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La Voie De Fait

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Par   •  1 Novembre 2013  •  Analyse sectorielle  •  2 978 Mots (12 Pages)  •  689 Vues

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La voie de fait

L’évolution historique a donné naissance au dualisme juridictionnel à partir de la séparation des autorités administratives et judiciaires décidée lors de la Révolution française. Il existe ainsi depuis lors des juridictions administratives dont la vocation est de connaître des litiges administratifs. Ces juridictions administratives et le Tribunal des conflits ont affirmé l’autonomie du droit administratif par rapport au droit privé, complétant ainsi le dualisme juridictionnel par un dualisme juridique. Deux textes essentiels fondent cette séparation : la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. Le dualisme juridictionnel (issu des textes révolutionnaires) et le dualisme juridique (fondé par la jurisprudence Blanco en 1873) caractérisent le régime administratif français : le droit administratif est mis en œuvre par les juridictions administratives alors que le droit privé est appliqué par les juridictions judiciaires. Etant donné qu’il n’est pas toujours facile de savoir quel est le droit applicable et quel est le juge compétent, le Tribunal des conflits a été créé en dehors de ces deux ordres afin de trancher ces difficultés. De ses décisions ainsi que celles de la jurisprudence du Conseil d’Etat, de la Cour de cassation ou encore du Conseil constitutionnel, se dégage une clause générale de compétence qui attribue la compétence des litiges administratifs aux juridictions administratives. Pourtant, même en matière administrative, les juridictions judiciaires interviennent dans un certain nombre de cas. Comment justifier le fait que l'administration puisse relever du juge judiciaire à l'occasion d'activités administratives, qui sont pourtant des activités de gestion publique ? En réalité, les exceptions à la clause générale de compétence sont nombreuses. Ces limites que connaît l’action administrative apparaissent dans la mise en œuvre du Code de procédure pénale et sont illustrés par la jurisprudence de l’emprise irrégulière et de la voie de fait, exception qui nous intéresse ici. Cette dernière seulement retiendra donc notre attention, le propos suivant se limitant à l’étude de celle-ci. On parle de voie de fait lorsque après avoir reproché à l’administration un fait ayant porté matériellement et illégalement une atteinte grave à une liberté ou à un droit de propriété, et qui n’entrait pas dans ses pouvoirs, on donne alors la possibilité au juge judiciaire de s’immiscer dans la sphère de la compétence administrative. Autrement dit, la voie de fait permet de confier au juge judiciaire les affaires dans lesquelles il apparaît que l’administration a adopté un comportement anormal, justifiant qu’elle ne bénéficie plus de la protection que lui confère normalement le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires. Ce procédé remet donc en cause la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui pose le principe de la séparation des pouvoirs (art 16), cher à notre démocratie. En ce sens, la voie de fait représente-t-elle un risque de déstabilisation pour le système juridique français ? Il s’agit donc de se pencher en détail sur les raisons et les conditions de cette remise en cause de la séparation des pouvoirs (I) puis ensuite d’en dégager la réelle portée (II).

I – La voie de fait : une dérogation au principe de la séparation des autorités

Afin de comprendre en quoi consiste la théorie de la voie de fait, une étude des critères sur lesquels elle se base est d’abord nécessaire (A), avant de se pencher plus précisément sur son contenu propre (B).

A) Les fondements de la voie de fait

A l’occasion du fonctionnement des services publics, l’action administrative peut entraîner des atteintes diverses à la propriété privée ou à la liberté des individus et selon le Conseil constitutionnel (Déc. 23 janvier 1987, R.D.P., 1987, p.1341, note Y.Gaudemet), en France, le pouvoir judiciaire est le gardien de ces droits fondamentaux, en particulier de la liberté individuelle. Cette vocation privilégiée résulte d’une longue tradition, amorcée par le Code d’Instruction Criminelle, reprise dans le code de procédure pénale (art. 136 : " dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, les tribunaux judiciaires sont toujours exclusivement compétents"), et confirmée par l’art. 66 de la constitution, puis par le Conseil constitutionnel (v. not. décis. 29 déc. 1983 : visites domiciliaires des agents du fisc. JCP 1984 II.20160 note Drago et Decoq). Ainsi, c’est cette prérogative qui explique la possibilité offerte aux justiciables de recourir au juge judiciaire pour se retourner contre l’administration. En effet, comme nous avons commencé à l’évoquer ci-dessus, dans les cas où l'administration se voit imputer des irrégularités particulièrement graves et qu'elle a porté atteinte à des droits individuels, on dit que l'administration a commis une voie de fait et que les actes ainsi accomplis ayant perdu leur qualité d'actes administratifs, la compétence contentieuse revient alors au juge judiciaire.

L’explication la plus classique de la voie de fait est donc justifiée par le raisonnement suivant : l’acte de l'administration entaché d'irrégularités exceptionnelles est qualifié de dénaturé et perdant alors sa qualité d'acte administratif, il ne peut plus être considéré comme rattaché à la compétence administrative. Logiquement, il en résulte que cet acte devenu une simple voie de fait, et non plus une voie de droit, échappe à la compétence administrative et relève du juge judiciaire.

D'autres auteurs, dont Maurice Hauriou, ont complété cette explication en observant que la voie de fait entraînait aussi une certaine volonté de sanctionner une attitude de l'administration considérée comme particulièrement réprimable. Il rappelait ainsi que la compétence administrative pouvait être considérée comme un véritable privilège de l'administration et que ce privilège devait donc lui être retiré lorsqu'elle avait ignoré trop gravement le droit.

Au final, ce serait donc la nature du comportement de l’administration dans l’hypothèse de la voie de fait qui exigerait la compétence judiciaire.

B) Le critère de la voie de fait

Pour reprendre la décision rendue par le Tribunal des conflits en 2000, il y a voie de fait "dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une

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