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Manquer d'air

Mémoire : Manquer d'air. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  4 Janvier 2023  •  Mémoire  •  1 268 Mots (6 Pages)  •  154 Vues

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MANQUER D’AIR À RIO MARTIL

« …et comment il respire ? », « Jacques y respire pas ! » extrait du grand Bleu de Luc Besson, 1988.

 

C’est une grande et courageuse décision que prend mon père de s’exiler en Afrique du Nord.

Je l’imagine comme une fuite salvatrice, un quasi besoin thérapeutique pour échapper enfin à la pression et aux dogmes de la famille Y. Mes grands-parents, très conservateurs, froids, insensibles et foncièrement aux antipodes d’un jeune étudiant brillant de 25 ans contestataire et engagé politiquement dans un monde en pleine mutation. L’année 1968 a tout fait basculer, insufflé par un mouvement de contre-culture en provenance des Etats-Unis. Les idées et les convictions politiques de mon père n’ont jamais fait bon ménage dans une famille qui idolâtre le Général.

« Jadis » comme disait trop souvent mon grand-père, Jean-Jacques il lui sort par les narines ce fameux « jadis », qui résume à lui seul, une sorte de pensée unique et rétrograde, un peu trop patriotique à son goût. Lui aussi il les a fait chier ses parents.

Cette opportunité d’aller prendre l’air loin des siens, il l'attrape à pleines mains et s’installe avec ma mère au Maroc. A Tétouan, dans un quartier du bord de mer, un petit port de pêche nommé Rio Martil, non loin de la ville de tous les trafics, Tanger la blanche.

Ma mère Martine, une dure à cuire, engagée elle aussi, le petit livre rouge à portée de main suit mon expatrié de père. Ils sont tout juste mariés.

Elle aussi, vient de finir ses études supérieures, et à peu de mal à trouver un poste d’enseignante dans ce Maroc des années 70 en quête d’identité mais progressiste. Les sciences naturelles sont sa spécialité, et elle est aussi calée en géologie sa vraie passion.

Ca a toujours été un atout majeur d’être fils de profs, de par le niveau des débats, profonds, captivants, passionnés ce qui engendrera parfois des débats houleux à table bien plus tard, mais cette faculté à m’inculquer une conscience politique, ne me quittera jamais. Les débats métaphysiques eux aussi suivront bien plus tard.

Je suis né sur le dernier tiers de leur séjour, un jeudi je crois. Le seul bébé rouquin parmi tous ces enfants du soleil.

Sur place, ils ne sont pas les seuls à avoir fait ce choix de vie. «  l’expat » à vocation à se réunir, à créer des liens et on est bien entre jeunes adultes français intello de gauche, cela facilite l'appartenance au clan.

Ils y passent leurs plus belles années, enfin libres, indépendants. A cette époque ils se lient d’une grande amitié avec un couple, lui est prof aussi et elle infirmière. Jacky et Marie-Paule, des gens du Nord de la France, on le comprend vite rien qu’à la douce sonorité de leurs prénoms respectifs. A l’instar du Belge, le Nordiste est un bon compagnon, fidèle et chaleureux. Et si l’on a  les mêmes convictions politiques, le même boulot et la même situation maritale, c’est le tiercé gagnant et dans l’ordre.

La légende précise que l’apéritif et autres fiestas étaient de rigueur dans un pays pourtant musulman mais comme je l’exprime plus haut progressiste à cette époque malgré une misère sociale évidente. Les jeunes femmes ne sont pas voilées par exemple, l’accès au savoir, à l’universalisme, s’y installe peu à peu. 

Au dire de mon père ça picolait dur, ce sont ses mots, mais jamais de haschich. J’ai toujours du mal à comprendre ou à croire, enfin quoi, c’est le Maroc, les années 70, c’est comme aller à New York et louper le pont de Brooklyn. Enfin, bref, une amitié profonde s’est forgée.

Nous retournerons très souvent dans le Nord de la France durant mon enfance pour passer des weekends pas très loin de Valenciennes. Et puis le temps a fait son affaire et les virés chez les chtis se sont arrêtés. Depuis, j'ai croisé Marie-Paule à mon Mariage en 2001. Toujours la même femme, cheveux court, apparat formelle, un peu vieille fille. mais Une femme exceptionnelle, elle était égale à elle-même, un peu timide, chaleureuse, souriante, bienveillante. Une Sainte.

C’est au cours d’une soirée comme une autre, un apéro suivi d’un repas entre convives que j’ai échappé au pire. Une mort quasi certaine.

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