène.

Cependant Oreste suscite aussi la pitié, puisqu’il a perdu Hermione, qu’il aimait, et que les dieux semblent s’acharner à faire son malheur. Ce dénouement est ainsi pathétique : Oreste n’est pas seulement un criminel, il est aussi une victime qui paie les fautes de ses ascendants. L’expression de la douleur, de la souffrance, renforcée par l’hyperbole au vers 4 : « Au comble des douleurs », puis la répétition du nom « malheur » aux vers 1 et 7, soutenu par celui de « misère » au vers 5, sont propres à créer la compassion. Enfin, la panique d’Oreste traduite par les rythmes saccadés, et la ponctuation expressive de plus d’une vingtaine d’interrogations et exclamations, produit aussi

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