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L'imaginaire national du Mexique post-révolutionnaire, Diego Riverra

Cours : L'imaginaire national du Mexique post-révolutionnaire, Diego Riverra. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  28 Novembre 2012  •  Cours  •  3 046 Mots (13 Pages)  •  1 369 Vues

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La nation appartient au domaine de l’imaginaire. Elle est un « artefact culturel » [1], qui permet de penser l’unité de la communauté nationale, c’est-à-dire l’unité d’une population sur un territoire donné. La nation, qui se donne comme une réalité immuable est le fruit d’une création culturelle que l’on peut étudier [2]. L’imaginaire national désigne cette construction culturelle qui permet de penser et de se représenter la nation. Le Mexique post-révolutionnaire se caractérise par l’élaboration d’une nouvelle conception de la nation : la Révolution (1910-1920) marque l’échec du projet libéral de construction de la nation

En effet, les Indiens ont été exclus de la communauté nationale pendant la période libérale et présentent un défi à l’intégration, car ils n’ont pas conscience d’appartenir à la nation mexicaine. Les intellectuels au service du régime post-révolutionnaire affrontent ce problème et forgent le projet d’intégrer l’Indien à la nation. Pour reprendre l’expression de Monica Quijada, la nation est « reformulée » [3] en des termes patriotiques et intégrateurs. Car les Indiens constituent le socle autochtone pour la construction de la nation entendue dans les termes de Renan, comme « une âme, un principe spirituel » constitué par « la possession en commun d’un riche legs de souvenirs » et par « le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis » [4]. L’indigène devient le cœur de la nation. Le problème national n’est plus envisagé en des termes politiques et abstraits, mais en des termes culturels.Les fresques de Diego Rivera au ministère de l’Éducation sont un témoin de cette mutation de l’idée nationale. Elles inaugurent une nouvelle façon de représenter le Mexique. Tout d’abord, elles sont un témoin de l’intégration de l’Indien. Ensuite, elles sont une des premières œuvres du muralisme naissant qui fait aujourd’hui partie intégrante du patrimoine national du pays : le muralisme constitue de nos jours une « imagerie nationale », un réservoir d’images pour se représenter la nation, diffusées à l’échelle du pays mais aussi à l’étranger. Il s’agit ici d’étudier cette construction culturelle et une de ses représentations iconographiques.

Le parcours de Diego Rivera

Rivera (1886-1957) est tributaire dans une certaine mesure de sa formation. Par un long voyage en Europe, il s’est détaché de la peinture officielle du régime précédent. D’abord élève de l’Académie de San Carlos à Mexico, sous l’influence de l’académisme européen, il part en Europe à partir de 1907. Il fait alors partie du mouvement cubiste, puis s’intéresse à Cézanne. Le nouveau ministre de l’Éducation, José Vasconcelos, élabore dès son arrivée aux affaires en 1920 un programme de promotion des arts. En 1921 il permet à Rivera, alors à court de liquidités, de partir en Italie, où l’artiste étudie les fresques de la Renaissance italienne ; il lui paie également son voyage de retour et l’engage pour peindre sa première œuvre murale dans un amphithéâtre de l’École nationale préparatoire, La Création, fortement influencée par ailleurs par les travaux de Puvis de Chavanne à la Sorbonne et au Panthéon, et dont le sujet est la création d’un homme nouveau, le métis. Jugeant que l’artiste ne connaît pas suffisamment le patrimoine folklorique du pays, il l’emmène dans le Yucatán début décembre 1921 au cours d’une visite officielle [5], puis l’envoie dans l’isthme de Tehuantepec pendant trois mois entre décembre 1921 et mars 1922. Ces deux régions sont alors considérées comme les plus « indiennes » du Mexique. L’artiste y prend contact avec le passé précolombien du pays et avec le folklore indigène. Puis en mars 1923, il commence son travail au ministère de l’Éducation.

La production de ses fresques s’étale sur près de six ans, de mars 1923 à février 1929, entrecoupée par de multiples épisodes. Diego Rivera décore en parallèle un hymne à la terre dans la chapelle de la nouvelle École nationale d’agriculture à Chapingo, à une quarantaine de kilomètres de Mexico, où se trouve le ministère. Par ailleurs, des périodes de troubles politiques ou de conflits avec les hommes qui gouvernent le pays interrompent la production. Enfin, le voyage de Diego Rivera en URSS, d’août 1927 à juin 1928 retarde l’achèvement des fresques. Les seuls éléments dont on dispose pour dater les différents panneaux sont les articles de journaux qui font référence aux fresques. On peut globalement distinguer deux phases dont la date charnière serait la démission de Vasconcelos de son poste de ministre en juillet 1924. Pendant la première période Rivera peint les travaux et les peines du peuple mexicain (l’artisanat mais aussi l’exploitation des travailleurs agricoles et des mineurs par la minorité créole), des allégories du Mexique (l’incarnation de la beauté indienne à travers la femme de l’isthme de Tehuantepec, la confraternité dans la douleur du péon et du mineur), et des allégories de la révolution. Les décorations de la seconde période voient la systématisation de certaines figures, notamment celles de l’ouvrier et du paysan dans de grands ensembles représentant les foules des fêtes folkloriques ou des rassemblements révolutionnaires. En effet, Diego Rivera est très proche du Parti communiste mexicain dont il est membre par intermittence. Une lecture politique des décorations est toujours possible et encouragée par Rivera dont la signature au bas des panneaux est agrémentée d’une faucille et d’un marteau. Rivera forme petit à petit une théorie qui lie indissolublement art et politique. Dans un premier temps, cette réflexion est menée dans le cadre du Syndicat des ouvriers techniques, peintres et sculpteurs, créé fin 1922 par les artistes que José Vasconcelos a engagés (D.A. Siqueiros et J.C. Orozco en font partie, entre autres). Selon le manifeste du syndicat : « les créateurs de beauté doivent s’efforcer à ce que leur travail présente clairement à travers une propagande idéologique le bien du peuple, assignant à l’art, qui est actuellement une manifestation de masturbation individualiste, une finalité de beauté accessible à tous, d’éducation et de lutte » [6]. Cet art accessible au peuple doit être un art monumental dont le lieu ne peut être que les édifices publics, à l’image du ministère de l’Éducation. Ainsi, celui-ci « étant, plus que tout autre édifice public, l’édifice du peuple, le thème de sa décoration ne pouvait être autre que la vie de ce même peuple » [7]. La fresque est l’incarnation de cet art à vocation didactique et politique : « Par ses principaux

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