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Arguments Pour L'euthanasie

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Par   •  13 Février 2013  •  5 426 Mots (22 Pages)  •  5 303 Vues

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Dans ce bref article, je me propose d’examiner, tour à tour, les principaux arguments avancés par les partisans d’une légalisation de l’euthanasie. Il n’est pas rare qu’à l’appui de leur position, ces derniers fassent état de deux conceptions irréconciliables : pour les uns, nous dit-on, la vie humaine n’appartient pas à la personne, mais à Dieu, et est dès lors indisponible ; pour d’autres, en revanche, chacun possède une souveraine autonomie, un "magistère propre", et peut donc disposer de sa vie, dont il évalue le sens et la valeur à l’aune de ses propres critères. Or, en démocratie pluraliste, il serait intolérable que le législateur privilégie l’opinion philosophique ou religieuse d’une partie seulement de la population. Il s’ensuit que l’on serait forcé de trouver une solution de compromis, laquelle revient toujours en pratique à légaliser l’euthanasie, c’est-à-dire, ce faisant, à consacrer la thèse de l’autonomie, en renvoyant chacun à sa conscience personnelle.

Cette présentation des termes du débat me paraît faussée. Elle s’appuie sur le postulat discutable selon lequel l’euthanasie relève d’un choix purement privé. Ce faisant, elle feint de méconnaître l’impact profond de la légalisation de cette pratique sur le tissus social. Il s’impose de dépasser le clivage philosophique ou idéologique suggéré et de porter la réflexion sur le terrain de la rationalité juridique et politique. Cette dimension du problème ne peut être ignorée ou négligée dès l’instant où la légalisation de l’euthanasie ressortit, de toute évidence, à un acte de nature juridique et politique.

Or, de puissants motifs sociaux, juridiques, politiques et, en définitive, de simple raison, suffisent à récuser l’euthanasie. Telle sera la ligne d’argumentation suivie. Comme on le verra, il n’est pas strictement nécessaire de faire appel à des motifs d’ordre religieux – ce qui, bien entendu, n’enlève rien à leur caractère essentiel.

L’euthanasie s’entend ici de tout "acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci". Cette définition proposée par le Comité Consultatif de Bioéthique de Belgique est généralement partagée par tous les acteurs du débat. L’intention de donner la mort est essentielle à la notion, qui se distingue ainsi d’autres initiatives médicales parfaitement légitimes, telles que l’administration appropriée d’analgésiques en vue de soulager la douleur et la décision de renoncer à des traitements inutiles ou disproportionnés.

Argument n° 1 : légaliser l’euthanasie est nécessaire pour obvier à l’acharnement thérapeutique

Pour légitimer l’euthanasie, on présente souvent l’image du malade terminal en proie à d’atroces souffrances, entretenues de surcroît contre son gré, en raison de l’acharnement médical — qui n’a plus rien de "thérapeutique" — de l’équipe soignante.

Cette situation n'a pourtant rien d'une fatalité. En effet, l’acharnement "thérapeutique" n’est requis ni par le droit, ni par la déontologie médicale, ni par la morale. Le médecin est obligé, ni plus ni moins, à combattre la douleur et à prodiguer des soins ordinaires, utiles et proportionnés. Il n’est nullement tenu d’entamer ou de prolonger, contre la volonté du patient, un traitement inutile ou hors de proportion avec son état, dans la mesure où le bénéfice escompté paraît dérisoire au regard des désagréments, des contraintes ou du coût que les moyens mis en œuvre entraîneraient pour lui.

Présenter la légalisation de l'euthanasie comme le remède contre l'acharnement thérapeutique, et les souffrances prolongées qui l'accompagnent, procède d'une regrettable méprise. Il est déjà licite, à tous points de vue, de ne pas entamer ou d’interrompre un traitement qui prolonge artificiellement la fin de vie. Pareille décision entre dans le cadre de la mission générale de la médecine et ne se confond pas avec l’euthanasie : il s’agit d’accepter la condition humaine, mortelle, et de faire droit au processus naturel de la mort.

Argument n° 2 : l’euthanasie est parfois le seul moyen d’apaiser une souffrance insupportable

Il est vrai que certains malades sont en situation de détresse profonde. Celle-ci peut avoir une origine somatique et l’on parle alors volontiers de "douleur". Cette dernière peut entraîner une souffrance (appelée parfois "douleur totale"), qui renvoie au vécu psychologique, forcément plus subjectif. Parfois, la détresse résulte seulement d’une souffrance d’ordre psychologique.

Le médecin est tenu non seulement d’œuvrer pour restaurer la santé, mais aussi de soulager la douleur. Il peut arriver parfois que ces deux obligations entrent en concurrence. Toutefois, il faut souligner la différence – sans doute subtile, mais non moins réelle, et incontestable sur le plan moral – entre ôter la vie pour supprimer la souffrance et combattre la souffrance au risque (prudent et proportionné) d’abréger la vie. Sauf refus du patient, le médecin peut (et doit) administrer des analgésiques, puissants au besoin, même s’ils ont pour effet indirect, comme tel non voulu, de hâter la mort.

On suppose ici que le lecteur sait qu'en l'état actuel de la médecine, toutes les souffrances physiques peuvent être adéquatement soulagées (en recourant, dans les cas extrêmes, à la sédation contrôlée). Néanmoins, force est d’admettre que le souci d’un traitement judicieux de la douleur s’est surtout manifesté dans le contexte des "soins palliatifs", qui demeurent très peu développés dans notre pays. Dans son ensemble, le monde médical est encore mal préparé concernant le contrôle des symptômes et de la douleur. Aussi la plupart des demandes d'euthanasie trouvent-elles leur origine dans un traitement inadéquat de la douleur.

Les témoignages et références en ce sens abondent. Qu’il suffise de citer l'intervention de Madame Wouters au Sénat : "En Belgique, pour le moment, l'incompétence est la règle et la compétence l'exception pour les soins aux malades en fin de vie (…) L'autre raison des demandes d'euthanasie provient de la douleur non contrôlée (…) Un travail réalisé [dans un hôpital en Belgique] en 1997 conclut (…) : sitôt que la douleur [des patients ayant demandé une euthanasie] a été prise en charge, plus aucun n'a maintenu sa demande. S'ils s'étaient retrouvés devant des soignants non formés au contrôle de la douleur, certains d'entre eux auraient

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