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Analyse de l'Incipit De L'étranger D'Albert Camus

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Par   •  12 Janvier 2013  •  2 848 Mots (12 Pages)  •  4 229 Vues

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L’Etranger, Albert Camus - Lecture analytique n°1

Du début à « prendre des tickets et faire deux heures de route. ».

Révision rapide des valeurs de l’incipit : informer (intrigue, personnages, cadre spatio-temporel, horizons d’attente).

L’incipit, ou plus précisément la première phrase de L’étranger est une phrase célèbre : « Aujourd’hui, maman est morte ». Célèbre sans doute par l’étrange choix que de commencer un roman par un aussi sinistre événement, mais également parce qu’elle donne immédiatement le ton de l’œuvre, et qu’elle nous fait d’emblée entrer dans cette technique narrative si particulière, entre le récit et le discours.

En quoi cette plongée dans l’intériorité du narrateur est-elle également une plongée dans une nouvelle conception du romanesque ?

Nous chercherons donc à comprendre les raisons du malaise certain qui saisi le lecteur à la première lecture, mais surtout à en déduire les implications dans la construction du personnage ambigu qu’est Meursault.

I. Une écriture désincarnée…

A. La découverte d’une intériorité

• Première personne et temps de l’écriture

Omniprésence du Je, choix des marqueurs temporels « aujourd’hui », « hier », « demain », « dans l’après-midi », « demain soir » : tendent vers le journal intime. Cependant, nous n’en avons pas les indices traditionnels (écriture sous forme de notes, indications de lieu et d’heure de l’écriture). Pas de logique narrative propre à ce genre.

Néanmoins, par emploi du PC, du présent de l’indicatif, du futur, nous sommes évidemment dans une forme de discours qui nous donne à voir l’intériorité d’un personnage, d’une conscience.

Personnage dont nous apprenons le nom par le hasard des événements racontés : « Mme Meursault », dit le directeur de l’asile, tout comme nous ne pouvons que deviner que l’action se passe à Alger. Ce qui ajoute encore à l’illusion du journal intime.

Pour conclure : temps isolant, et lecteur isolé dans le présent qui se déroule sous ses yeux. Mise à nu d’une conscience.

• Oralité apparente du discours

Qui va dans le même sens que les remarques précédentes. Phrases apparemment très simples : voir les trois premières lignes. Le discours est à peine plus construit que le télégramme retranscrit dans le premier paragraphe. Ecriture parfois même sous forme de notes : « cela ne veut rien dire », « toujours à cause de l’habitude », « C’était vrai ». Phrases réduite parfois à la plus simple construction grammaticale possible : noter par exemple la récurrence du schéma Sujet-Verbe-Complément. Les proposition sont placées de manière extrêmement classiques : « Comme il était occupé, j’ai attendu un peu ».

Marque du journal intime, mais également gage de vérité. Pas de réel mise en doute de la véracité des événements relatés : pas de soupçon du lecteur. Renforce d’autant plus cette entrée dans la vie – la conscience – du héros.

• Successions d’actions mécanisées

Premier malaise cependant apparaît très rapidement. La succession des événements est extrêmement brève, puisque les faits sont consignés de la manière la plus épurée possible. Par ailleurs, l’absence assez frappante de termes de liaison (asyndètes) crée l’illusion d’une succession d’action mécanisées : « l’asile est à deux kilomètres du village. J’ai fait le chemin à pied. J’ai voulu voir maman tout de suite. »

Conclusion partielle. Découverte d’une intériorité, certes. Mais d’une intériorité particulière qui, si elle semble s’offrir totalement au lecteur sans faire la moindre impasse sur les actions vécues, n’en est pas moins problématique par sa neutralité évidente. Le lecteur se trouve alors face à un genre romanesque inhabituel, et perd rapidement ses repères.

B. Une rupture avec les codes traditionnels du roman

• L’absence frappante de descriptions

Outre le style, la temporalité particulière, la description est également source de malaise. Ou plutôt l’absence de descriptions.

Cet incipit fait apparaître un certain nombre de personnages, dont aucun n’est décrit. Ainsi, la mère du « maman est morte » n’est-elle jamais l’objet d’une description, alors même qu’elle est au centre de la narration de cet extrait. De la même manière, Le patron, Céleste, Emmanuel, Le concierge, le militaire sont réduits à leurs simples prénoms ou fonction, ainsi qu’à leurs propos. Seul le directeur de l’asile a droit à un semblant de description : « C’était un petit vieux », « il m’a regardé de ses yeux clairs ». Elle est cependant réduite à son minimum, et on ne sort ni de l’expression courante (petit vieux) ni de la construction grammaticale simpliste (yeux clairs).

Les lieux ne sont pas davantage l’objet de description. Finalement, les actions n’en prennent que plus d’importance encore, puisque le récit tout entier se concentre sur leur enchaînement.

• Vers une complète objectivité

L’étude des temps et des personnes du récit nous conduirait à parler en termes d’énonciation d’une focalisation interne (chaque événement est vu à travers les yeux du narrateur). Cependant, l’absence de description s’accompagne d’absence presque totale de subjectivité, d’implication personnelle de Meursault. Attention : il nous donne bien ses pensées, nous explique ses choix. Mais il le fait sans jamais mentionner une quelconque implication affective : « J’ai dit « oui » pour ne plus avoir à parler ». Mais on ne sait pas pourquoi il ne veut pas parler… Face à ce laconisme de l’expression, le lecteur est amené à formuler lui-même ses interprétations. Quoi qu’il en soit, l’impression d’objectivité est totale, de neutralité pourrait-on dire. Les autocorrections vont d’ailleurs dans le même sens, en montrant la volonté ferme de ne dire que le vrai : « Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier. Je ne sais pas ».

• Coller au

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