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Film les héritières

Commentaire d'oeuvre : Film les héritières. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  16 Octobre 2022  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 823 Mots (8 Pages)  •  374 Vues

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Les Héritières

Pour ce travail d’analyse, j’ai choisi d’analyser le film français Les héritières, diffusé en juin 2021 sur la chaine ARTE. Il a été réalisé par Nolwenn Lemesle et écrit par Laure-Elisabeth Bourdaud et Johanna Goldschmidt.  Il raconte l’histoire d’une jeune lycéenne noire, Sanou Diallo, qui intègre le lycée parisien d’exception Henri IV. Elle habite à La Plaine Saint-Denis et est issue d’une famille de quatre enfants avec un père ouvrier et une mère femme de ménage. Sanou est confrontée à un environnement socio-économique et culturel radicalement différent du sien tant en allant à Paris qu’en côtoyant ses nouveaux camarades issus de la catégorie socioprofessionnelle supérieure (CSP). Tant bien que mal, elle essaie de s’adapter à ce monde élitiste basé sur un idéal méritocratique jusqu’à en oublier sa famille, et par extension, son origine sociale et son identité culturelle.  

Afin de mieux comprendre les enjeux des extraits étudiés, nous allons procéder à une analyse en deux parties. Premièrement, la rentrée de Sanou et son début d’intégration à Henri IV parmi ses nouveaux camarades mettent au jour la forte présence d’une logique scolaire fondée sur la méritocratie et la reproduction sociale. Dans un second temps, afin de correspondre aux les exigences de son établissement, Sanou s’éloigne de son identité culturelle et familiale, la voilà donc tiraillée entre deux mondes dans une quête de mobilité sociale.

Encouragée et soutenue par son ancienne conseillère principale d’éducation (CPE), Madame Lebel, la brillante élève Sanou quitte un collège de zone d’éducation prioritaire (ZEP) pour intégrer un des lycées les plus prestigieux de France, le lycée Henri IV.  En effet, avec sa CPE et   son excellent parcours scolaire, elle a bénéficié du programme d’égalité des chances et ainsi pu candidater dans ce prestigieux établissement. Ce film met en avant la forte reproduction sociale existant en France dans le milieu scolaire. C’est notamment le travail du sociologue français Pierre Bourdieu qui a révélé l’importance de l’origine sociale et de l’école dans la formation et le parcours du nouvel individu. En effet, au début film, les parents d’élèves issus des CPS suivantes : ingénieur, directeur des ressources humaines et même secrétaire d’État ; ont fait preuve d’acharnement pour que leur descendance puisse faire partie de ce lycée de prestige et devenir ainsi les héritiers   pour reproduire la classe dominante. D’ailleurs, le nom du film, Les Héritières, n’est-il pas un clin d’œil à celui du livre Les héritiers (1964) de P. Bourdieu et Jean-Claude Passeron ?  Ce livre dont le sous-titre est Les étudiants et la culture met en évidence que l’école qui doit assurer mobilité et promotion sociale n’est qu’un leurre et contribue, en fait, à la reproduction et à la légitimation des inégalités sociales.

Cependant, Sanou semble être une exception. En effet, elle vient d’un milieu social défavorisé et doit son entrée en grande partie à son excellent travail. Plus concrètement, elle n’a pas aussi facilement accès aux ressources pédagogiques que ses camarades. Sanou a besoin d’argent pour acheter ses livres et va jusqu’ à solliciter sa tante.  Pour reprendre une analyse bourdieusienne, le capital économique de Sanou l’empêche d’accéder immédiatement aux ressources culturelles. Cela influence donc son capital culturel. Le capital culturel désigne l'ensemble des ressources culturelles détenues par un individu et qu'il peut mobiliser. Pour ce qui nous intéresse ici, le rôle du capital culturel dans la mobilité sociale, c'est le lien entre l'importance du capital culturel et la réussite scolaire qui est discuté. Ce capital influence directement leur parcours scolaire puisque les dispositions culturelles qu’ils ont acquis leur garantissent une meilleure réussite scolaire. L’enjeu est l’incorporation d’un capital culturel légitime. Selon Pierre Bourdieu, il est clair que la place des individus dans la hiérarchie sociale dépend, pour une large partie, des diplômes scolaires. Il semblerait que Sanou soit sur la voie de la mobilité sociale et ainsi contredire la thèse de Bourdieu en admettant la théorie de la non-reproduction sociale.

Enfin, dans ce premier extrait, on remarque que le discours de rentrée de la proviseure se fonde sur un certain idéal méritocratique, une valeur éminemment républicaine. On peut définir la méritocratie comme un principe d'obtention du pouvoir ou d'une position sociale fondé sur le mérite individuel. Cette logique renvoie à l'idée que chacun peut atteindre une position ou connaître une promotion sociale du fait de ses talents personnels et de son travail. La méritocratie est alors possible quand la sélection s'opère en dehors de toute considération d'origine sociale (du fait de son sexe, de son origine ethnique, du lieu où l'on habite, etc.). Son application permet théoriquement une mobilité sociale importante. Pour revenir au discours de la proviseure, le champ lexical utilisé est parlant ; on note : fiers, effort, excellence, talent, votre potentiel, honneur, engagement total. Des mots non sans signification et aucunement choisis au hasard. Tout au long du film, le personnel pédagogique est dans une dynamique qui soutient cet élitisme. En effet, on peut noter que même la CPE de ZEP fait preuve d’une grande détermination voire d’obnubilation face aux prestigieux lycées et écoles lorsqu’il s’agit de Sanou ou de Khaly, une élève de collège ayant un fort potentiel s’inscrivant dans le profil de Sanou.

Tout au long des extraits du film, les héritières, on remarque que Sanou veut intégrer le milieu bourgeois, le milieu élitiste de Paris intra-muros, elle qui vient de la banlieue. Elle remarque tout d’abord que les codes existent comme l’apparence physique, vestimentaire et le langage. Par exemple, la coupe de cheveux est normée. Notamment par le biais d’un plan rapproché sur les cheveux lisses d’une de ses camarades, on voit que ses cheveux ne reprennent pas les codes. Cette pression est telle qu’elle crée cette volonté de s’assimiler à ses camarades. Par cela, elle se cache. Cache son identité culturelle africaine derrière une « wig » aux cheveux lisses, perruque en français. Une réelle volonté de se conformer est à l’œuvre ici. Ses cheveux, pouvant représenter un stigmate, Sanou change et par extension, se conforme à la norme capillaire. Ce conformisme se retrouve dans d’autres aspects de la personnalité et du physique de cette jeune fille. C’est également par le langage qu’elle arrive à être assimilée à cette prétendue élite que constitue sa classe. En effet, lors de son exposé, elle brille aux yeux de ses camarades. Elle semble confiante et sûre d’elle. En corollaire, elle se distingue de ses proches. Une scène est notable sur ce dernier point : lors d’une visite de ses sœurs dans sa nouvelle chambre, elle emploie le verbe « appréhender », et, ces dernières s’amusent de cet emploi.

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