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La Tombée De Groovshark, Histoire Et Destinée

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Par   •  17 Mai 2015  •  Analyse sectorielle  •  2 544 Mots (11 Pages)  •  609 Vues

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La nouvelle est tombée brutalement vendredi dernier : le site de streaming musical Grooveshark a fermé ses portes, après plus de huit années d’existence et une longue bataille judiciaire contre les majors de la musique, qui s’était conclue en 2014 par une cinglante condamnation pour violation du droit d’auteur. Sous la pression des ayants droit, les fondateurs du site ont préféré saborder leur navire et mettre un point final à l’aventure, plutôt que de devoir payer les 700 millions de dollars d’amendes auxquels la justice les avaient condamnés.

Grooveshark

Le « message d’adieu » qui figure sur la page d’accueil de Grooveshark depuis vendredi dernier.

Il est extrêmement intéressant de revenir sur la trajectoire d’une plateforme comme Grooveshark, car sa destinée éphémère épouse les épisodes de la guerre au partage menée depuis des années par les industries culturelles. Et sa disparition nous renseigne aussi sur les conséquences de cette stratégie des ayants droit sur l’écosystème global de la musique sur Internet.

Un coup porté à la « Longue Traîne » de la musique

Grooveshark compte en effet parmi les successeurs de Napster, fermé par décision de justice en 2001. Apparu en même temps que Limewire par exemple, il prenait à l’origine la forme d’un réseau de P2P, Grooveshark fournissant un client pour effectuer du partage décentralisé. Son originalité était cependant de prévoir une rémunération pour les utilisateurs qui acceptaient de mettre en partage des fichiers (0,25$ le titre). Alors que l’on parle beaucoup aujourd’hui du Digital Labor et du « travail gratuit » que les plateformes font effectuer à leurs utilisateurs, Grooveshark avait sans doute quelque chose de visionnaire dans la manière dont il envisageait ses rapports avec les contributeurs. Mais ce modèle constituait aussi pour lui une stratégie, destinée à étoffer le plus rapidement possible son catalogue afin de surpasser celui des plateformes concurrentes.

Sur cet aspect de la profondeur de l’offre, Grooveshark avait en effet clairement une longueur d’avance sur ses concurrents et on le perçoit à travers les commentaires partagés sur Twitter par les internautes à l’annonce de sa fermeture. Nombreux sont ceux qui déplorent le fait de perdre avec leurs playlists des morceaux rares, qu’ils ne retrouveront pas sur « l’offre légale » de streaming musical, chez Deezer ou Spotify.

Grooveshark ferme, pas sauvegardé mes playlists. Quelques pépites découvertes resteront oubliées de moi à tout jamais.

Joh Peccadille (@peccadille) May 02, 2015

Grâce aux recommandations, je cherchais de nouveaux noms, proches de mes goûts. Parfois j'achetais.

Joh Peccadille (@peccadille) May 02, 2015

L’avantage de Grooveshark ne tenait d’ailleurs pas nécessairement au volume des titres disponibles, mais à leur diversité. Le catalogue de la plateforme avait donc cette vertu de matérialiser une forme de « longue traîne » en musique, dont l’existence ailleurs sur Internet est loin d’être évidente. Il en est ainsi parce que son contenu était directement « crowdsourcé » par ses utilisateurs à partir de la mise en commun de leurs bibliothèques personnelles. Mais alors que Grooveshark affichait clairement son intention de s’inscrire dans l’offre « légale », il n’a pas tardé à être attaqué par les titulaires de droits du secteur, l’accusant de favoriser la contrefaçon d’oeuvres protégées à grande échelle.

Une représentation de la « Longue traîne » de la musique.

Du P2P rémunéré au streaming musical centralisé

Les industriels de la musique ont rapidement agité la menace d’une action en justice et en réaction, Grooveshark s’est mis à muter, en s’éloignant de plus en plus du modèle décentralisé. Il est devenu une sorte de « Napster in the Cloud », en se transformant en une plateforme centralisée de streaming musical, très proche en un sens de ce que YouTube représente pour la vidéo ou SoundCloud pour le son. Le projet de rémunérer les utilisateurs pour la mise en mise partage des fichiers sentait trop le souffre et il a rapidement été mis au placard. A la place, Grooveshark a cherché un terrain d’entente avec les majors en mettant en place un système de rémunération, basée sur un partage des recettes publicitaires et des abonnements proposés à ses utilisateurs. La plateforme a d’ailleurs réussi à conclure des licences avec EMI et des labels indépendants, mais pas avec le reste de la profession.

Le DMCA et son système de notifications de retrait est au coeur de l’histoire de Grooveshark.

Car à leurs yeux, Grooveshark portait en lui une forme de « vice fondamental »: si les industriels de la musique toléraient l’existence d’un service fonctionnant sur le principe du partage des fichiers par les individus, ils acceptaient de revenir sur un des fondements du droit d’auteur, qui veut qu’une oeuvre ne peut être distribuée sous une forme donnée qu’avec l’accord des titulaires de droits. Ne parvenant pas à trouver d’issue légale pour son modèle, Grooveshark s’est alors abrité derrière la responsabilité allégée dont bénéficient les hébergeurs de contenu sur Internet au titre du DMCA (Digital Millenium Copyright Act) aux Etats-Unis. Une plateforme ne devient responsable pour un contenu mis en ligne par ses utilisateurs que si elle ne réagit pas rapidement pour le retirer une fois qu’il lui a été signalé. Or c’est ce point qui a causé la perte de Grooveshark : les ayants droit sont parvenus à prouver devant les juges que la société avait demandé à des employés de charger eux-mêmes de fichiers sur la plateforme, ce qui a eu pour conséquence de leur faire perdre le bénéfice du « safe harbour » (sphère de sécurité) prévu par le DMCA.

Après avoir commis une telle erreur, la fin de Grooveshark était inéluctable et l’occasion trop belle pour les titulaires de droits de faire un exemple en l’abattant devant la justice. Mais au-delà de ce motif de condamnation, on peut se demander qu’est-ce qui fait au juste la différence entre Grooveshark et des plateformes dite « légales » comme Deezer ou Spotify ? Qu’est-ce qui le différencie aussi fondamentalement

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