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Victor Hugo

Rapports de Stage : Victor Hugo. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  17 Mai 2014  •  2 918 Mots (12 Pages)  •  742 Vues

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I

Mets-toi sur ton séant, lève tes yeux, dérange

Ce drap glacé qui fait des plis sur ton front d'ange,

Ouvre tes mains, et prends ce livre : il est à toi.

Ce livre où vit mon âme, espoir, deuil, rêve, effroi,

Ce livre qui contient le spectre de ma vie,

Mes angoisses, mon aube, hélas ! de pleurs suivie,

L'ombre et son ouragan, la rose et son pistil,

Ce livre azuré, triste, orageux, d'où sort-il ?

D'où sort le blême éclair qui déchire la brume ?

Depuis quatre ans, j'habite un tourbillon d'écume ;

Ce livre en a jailli. Dieu dictait, j'écrivais ;

Car je suis paille au vent. Va ! dit l'esprit. Je vais.

Et, quand j'eus terminé ces pages, quand ce livre

Se mit à palpiter, à respirer, à vivre,

Une église des champs, que le lierre verdit,

Dont la tour sonne l'heure à mon néant, m'a dit :

Ton cantique est fini ; donne-le-moi, poëte.

- Je le réclame, a dit la forêt inquiète ;

Et le doux pré fleuri m'a dit : - Donne-le-moi.

La mer, en le voyant frémir, m'a dit : - Pourquoi

Ne pas me le jeter, puisque c'est une voile !

- C'est à moi qu'appartient cet hymne, a dit l'étoile.

- Donne-le-nous, songeur, ont crié les grands vents.

Et les oiseaux m'ont dit : - Vas-tu pas aux vivants

Offrir ce livre, éclos si loin de leurs querelles ?

Laisse-nous l'emporter dans nos nids sur nos ailes ! -

Mais le vent n'aura point mon livre, ô cieux profonds !

Ni la sauvage mer, livrée aux noirs typhons,

Ouvrant et refermant ses flots, âpres embûches ;

Ni la verte forêt qu'emplit un bruit de ruches ;

Ni l'église où le temps fait tourner son compas ;

Le pré ne l'aura pas, l'astre ne l'aura pas,

L'oiseau ne l'aura pas, qu'il soit aigle ou colombe,

Les nids ne l'auront pas ; je le donne à la tombe.

II

Autrefois, quand septembre en larmes revenait,

Je partais, je quittais tout ce qui me connaît,

Je m'évadais ; Paris s'effaçait ; rien, personne !

J'allais, je n'étais plus qu'une ombre qui frissonne,

Je fuyais, seul, sans voir, sans penser, sans parler,

Sachant bien que j'irais où je devais aller ;

Hélas ! je n'aurais pu même dire : Je souffre !

Et, comme subissant l'attraction d'un gouffre,

Que le chemin fût beau, pluvieux, froid, mauvais,

J'ignorais, je marchais devant moi, j'arrivais.

Ô souvenirs ! ô forme horrible des collines !

Et, pendant que la mère et la soeur, orphelines,

Pleuraient dans la maison, je cherchais le lieu noir

Avec l'avidité morne du désespoir ;

Puis j'allais au champ triste à côté de l'église ;

Tête nue, à pas lents, les cheveux dans la bise,

L'oeil aux cieux, j'approchais ; l'accablement soutient ;

Les arbres murmuraient : C'est le père qui vient !

Les ronces écartaient leurs branches desséchées ;

Je marchais à travers les humbles croix penchées,

Disant je ne sais quels doux et funèbres mots ;

Et je m'agenouillais au milieu des rameaux

Sur la pierre qu'on voit blanche dans la verdure.

Pourquoi donc dormais-tu d'une façon si dure

Que tu n'entendais pas lorsque je t'appelais ?

Et les pêcheurs passaient en traînant leurs filets,

Et disaient : Qu'est-ce donc que cet homme qui songe ?

Et le jour, et le soir, et l'ombre qui s'allonge,

Et Vénus, qui pour moi jadis étincela,

Tout avait disparu que j'étais encor là.

J'étais là, suppliant celui qui nous exauce ;

J'adorais, je laissais tomber sur cette fosse,

Hélas ! où j'avais vu s'évanouir mes cieux,

Tout mon coeur goutte à goutte en pleurs silencieux ;

J'effeuillais de la sauge et de la clématite ;

Je me la rappelais quand elle était petite,

Quand elle m'apportait des lys et des jasmins,

Ou quand elle prenait ma plume dans ses mains,

Gaie, et riant d'avoir de l'encre à ses doigts roses ;

Je respirais les fleurs sur cette cendre écloses,

Je fixais mon regard sur ces froids gazons

...

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