Le Patrimoine

Titre préliminaire : Le cadre et l’objet du cours

Ce cours a pour cadre le patrimoine, et pour contenu, les biens.

Chapitre 1 : Le patrimoine

• Théorie classique :

Aubry & Rau ont systématisé la notion de patrimoine. Dans cette théorie, le patrimoine est assimilé à l’universalité de droit, ainsi qu’à une émanation de la personnalité juridique. Universalité de droit : il s’agit d’un ensemble de droit et de charges, actuel et futur dans lequel les droits répandent des charges. La composition du patrimoine peut se modifier. En dépit de ces modifications, le patrimoine va subsister et conserver son individualité. Il peut être considéré comme une boite plus ou moins remplie. On oppose l’universalité de droit à l’universalité de fait. Pour le patrimoine, c’est une universalité de droit parce qu’il réunit des droits et des dettes ; il comprend un actif et un passif, inséparable l’un de l’autre. On parle d’universalité de fait lorsqu’on est en présence d’un ensemble de choses, sans passif correspondant. Par exemple, en droit français, le fond de commerce est une universalité de fait. Il regroupe un ensemble de droit (à la clientèle, au nom), mais il n’y a aucun passif corrélatif. Les dettes qui vont prendre naissance à l’occasion de l’exercice du commerce ne sont pas attachées au fond, elles restent liées à la personne du commerçant.

Aubry & Rau se sont appuyés sur la personnalité juridique. Ils ont présenté le patrimoine comme une émanation de la personnalité juridique. Si tous les éléments sont unis, c’est parce qu’ils se rapportent à une même personne. Elle est à la fois titulaire de droit, et tenue d’obligations. Pour la théorie classique du patrimoine, le patrimoine adhère à la personnalité.

! $

Deux conséquences découlent de cette analyse : - Toute personne a un patrimoine puisque toute personne est apte à être sujet de droit. - Seule une personne peut avoir un patrimoine, puisqu’il n’existe pas d’autre sujet de droit.

Le patrimoine présente donc deux caractères : - Il est indivisible : une personne ne peut pas scinder son patrimoine. - Il est intransmissible entre vifs : un sujet de droit ne peut pas renoncer à la personnalité juridique, et il ne peut pas céder, aliéner, l’universalité de droit que représente son patrimoine.

Ce lien a été critiqué, entre le patrimoine et la personnalité juridique. Cette conception classique a constitué un obstacle à des opérations juridiques. Cette conception s’est opposée à la création de fondations. On parle de fondation lorsqu’une personne désir léguer son héritage à une œuvre. Il est impossible de gratifier une personne qui n’existe pas encore. La fondation ne peut pas exister tant qu’on n’a pas d’argent pour la créer. On peut y arriver alors en léguant son héritage à une personne qui va créer la fondation.

Autre inconvénient, cette conception empêche un commerçant d’affecter une partie de sa fortune à ses affaires, tout en préservant le reste pour sa famille et vie personnelle. Si on veut un tel cloisonnement, il faut recourir à une personne morale, et constituer une société. De même il serait plus pratique, lorsqu’on entend transmettre un fond de commerce, de pouvoir transmettre avec le fond, les dettes relatives à l’exercice du commerce. Il faut recourir à une forme sociale. Tous ses inconvénients qui résultent de la théorie classique pourraient être évités si on décidait que l’universalité de droit peut exister sans le support d’une personne juridique. Il suffirait d’admettre qu’un autre lien que la personnalité juridique justifierait la cohésion des éléments composant le patrimoine. Pourquoi ne pas admettre que la cohérence d’une masse de biens et de dettes, puisse résulter de l’affectation commune de ces biens et de ces dettes à un but déterminé.

• Théorie moderne :

Ces critiques ont donc conduit à la théorie moderne du patrimoine d’affectation. Dans cette théorie, le patrimoine représente un ensemble de biens et de dettes affectés à des destinations particulières. Cette théorie est inspirée par la doctrine allemande. Son intérêt principal est qu’elle engendre des conséquences opposées à celle que l’on peut déduire de la théorie classique. Ainsi, rien n’interdit à une personne d’avoir plusieurs patrimoines : un patrimoine général, et un ou plusieurs spéciaux, affectés à des destinations particulières. L’intérêt des ces patrimoines est qu’ils peuvent être transmis entre vifs à titre universel. L’acquéreur recevra ainsi un actif, et un passif. Enfin, grâce à la théorie du patrimoine d’affectation, il est aisé pour une personne de créer une fondation : elle détache une partie

...