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Etude Du Tableau De Rigaud, Le Sacre De Louis XIV

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Par   •  23 Juin 2014  •  1 833 Mots (8 Pages)  •  2 241 Vues

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Hyacinthe Rigaud, Louis XIV en costume de sacre, 277 x 194 cm, 1702, Musée du Louvre, Paris

1. Louis XIV, metteur en scène du pouvoir royal

Hyacinthe Rigaud (1659-1753), peintre et courtisan à Versailles, reçut la commande de ce portrait en 1701 de Philippe V d'Espagne, petit-fils du roi-soleil, qui avait lui-même posé l'année précédente. Toutefois, Louis XIV apprécia tellement la production de Rigaud qu'il décida de la conserver... et d'en multiplier les copies (dont une gardée au Prado), consacrant le tableau en véritable portrait officiel. La toile fut exposée dans la salle du trône du palais de Versailles, c'est-à-dire au centre de l'édifice, lui-même au centre de la France. Louis XIV avait ainsi l'assurance que chacun pourrait admirer sa personne et, surtout, se rappeler l'étendue de la puissance royale. Nous disposons donc bien ici d'un outil de gouvernement ancré au cœur du système absolutiste français (sans doute est-ce l'occasion de reparler du modèle centre-périphérie...). La nature de l'œuvre (une commande) et son emplacement indiquent ainsi dès l'abord que le monarque entendait mettre en scène son pouvoir.

Dans le but de célébrer au grand jour l'absolutisme royal, Rigaud et le monarque recoururent à des effets que l'on pourrait qualifier sans exagération de théâtraux. On relèvera, du plus évident au plus subtil :

- le rideau pourpre (couleur de la majesté depuis l'Antiquité), évocation à peine voilée des scènes, derrière lequel se laisse timidement deviner le trône, uniquement indentifiable à l'aide des fleurs de lys qui le parsèment. La vie du roi fut une perpétuelle représentation, de son lever à sept heures précises à son coucher vers vingt-trois heures... Arme de gouvernement, cette théâtralisation de la vie à Versailles contribua à la domestication de la noblesse et à la glorification de la personne royale.

- la confusion des styles : la couronne, incarnation de la majesté, est ainsi posée sur un simple tabouret (fût-il royal) ; de même, Louis XIV tient son sceptre à l'envers et s'appuie sur ce dernier comme sur une simple canne... On peut en tirer deux enseignements: d'une part le roi-soleil montre par là qu'il incarne la majesté, que sa seule présence suffit à magnifier le meuble le plus ordinaire (un tabouret) et, d'autre part, que lui seul dispose de suffisamment de grandeur pour se comporter « sans affectation » (est-il permis d'en rire) en présence des regalia (insignes du pouvoir)...

- le pas de danse: nous entrons ici, si l'on ose dire, de plein pied dans le domaine de la symbolique monarchique. Chacun sait que le roi-soleil fut un excellent danseur au temps des fêtes de 1664 et, plus généralement, tout au long de sa jeunesse. Rigaud composa néanmoins son tableau en 1701/1702, c'est-à- dire à une époque où Louis XIV entamait sa soixante-quatrième année. De fait, le visage du roi est, sur le portrait, celui d'un vieil homme. Aucune concession d'âge ici, aucune trace de la flagornerie habituelle aux courtisans (au demeurant, Louis XIV avait exigé que ses traits fussent véritables). Pourquoi alors exhiber les jambes fermes d'un danseur de vingt ans ? Au-delà d'un improbable réflexe de coquetterie, il convient ici de distinguer les deux corps du roi : le roi physique (vieux en 1701, comme le montre son visage) et le roi symbolique, immortel, assurant la continuité de la couronne et de l'Etat (« le roi est mort, vive le roi »). Au-delà de la simple nostalgie, Louis XIV réaffirma ici un dogme de la politique française : « les rois ne meurent pas en France ». N'oublions jamais que, si la phrase « L'Etat, c'est moi » fut apocryphe, il affirma à sa mort : « Je m'en vais, mais l'Etat demeurera toujours. »

Pourquoi cette mise en scène spectaculaire ? Laissons répondre le Grand Roi lui-même : « les peuples [...] se plaisent aux spectacles. Par là, nous tenons leurs esprits et leurs cœurs ». Il s'agissait donc d'une arme politique, donnant au monarque un pouvoir sur les esprits, composante essentielle du système absolutiste.

Le roi de France disposait-il néanmoins de pouvoirs « concrets » étendus habilement mis en scène ou cette théâtralisation avait-elle vocation à dissimuler son impuissance politique ?

2. La concentration des pouvoirs dans la personne du roi.

Ce portrait permit à Louis XIV d'afficher les regalia. Si l'on accepte, au prix d'un léger anachronisme, la tripartition exécutif, législatif et judiciaire (bien commode pour les élèves), que constate-t-on?

En ce qui concerne le pouvoir exécutif :

- le sceptre était, outre le symbole du pouvoir de vie et de mort du roi (bien théorique à l'époque), le prolongement de la main droite de ce dernier, c'est à dire la main de l'action, de l'exécution.

- l'épée (ici « Joyeuse ») rappelait le statut de chef des armées du roi, combattant pour la gloire de Dieu (ou pour avoir le dernier mot : « ultima ratio regis »). Le monarque décidait de la paix et de la guerre.

En ce qui concerne le pouvoir législatif :

- l'emploi de l'or et du pourpre dans les vêtements renvoie à un privilège rare qui réglementait de façon fort sévère les tenues vestimentaires à la cour de Versailles. Ainsi, de 1664 à 1708 (donc à une période qui nous concerne), un brevet était nécessaire pour porter des vêtements brodés d'or et d'argent. La débauche d'or sur le costume de sacre rappelait ainsi à tous que le roi agissait "selon son bon plaisir" et qu'il était au-dessus des lois. Le monarque, source de tout privilège, était naturellement source de toute loi (« c'est légal parce que je le veux »).

En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, longtemps considéré comme le véritable pouvoir par les monarques (le roi justicier mit longtemps à s'effacer devant le roi législateur) :

- la main de justice (évidemment) : toute justice en France était rendue au nom du roi. Le monarque ne fit que déléguer cette attribution aux parlements (et la reprit régulièrement lors de lits... de justice).

- le bas-relief à droite de la couronne laisse deviner un corps féminin. Il s'agit de la déesse

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