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Interdiction de se contredire au détriment d'autrui

Commentaire d'arrêt : Interdiction de se contredire au détriment d'autrui. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  22 Février 2019  •  Commentaire d'arrêt  •  2 630 Mots (11 Pages)  •  594 Vues

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Commentaire : Cass. com., 20 septembre 2011

Thème : L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui.

        « Si les coups bas sont interdits, les simples ruses de guerre ne le sont pas : il y a dans le procès un combat, à tout le moins un match »[1]. Si le procès est un terrain de conflit, les ruses sont pour le moins encadrées ; force est de constater que les parties ne peuvent modifier à souhait leur comportement durant un procès au dépens d’autrui, au risque d’être sanctionné. Le présent arrêt a été rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 20 septembre 2011 et traite de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui.

        Une société détentrice de brevets, agit en contrefaçon à l’encontre de deux sociétés. Elles est déboutée en première instance.

La société demandeuse interjette appel devant la Cour d’Appel de Lyon, contre ces mêmes sociétés ; hors, ayant été absorbée par une société tierce, cet appel, à défaut de personnalité morale de ces sociétés, aurait dû être considéré irrecevable. Cela n’est pas relevé par la Cour d’appel, qui infirme partiellement le jugement de première instance.

        La tierce société, appelée en intervention forcée, va alors se pourvoir en cassation ; l’arrêt de la Cour d’Appel de Lyon est censurée et les parties sont renvoyés devant la Cour d’Appel de Paris.

        Devant cette dernière, la société tierce soulève pour la première fois l’irrecevabilité des demandes dirigées à l’encontre des deux sociétés initiales, notamment lors de l’instance devant la Cour d’Appel de Lyon, en évoquant le défaut de personnalité juridique de celle-ci. La Cour d’Appel de Paris condamne cette irrégularité ; il est effectivement obligatoire que l’entité soit pourvue de la personnalité juridique pour pouvoir agir contre elle, et sanctionne la société détentrice de brevet au titre de défaut de vigilance. Un pourvoi en cassation est alors formé de la part de cette dernière.

        La Cour de cassation devait alors se demander si il était possible de modifier postérieurement son comportement, au risque de se contredire dans son application ?

        La Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 20 septembre 2011, va censurer l’arrêt de la Cour d’appel, au visa du principe de l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui. Elle déclare irrecevable la demande de la société tierce, au motif qu’elle se contredit, en se prévalant de la circonstance qu’elle aurait été dépourvue de personnalité juridique lors des instances ayant conduit à ces décisions, et cela au détriment de la société titulaire du brevet.

        L’intérêt de cet arrêt réside en ce que la décision de la Cour de cassation forge un principe général de droit, sur une notion alors souvent évoquée, mais jamais adoubée en droit civil. Il s’agit dès lors de s’interroger sur la finalité de celle-ci : le comportement d’une partie, qui se révèle postérieurement être contraire à une position initiale, est de nature à entrainer un préjudice tel, qu’il mérite d’être irrecevable.

        Il conviendra d’aborder premièrement le comportement contradictoire au détriment d’autrui comme étant sanctionné par la Cour de cassation (I), avant de discuter des conditions de mise en place de l’estoppel, source d’interrogation sur sa concrète efficience (II).

  1. Le comportement contradictoire au détriment d’autrui sanctionné par la Cour de cassation

        La formalisation de la non-contradiction du comportement au détriment d’autrui a été érigé en principe général de droit (A), entrainant l’application d’une sanction reflétant la nécessaire cohérence du comportement des parties au cours du procès (B).

  1. La formalisation de la non-contradiction du comportement au détriment d’autrui au rang de principe général de droit

        Il est important de souligner que le propre des droits de la défense doivent pouvoir inclure des comportements procéduraux, qui peuvent être parfois contradictoires pour obtenir gain de cause. Malgré tout, cette possibilité nécessite d’avoir pour équilibre, une nécessaire cohérence procédurale, dont les parties ne doivent pouvoir s’affranchir.

        L’interdiction de se contredire au détriment d’autrui n’est pas un principe récent et totalement inédit, mais porte ses bases sur une longue pratique jurisprudentielle du droit international. Cette pratique est reconnue comme étant un principe fondamental en droit du commerce international, se basant sur le droit du Commonwealth, ou plus communément appelé common law. Sous le nom d’Estoppel, elle est perçue comme étant un élément moral, favorisant la bonne foi dans les nombreux échanges internationaux. Elle voit aussi son application dans le domaine de l’arbitrage ; à l’article 1466 du Code de procédure civile où « il est prévu que la partie qui en connaissance de cause et sans motif légitime s’abstient d’invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputé avoir renoncé s’en prévaloir ».

        Dans le cas présent, la société ayant absorbé l’une des deux sociétés mise en cause au commencement de la procédure, a montré une attitude contraire à deux moments différents. Tout d’abord, devant la Cour d’Appel de Lyon, l’appel que dirige la société demandeuse aurait dû être dirigé envers cette société et non pas contre la société initiale, qui a donc disparue et de ce fait, sa personnalité juridique aussi. Pour autant, cette société n’a, a aucun moment, soulevé ce moyen de défense, qui aurait pu se solder d’une fin de non-recevoir. Ce n’est que par la suite, lors de l’instance devant la Cour d’Appel de Paris, qu’elle soulève cette irrégularité : la société demandeuse assiste alors à l’effondrement de son cheminement procédural.

        La chambre commerciale relève à juste titre que la contradiction au détriment d’autrui n’est pas une simple modification de la stratégie procédurale, mais un moyen qui est en contradiction manifeste avec une action antérieure. C’est ici encore l’idée que le procès doit produire une décision la plus juste possible, qui ne doit être entachée d’aucune manœuvre frauduleuse d’une des parties.

        La Cour de cassation, utilise la « technique du visa de principe » en citant qu’elle juge au visa du « principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui », lui donne une dimension tout autre. Cela entraine une véritable consécration jurisprudentielle, qui place ce concept au rang de Principe Général de Droit. Ces règles non-écrites, ont une portée générale, que le juge considère comme devant s’imposer.

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