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Commentaire comparé des arrêts de : la chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 février 2013 et de la Cour d’Appel de Paris du 27 février 2014

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Par   •  30 Janvier 2017  •  Commentaire d'arrêt  •  3 417 Mots (14 Pages)  •  1 315 Vues

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Commentaire comparé

La question de l’articulation entre un régime spécial et un régime de droit commun qui semblent tous les deux applicables dans une même espèce est sujette à débat et les arrêts rendus par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 19 février 2013 d’une part, et par la Cour d’Appel de Paris en date du 27 février 2014 d’autre part l’illustrent bien.

En l’espèce, il est question d’un contrat de prêt conclu le 17 décembre 2007 entre une banque et une société. Le prêt est garanti par un gage sans dépossession portant sur un stock de marchandises comprenant un pacte commissoire. Dans le contrat, les parties visent expressément les articles 2333 et suivants du Code civil comme régime applicable à leur convention. Suite au non-paiement de plusieurs échéances, la banque résilie le contrat de prêt le 9 janvier 2009, et notifie à la société la réalisation de son gage le 16 janvier.

Entre temps, la société a émis une déclaration de cessation de paiements le 8 janvier 2009, et par un jugement en date du 19 janvier suivant, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé le placement en redressement judiciaire de la société, en fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 8 janvier 2009. Par jugement en date du 14 septembre 2009, la société fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. La banque ayant revendiqué le stock constituant l’assiette de son gage le 21 avril 2009, le juge-commissaire a, par une ordonnance en date du 30 octobre 2009 ordonné la restitution à la banque du stock existant au 16 janvier 2009 ou de son équivalent. Le Tribunal de commerce de Paris confirme cette ordonnance par un arrêt du 25 juin 2010. Le liquidateur judiciaire interjette appel.

Par un arrêt en date du 3 mai 2011, la Cour d’Appel de Paris confirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 25 juin 2010, en estimant que les parties pouvaient valablement choisir comme elles l’ont fait, de se référer aux dispositions du régime de droit commun du gage tel que fixé par les articles 2333 et suivants du Code civil. La Cour relève que l’article L.527-1 du Code de commerce, de par l’utilisation du mot « peut », offre la possibilité aux parties de soumettre leur contrat au régime spécial du gage des stocks et n’interdit donc pas celles-ci de se placer sous le régime de droit commun du gage. Les juges considèrent en outre qu’un telle interdiction ne peut pas non plus être déduite de l’article 2354 du Code civil, qui ne fait que confirmer le fait que les parties puissent librement choisir quel régime devra s’appliquer au contrat. Le liquidateur judiciaire se pourvoit donc en cassation.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt en date du 19 février 2013 casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris en date du 25 juin 2010. Les juges relèvent le fait que le gage en question porte sur des éléments visés à l’article L.527-3 du Code de commerce. De plus, ils constatent le fait qu’une des parties est un établissement de crédit. Dès lors, les juges estiment qu’il n’est pas possible de soumettre le contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession. Ainsi, la Cour d’Appel a d’après eux, violé l’article 2333 du Code civil par fausse application d’une part, et l’article L.527-1 du Code de commerce par refus d’application d’autre part. Les juges renvoient les parties devant la Cour d’Appel de Paris autrement composée.

La Cour d’Appel de Paris statuant sur renvoi après cassation résiste à la décision de la Cour de cassation et, par un arrêt en date du 24 février 2014, confirme le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 25 juin 2010. Les juges de la Cour d’Appel, contrairement à ceux de la Cour de cassation justifient leur décision dans un arrêt très pédagogique où ils reprennent point par point les prétentions du liquidateur appelant. Ils considèrent d’abord le fait que le régime spécial prévu à l’article L.527-1 et suivants du Code de Commerce n’interdit pas expressément de choisir le régime de droit commun sachant que ce régime n’est pas directement destiné aux entreprises en difficulté compte tenu de sa position dans le Code de commerce. De plus, le texte de l’ordonnance de 2006 réformant le régime du gage des meubles corporels n’interdisant pas expressément aux banques de recourir au régime de droit commun sachant en plus que celui-ci est accessible aux autres créanciers de l’entreprise, on ne peut pas dire que le législateur ait été motivé, dans la mise en place du régime spécial, par la volonté de protéger spécifiquement les entreprises, ce qui justifie l’application du principe selon lequel le doute et le silence profitent au régime de droit commun. De plus, les juges considèrent qu’aucun texte n’interdit aux parties de choisir d’appliquer le régime de droit commun pour garantir un crédit consenti par un établissement financier à une personne dans le cadre de son activité professionnelle. Dès lors, les juges considèrent que le gage ayant été valablement placé sous le régime de droit commun, le régime spécial prévu par les articles L.527-1 et suivants du Code de commerce n’a pas à s’appliquer.

D’autre part, les juges relèvent que le liquidateur ne prouve pas le fait que le choix du gage ait été motivé par une volonté de fraude, car le choix du régime étant permis par la loi, l’utilisation d’un moyen légal plutôt qu’un autre ne constitue pas une fraude.

En outre, les juges valident l’existence du pacte commissoire, étant donné le fait que la réalisation d’une sûreté ne constitue pas un paiement volontaire en période suspecte, entaché de nullité au sens de l’article L.632-1 du Code de commerce, sachant en plus que cette sûreté a été constituée avant le début de cette période.

Enfin, les juges retiennent la validité de la réalisation du pacte commissoire, car le liquidateur n’apporte pas la preuve d’une éventuelle connaissance de l’état de cessation des paiements de la société par la banque, au moment de l’exercice du pacte.

Ainsi, les juges semblent se demander quel régime est applicable au contrat de gage sans dépossession portant sur des stocks conclu en garantie d’un prêt consenti par un établissement de crédit au profit d’un débiteur dans le cadre de son activité professionnelle, lorsque les parties ont expressément décidé de se référer au droit commun?

Il semble que le régime spécial du gage des stocks, tel qu’il est mis en place par l’ordonnance du 23 mars 2006, très critiqué par une grande majorité des praticiens compte tenu de l’impact néfaste qu’il a vis-à-vis du créancier illustre l’intérêt que pourrait avoir la banque à ce que le contrat soit sous l’empire du régime du gage de droit commun. fasse l’objet de vives critiques par une grande majorité des praticiens et ces critiques peuvent sembler fondées compte tenu de l’impact néfaste qu’a un tel régime, vis-à-vis du créancier octroyant un crédit vital pour l’entreprise. En l’espèce, la banque a donc tout intérêt à ce que dans une telle situation, le contrat de gage soit sous l’empire du régime de droit commun. Le problème vient du fait qu’il semble légitime de remettre en question la précision juridique de l’ordonnance car telle qu’elle est rédigée, quant à l’articulation des ces deux régimes qui semblent coexister de manière équivoque, ce qui fait qu’on a des doutes sur la possibilité qu’ont les parties de choisir un régime plutôt qu’un autre. Dès lors, lorsque survient un contentieux, les juges n’ont d’autre choix que d’interpréter les textes pour déterminer que régime doit s’appliquer. Cette interprétation, essentielle en pratique, est aujourd’hui problématique compte tenu de l’impact qu’elle a dans une telle situation sur les acteurs économiques.

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