Aimé Césaire: Cahier d'un retour au pays natal

Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, 1939.

Dès le siècle des Lumières, l'homme nourrie une réflexion sur sa propre nature. Voltaire, avec Candide ou encore Marivaux avec l'Ile aux esclaves, développent celle-ci, dans des œuvres rédigées selon la rhétorique de l'Antiquité. Se met en place une tradition qui perdure encore à l'époque d' Aimé Césaire : le jeu des points de vue croisés. Afin de mieux démontrer l'absurdité d'une thèse, l'auteur utilise la thèse adverse. Aimé Césaire est né en 1913 en Martinique. Son enfance douloureuse durant l'époque coloniale ne l'empêche pas de réaliser de brillantes études au Lycée Louis Le Grand à Paris. Durant ses études, il prend conscience de la réalité des la situation coloniale et comme d'autres auteurs avant lui, il entreprend de la dénoncer. Suivant la tradition des points de vue adverses, il s'exprime dans son Discours sur le colonialisme et dresse un portrait négatif des colons. Mais après avoir suivit l'exemple des auteurs des Lumières, il dénonce le colonialisme à sa propre manière, il prend le lecteur par surprise dans son Cahier d'un retour au pays natal. À travers les lignes d'un poème en prose, Césaire commence une autobiographie très détaillée mais son texte se transforme rapidement en un réquisitoire contre son propre peuple, mettant en avant sa non réaction fasse à l'oppression des colons.

Il semble alors légitime de se demander comment, à travers sa prose, Aimé Césaire dénonce-t-il le colonialisme tout en construisant un poème au lyrisme flamboyant ?

Dans un premier temps nous montrerons que ce texte est un poème par la richesse du langage employé, la puissance et le nombre des images évoquées et enfin par la présence d'effets de rythme.

Puis nous expliquerons que ce poème sert de support à une autobiographie de l'auteur en étudiant l'utilisation du pronom « je », mais aussi en s'intéressant à l'emploi du présent ainsi qu'aux nombreux détails donnés par l''auteur.

Enfin nous terminerons par démontrer que ce poème autobiographique est un instrument de dénonciation de la situation coloniale, avec l'utilisation du « nous » apparenté à la communauté antillaise des opprimés, la dénonciation de la vision des colons concernant les peuples africains et enfin l'art des répétitions et la dégradation de l'homme suscitant dégoût et pitié chez le lecteur.

I – La poésie comme support …

A) Un vocabulaire riche et un langage soutenu : un poème au lyrisme flamboyant.

1) Un vocabulaire riche.

→ l. 13 : «  éléphantiasis » ,l. 14 : « lumignon », l. 15 : « ravet »,  l. 17 : « essentes », l. 41 : « celer », l. 51 : « vénerie », l.52 : « rouis », « risées », l. 54 : «  gésine » …, l. 57 : « craniomètre », « Homo sum »...

→ Ce vocabulaire riche témoigne d'une très grande connaissance de la langue française par l'auteur. Césaire souhaitait montrer aux français qu'il connaissait leur langue mieux qu'eux malgré sa couleur. Cette richesse de vocabulaire s'accompagne d'un registre soutenu.

2) Les marques du registre soutenu.

→ l. 1 à 7 : cette première phrase est extrêmement longue, avec une syntaxe complexe. On peut y relever plusieurs métaphores que nous détaillerons après. L'utilisation d'un vocabulaire riche et recherché contribue à former ce langage soutenu. La première phrase n'est pas la seule à s'étaler sur plusieurs lignes : par exemple,

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