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Daniel Buren, Le pavillon coupé découpé taillé, 1986

Commentaire d'oeuvre : Daniel Buren, Le pavillon coupé découpé taillé, 1986. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Avril 2018  •  Commentaire d'oeuvre  •  2 383 Mots (10 Pages)  •  719 Vues

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INTRODUCTION

Le Pavillon coupé, découpé, taillé, gravé a été conçu par Daniel Buren pour le pavillon français de la Biennale de Venise en 1986. L’artiste se verra décerné le Lion d’or pour le meilleur pavillon national cette année-là.

Ce pavillon installe une asymétrie dans un lieu symétrique à l’extrême. Lorsqu’il gravit les quelques marches qui mènent au péristyle (endroit avec les colonnes) du pavillon français, le visiteur remarque que cet espace est coupé en deux par le milieu (de façon perpendiculaire à l’axe de symétrie du bâtiment), et que la moitié qui lui fait face est recouverte d’une alternance de miroirs et de bois peint en blanc, larges de 8.7 cm.  

En entrant ensuite à l’intérieur du pavillon, le visiteur constate alors que le travail in situ effectué par Daniel Buren déséquilibre l’ordre symétrique, maintenu d’un bout à l’autre de l’édifice. L’espace du pavillon est en effet coupé, de part et d’autre de son axe de symétrie, en deux parties égales. On remarque alors, dans les différentes pièces du bâtiment, la présence de l’outil visuel si spécifique à l’artiste tel que l’alternance de bandes blanche / colorées.

Nous allons essayer de comprendre à travers l’œuvre « Le Pavillon coupé, découpé, taillé, gravé », quelle est la vision de Daniel Buren quant à la relation que les arts visuels entretiennent avec leurs lieux de représentation ?  

 

I. Le pavillon coupé, découpé, taillé, gravé 

A. Un motif à répétition : les bandes alternées 

Les bandes alternées blanc/couleur (dans l’œuvre : noir) ne sont en aucune manière destinées à être regardées pour elles-mêmes. Elles constituent, non une fin artistique, mais un moyen destiné à désigner un lieu, le dessiner, le révéler au regard. Elles ont comme valeur celui de signe, d’outil visuel.

Daniel Buren dit, en parlant de l’origine de cet outil visuel :

« J’ai trouvé du lin à rayure qui était généralement utilisé pour des coussins et des matelas. […] Ce matériel ressemblait exactement à ce que j’avais essayé de faire de façon formelle avec la peinture pendant plus d’une année. »

« Les rayures sont devenues un modèle, un signe que j’ai plus tard appelé mon outil visuel. Cette séquence de rayures alternant le blanc et la couleur d’une largeur particulière 

– 8.7 cm – n’est que l’élément stable que j’ai utilisé sans exception depuis 1965. » (8.7 cm étant la largeur des rayures du lin qu’il avait trouvé)  

C’est à partir de 1967 que le motif devient l’outil visuel de Buren. Les bandes alternées sont dorénavant imprimées sur tout matériau malléable, adaptable à la texture du lieu auquel elles sont destinées : papier collé, puis cellophane, plastiques transparents autoadhésifs. Non plus seulement sur des toiles.  Elles peuvent également être peintes sur verre, bois acier, pierre ou bien même gravées, sablées, cousues, collées, découpées etc. Le motif bandes alternées n’a en soi aucune signification. Buren jette son dévolu sur celui-ci précisément parce qu’il appartient à un fond décoratif anonyme, neutre, impersonnel.  

Son usage universel l’a dépourvu de tout sens particulier.

« Les bandes que j’utilise constituent l’élément le moins intéressant, l’équivalent du piano pour le pianiste, seulement un instrument. Pour moi, il s’agit d’instruments impersonnels, ni figuratifs, ni originaux, ni optiques. Il n’y a pas beaucoup de signes qui ont toutes ces qualités. » dit Buren.

Les bandes du Buren ne doivent pas être appréhendées comme un objet, mais comme un agencement de propriétés, dont seule la largeur de 8.7 cm et l’alternance chromatique blanc / couleur sont invariants.  

 

 

B. La notion de verticalité dans l’œuvre 

L’outil visuel employé par Daniel Buren est constitué de bandes verticales alternées blanc/couleur. Pourquoi des bandes verticales, plutôt qu’horizontales ou sinueuses ? la logique de la verticalité se déduit du principe de neutralité de l’outil visuel. Ce dernier doit attirer l’attention sans pour autant occulter le bâtiment sur lequel il est apposé. La verticalité des bandes est destinée à faire corps avec la verticalité de toute construction architecturale. Tout bâtiment, en tant que construction du sol vers le haut, obéit à un principe de verticalité, il est donc logique que Buren ait choisi des bandes verticales pour en souligner la structure.

Buren dit :« Le choix de la verticalité est dû à la volonté de créer le moins d’« accidents »  possibles dans la lecture de l’œuvre, de laisser cette « marque » étrangère à son support ou au lieu travaillé avec le moins de « dire » possible. Mise horizontalement par exemple sur un mur vertical, le « dialogue » entre ces deux opposés dit déjà plus que l’osmose « verticalité sur verticalité ». »  

Notons également que la verticalité des bandes alternées renvoie à la posture du visiteur. Les bandes verticales sont destinées à établir une multiplicité de rapports dialectiques entre l’outil visuel et les éléments architecturaux du lieu investi. La verticalité par elle-même ne signifie rien de particulier, elle ne prend sens qu’une fois confrontée au corps architectural du site qu’elle dessine.

C. Une possible déambulation dans l’espace 

Daniel Buren à inversé la relation que les arts visuels entretiennent par rapport à leurs lieux de présentation. Il refuse tout assujettissement des œuvres d’art aux cadres de présentation qui les gèrent en fait malgré elles. Aussi, il ne considère plus le carde d’exposition comme un spectacle neutre et déduit donc ses travaux des lieux où ils prennent place afin de les intégrer à l’œuvre elle-même. Et ce retournement conceptuel lui a permis d’élargir l’activité artistique à des zones jusque-là inexplorées du champ visuel.  

Buren ne cesse de lutter contre le point de vue unique de l’œuvre d’art. Sa démarche plaide en faveur d’un élargissement du regard à l’ensemble d’un site, d’un environnement, de la ville, de l’espace. Lorsque le spectateur focalise son attention sur un tableau, il détourne son regard du reste du monde. Il met de côté la réalité du lieu pour se concentrer uniquement sur la fiction de l’œuvre.  

Un tel diktat, celui d’une œuvre qui impose un seul point de vue, le sien, et détourne simultanément la vision du reste du monde ne peut correspondre à la logique de Buren. S’il intervient sur le site, c’est précisément pour inciter le spectateur à multiplier ses points de vue, lui proposer une libre déambulation afin de lui faire découvrir progressivement la réalité qui se livre au regard par fragments successifs, un peu comme une caméra explore les multiples facettes d’un espace.  

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