Vaincre Ses Passions

A brule pourpoint, je me suis dit, mais quelle est cette idée saugrenue, pourquoi devrait-on vaincre ses passions, non seulement il ne faut pas les combattre, mais il faut les vivre à fond.

Que serait une vie sans passion ?

La passion en tant que sentiment d'amour, d'émotion ardent, pourquoi ce type de sentiments nécessiteraient-ils d’être combattus ?

La réalisation de ses passions n’est-elle pas un facteur d’épanouissement de l’être, au nom de quels principes frustrateurs devrait-on les combattre ?

Sous certains aspects nous sommes tous des passionnés, passionnés de la vie, mais aussi passionné par un hobby, une activité professionnelle, notre vie de famille, n’avons-nous pas parmi nous des passionnés de sport, de politique, d’art, et de tant d’autres choses…..

Et pourriez-vous vivre sans vos passions, je ne le crois pas.

Posons-nous la question, quelle serait ma vie si je ne pouvais laisser libre cours à la réalisation de mes passions ?

Evidemment sous cet angle, la vie sans passion n’aurait pas grand intérêt.

Les passions sont le moteur, l’énergie dont nous avons tous besoin pour avancer et donner du sens à notre vie.

Mais j’ai vite compris que je faisais fausse route et que là n’est pas la question, je me suis donc demandé ce qu’il convenait d’entendre par cette passion qui nécessiterait d’être vaincue ?

Mes premières recherches m’ont apporté une nouvelle définition de la passion : un état affectif intense et irraisonné qui domine quelqu’un.

Un mouvement irrésistible qui nuit au bon sens de celui qui en est atteint.

On n’est plus dans la passion facteur d’épanouissement personnel, mais dans une notion qui se rapproche d’une certaine servitude.

Reposant sur une incompréhension et une absence de maîtrise de soi, les passions sont subies plutôt qu’elle ne marque la force d’esprit de celui qui en est atteint, et le fait de vaincre ses passions doit être compris comme un moyen de sortir de cet état de soumission.

En effet la passion est un comportement irrationnel que l’on ne maitrise pas, l’être passionné est dominé par l’état dans lequel il est, et cet état le conduit à tous les plus vils excès.

Si l’on regarde l’étymologie du mot passion : en latin cela vient de patior qui signifie subir, et le mot grec qui désigne la passion est pathos qui signifie aussi maladie, d’où le mot « pathologique ».

Or la maladie c’est ce que je subis, ce dont je ne suis pas responsable.

Le malade est soigné, non puni, et apprendre à vaincre ses passions c’est une thérapie, un traitement, permettant de soigner une pathologie spirituelle.

C’est ce que tout FM doit faire : apprendre à se soigner lui-même pour ne plus être sous l’emprise de cette pathologie destructrice.

Il s’agit de canaliser et dompter le démon qui peut parfois rugir en nous.

Vaincre ses passions est le premier pas de la démarche initiatique, un des premiers et même le premier chantier de l’apprenti, c’est un passage obligé dans la recherche, la quête qui est certainement sans fin vers une plus grande sagesse et paix intérieure.

Ces notions de sagesse et paix intérieure sont à mes yeux fondamentales, j’ai le sentiment que c’est un des objectifs que nous poursuivons tous dans notre quête spirituelle.

Et cette quête qui n’est d’ailleurs et bien heureusement pas l’apanage des FM, peut prendre différents chemins, cela peut être, selon la sensibilité de chacun, ou les hasards de parcours ou de rencontre, dans les religions traditionnelles, ou bien dans des pratiques connexes tel que le bouddhisme ou enfin la voie que nous avons choisie c'est-à-dire la franc maçonnerie…

Il s’agit de tendre vers une attitude délivrée de l’influence néfaste de certaines émotions, de tendre vers une certaine élévation de l’esprit.

En ce sens que l’homme qui se laisse aller à ses passions se rapproche plus d’une certaine manière de l’attitude animale, sauvage, primaire.

En revanche l’homme qui maitrise ses passions avec son corollaire une plus grande raison, franchit une des première étapes vers la prééminence de la réflexion sur l’action, du rationnel sur le naturel, du raisonné sur l’irraisonné.

Cela me fait penser aux différents degrés ou niveaux d’émergences de l’esprit évoqués par notre frère Jacques Thomas dans sa planche lors de notre dernier banquet d’ordre.

Je ne vais pas vous dire que j’ai bien appréhendé, loin s’en faut, les différentes notions développées dans cette planche, je ne les ai pas intellectualisées, mais je les ai ressenties, et j’ai le sentiment qu’un homme qui maitrise ses passions atteint un niveau d’émergence de l’esprit supérieur à celui qui n’en est qu’un esclave.

Il y a aussi selon moi une connotation morale dans cette notion de combat contre les passions, la lutte entre la raison et les passions représente la lutte qui nous devons tous mener entre le bien et le mal enfoui en nous.

Il ne faut pas avoir une vision manichéenne ou idyllique des choses, bien qu’ayant pour objectif de vaincre ses passions, il y aura toujours en nous cette ambivalence entre le bon et le mal.

L’objectif, l’attitude morale recherchée, étant de faire triompher et de n’écouter en soi, le plus souvent, la raison.

Vaincre ses passions revient donc à être raisonnable, tandis que laisser libre cours à ses passions éloigne de la vie droite, juste, morale.

En quelque sorte c’est une nouvelle philosophie, un nouvel état d’esprit, un nouveau conditionnement psychique que l’apprenti doit faire sien, et ce nouvel état est le pré-requis, le passage obligé, avant qu’il puisse participer à d’autres réflexions.

L’homme victime de ses passions est soumis à des forces qu’il ne maitrise pas vraiment, qui lui échappent.

C’est ainsi qu’on dit de quelqu’un qui agit sous un fort accès passionnel qu’il est hors de lui.

Ne va-t-on même pas associer le pire des forces qu’on ne maitrise pas à la passion : j’entends par là le crime passionnel.

C’est bien le côté

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