Cas Montéfibre et Alsthom.

                Au XIXème, la population française est encore profondément rattachée à des valeurs traditionnelles qui trouvent leur source dans la division d'une population majoritairement rurale.

Aux prémices de la révolution industrielle, seul 25% de la population française vivait en ville.

Nicole Mercier et Denis Segrestin, dans leur ouvrage intitulé « Des ouvriers sur leurs terres : deux études de cas comparés », s'efforcent par l'observation de deux entreprises différentes de définir la nature exacte du rapport des communautés ouvrières au territoire.

Cette étude de cas a pour intérêt de quitter une approche théorique souvent employée, afin de se focaliser d'avantage sur une étude concrète, une observation du fonctionnement industriel et social présent dans divers contextes.

Pour illustrer leur étude, Mercier et Segrestin présentent le cas de deux entreprises ; celui de la Montéfibre à Saint-Nabord (SN) et celui de l'Alsthom à Belfort (AB).

Fondées sur des valeurs divergentes, ces deux entreprises se retrouvent néanmoins toutes deux perturbées par des conflits sociaux.

La difficulté pour ces deux auteurs est dès lors de déterminer les facteurs constitutifs de ces entreprises qui, malgré leurs différences, les poussent vers une situation similaire.

Pour se faire, ils mettent en avant une triple relation entre l'usine, son territoire et sa culture afin d'expliquer les différences organisationnelles qui vont survenir d'un environnement à un autre.

Par ailleurs, ces deux entreprises sont touchés par des conflits sociaux dû à diverses raisons.

A travers cette étude, nous expliquerons les sources de ces manifestations, ce qui nous conduit à nous poser la question suivante :

Les conflits sociaux sont-ils source de cohésion sociale ?

Afin de répondre à notre problématique, nous opterons, d'une part, pour une approche axée sur le territoire de l'entreprise en tant que source de cohésion sociale, puis, d'autre part, pour l'analyse de la culture d'entreprise en tant que fruit de la solidarité d'usine.

        I-Le territoire comme source de cohésion :

                A) l'environnement avant l’arrivée de l'entreprise :

        Nicole Mercier et Denis Segrestin veulent démontrer l'influence de l'entreprise sur son territoire.

Pour ce faire ils étudient, dans un premier temps, l'entreprise SN, implantée dans un milieu rural, puis dans un second temps, l'entreprise AB, implantée dans une ville.

L'entreprise SN s'est en effet implantée dans un milieu rural, dans une société caractérisée comme fermée sur elle-même, homogène et circonscrite, à l'espace de la « vallée ».

Cette entreprise est influencée dans son organisation par une communauté rurale aux valeurs traditionnelles.        

En effet, cette société rurale est perçue, ici, comme une grande famille, une « famille élargie » où l'entraide est primordiale, où la vie commune se construit autour d'échanges et de gestions de biens collectifs. Il y a en effet une vie commune qui s'organise.

Cette communauté apparaît dans son mode de fonctionnement comme auto-suffisante mais il existe des contraintes à la « vie de famille » qui s'exercent entre autre par un contrôle social direct et permanent (éléments constituants d'une société coercitive). Cette communauté se fonde sur l'inter-connaissance et l'auto-surveillance.

Ainsi, on parlera d'une famille élargie, à la fois protectrice et insupportable envers les membres de sa communauté.

Dans cette situation, des pratiques sociales perdurent, elles sont le vestige de la société traditionnelle. En effet, malgré le fait que la terre se transmet de moins en moins de génération en génération, certains rituels, certaines valeurs et règles restent toujours d'actualité.

Ainsi, on pourrait donner l'exemple de la collectivité qui lorsqu'elle organise la participation saisonnière au travail agricole le fait en échange d'un droit sur les récoltes, ceci est appelée « le service rendu ».

Pour le cas de l'entreprise AB, la ville est marquée par une tradition d'autonomie territoriale.

Le lieu dans lequel elle s'installe est plus vaste que le milieu rural, cette entreprise s'implante dans un milieu urbain caractérisé par un développement conséquent.

A l'inverse du milieu rural, on ne retrouve pas le facteur d'inter-connaissance ici.

Cependant, les emplois sont nombreux et variés, attirant des flux migratoires importants.

Le cas AB est celui d'une ville qui s'est créée autour d'une usine, ce cas se retrouve dans beaucoup d'autres situations comme à Sochaux avec l'entreprise Peugeot. L'usine fortement demandeuse d'emplois attire les populations qui viennent s'installer à proximité. Les besoins de cette population grandissante requièrent le développement d'installations plus complexes, plus attractives.

Des commerces émergent, des activités et services se développent entraînant un étalement urbain toujours plus vaste autour de « l'usine-mère ».

Dans ce cas, on remarque une tradition paternaliste, qui se définirait comme l'influence forte de l'usine sur la société, ainsi, la société est ancrée dans une tradition industrielle. Par exemple, les enfants de la société sont socialisés de façon à les préparer au plus vite au travail dans l'entreprise, on retrouve ce cas dans le familistère de Godin dans le texte de Lallement. Les enfants sont ainsi préparés à poursuivre l’œuvre de leurs pères.

On peut ainsi comprendre le paternalisme comme étant une attitude qui consiste à se conduire comme « un père » envers d'autres personnes sur lesquelles on exerce ou tente d'exercer une autorité.

Or, il nous faut maintenant comprendre les conséquences de l'installation de l'entreprise sur ces deux milieux.

                B) L'environnement après l'arrivée de l'entreprise :

L'arrivé d 'une entreprise sur un territoire va le plus souvent avoir une influence sur celui-ci. Ces influences peuvent être différentes selon le milieu dans lequel l'entreprise va s'installer, comme nous allons le voir dans cette partie.

L'arrivé de l'entreprise SN va interférer dans l'organisation de ce système. En effet, elle va permettre à la population local d'accéder à un type d'emploi qu'elle n'avait pas auparavant. Autrefois cantonnée à des métiers traditionnels, les ouvriers ont maintenant accès à des emplois plus sécurisés, à un salaire fixe et à des services mutualisés bénéfiques à leurs familles.

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