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Le Juge Français Et Le Principe De Primauté Du Droi De L'Union

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Par   •  12 Mars 2013  •  3 389 Mots (14 Pages)  •  1 994 Vues

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« Issu d’une source autonome, le droit né du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit, sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même » précise la Cour de justice de l’Union européenne le 15 juillet 1964 dans l’affaire Flaminio Costa contre E.N.E.L., 6/64.

A la différence des Constitutions fédérales, la Constitution communautaire (traité constitutif) ne contient aucune disposition de conflit contraignante assurant la primauté de la norme de l’Union sur les normes nationales. Les pères fondateurs de l’Europe n’avaient certainement pas pensé à intégrer ce principe au sein du traité constituant notamment parce qu’il aurait fait fuir la majorité des États signataires de l’époque trop attachés à leur souveraineté. Par conséquent, c’est la Cour de justice qui va être contrainte d’établir ce principe de la primauté du droit communautaire comme principe fondamental. C’est dans l’arrêt Costa contre E.N.E.L. du 15 juillet 1964 qu’elle fonde l’autonomie du droit communautaire comme « source autonome » à laquelle les droits nationaux ne peuvent déroger. Il s’agit donc d’un principe jurisprudentiel auquel la Cour confère un effet contraignant à l’égard des Etats membres. Ce principe est ensuite repris dans les traités fondateurs mais il ne possède pas d’effet juridique contraignant. En effet, contrairement au Traité établissant une Constitution pour l’Europe qui prévoyait explicitement à l’article I-6 le principe de la primauté du droit de l’Union sur les droits nationaux, ce principe n’est pas établit dans les articles du Traité de Lisbonne. Néanmoins, la déclaration n°27 prévoit cette primauté du droit de l’Union et en dépit du fait qu’elle soit dépourvue de valeur contraignante, cela ne change en rien l’effectivité du principe de primauté du droit de l'Union au sein du droit national de chaque Etat membre. On comprend dès lors que ce principe permet de résoudre un conflit entre deux normes qui proviennent d’un ordre juridique différent, le cas échéant c’est le droit communautaire qui primera nécessairement sur le droit interne d’un Etat membre.

Corrélativement, la juridiction communautaire ne dispose d’aucun pouvoir d’élimination de la norme nationale incompatible avec la norme communautaire. De ce fait, elle va devoir passer par l’intermédiaire des juridictions nationales pour assurer la pleine efficacité de ce principe de primauté. La Cour de justice tend à faire comprendre à tous que cette primauté est générale et absolue, ainsi c’est tout le bloc constitutionnel (droit primaire) mais aussi tout le bloc de légalité (droit dérivé) qui prime sur le droit interne. Cela implique une application uniforme, immédiate et effective du droit communautaire. La Cour délègue cette tâche importante aux juges nationaux qui deviennent « juge de droit commun » ce qu’elle prévoit notamment par un arrêt tout aussi fondamental que l’arrêt Costa contre E.N.E.L., l’arrêt dit Simmenthal du 9 mars 1978 affaire 106/77 dans lequel elle prévoit que « le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions un droit communautaire, a l’obligation d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure… ». Les juges nationaux doivent donc éliminer de l’ordonnancement juridique interne les dispositions incompatibles. C’est ce que l’on appelle le principe d’autonomie procédurale ce qui signifie que c’est le droit national qui doit assurer selon ces procédures propres la garantie effective du respect du droit de l'Union. Ce renvoi aux juridictions nationales peut néanmoins poser des difficultés comme celui d’une application différente par les juridictions des Etats membres et donc cela peut priver d’efficacité la primauté du droit communautaire. C’est pourquoi il est intéressant de se pencher sur le droit national français par exemple afin d’y analyser l’effectivité du principe de primauté du droit de l'Union. La question que l’on peut ainsi se poser est de savoir si le juge français permet-il une garantie effective et fidèle du principe de primauté du droit de l'Union ?

Force est de constater que la reconnaissance effective du principe de primauté du droit communautaire fut au départ partagée (I) mais il apparait récemment que l’on dérive vers une reconnaissance renforcée de ce principe par le dialogue des juges qui s’est constitué (II).

I. Une reconnaissance partagée de la primauté du droit communautaire dans le droit français

La réception du principe de primauté du droit communautaire n’allait pas nécessairement de soi au départ pour les juges français, c’est pourquoi ils n’ont reconnu que tardivement la primauté du droit communautaire sur la loi française (A). Néanmoins on ne peut attester du même schéma pour ce qui est de la Constitution française pour laquelle la primauté ne s’impose pas réellement (B).

A. L’affirmation progressive d’une garantie effective de primauté du droit communautaire sur la loi française

Au départ, en France, la loi jouit d’une place prédominante au sein de la hiérarchie des normes puisqu’elle est « l’expression de la volonté générale » comme en dispose la Déclaration de 1789. Donc si le principe de la primauté est consacré par la Cour de justice en 1964, cette position n’est pas suivie au départ par les juges français.

Dans un célèbre arrêt fort contesté du 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoules, le Conseil d'Etat avait jugé qu’il lui était impossible, sauf à opérer une sorte de contrôle de constitutionnalité, de faire prévaloir une disposition communautaire sur une loi interne postérieure. De la même manière, la Cour de cassation dans un arrêt du 7 janvier 1972 avait écarté la disposition communautaire antérieure à une loi interne fidèle à la doctrine de l’avocat général Matter. Les juridictions nationales françaises s’estiment dans l’impossibilité de concilier les deux normes dans le cas où la loi est postérieure à une disposition communautaire.

Il faut alors attendre la fameuse décision du Conseil Constitutionnel du 15 janvier 1975 relative à la loi sur l’IVG. Saisit dans le cadre de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution sur la conformité d’un projet de loi à des dispositions de nature internationale (la Convention européenne des droits de l’hommes de 1950), il s’affirme

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