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Analyse filmique série

Analyse sectorielle : Analyse filmique série. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Décembre 2022  •  Analyse sectorielle  •  4 968 Mots (20 Pages)  •  214 Vues

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Esther GOROSPE

Numéro étudiant : z92013781

Fiche de lecture : Space 1999

Space 1999 est le point culminant des longues et fructueuses carrières d’une réalisatrice et d’un réalisateur : Sylvia et Gerry Anderson. C’est un hommage à l’ensemble de leur œuvre, un condensé de leur expérience. Cette série est née d'une période culturelle intéressante: une époque où le premier alunissage était un souvenir tout récent et où il y avait tout lieu de supposer que l'établissement permanent sur la lune n'était qu'à un quart de siècle. Précédant la renaissance du space opéra qu’est Star Wars en 1977, Space 1999 est issue d'un genre de science-fiction de plus en plus spéculatif et loin de l'action. À certains égards, cette série tient de nos jours moins d’une relique que du symbole d'un chemin non emprunté, à la fois dans l'exploration scientifique et dans la culture populaire. En termes de reconnaissance, Space 1999 est à Star Trek ce que Haydn est à Mozart : L’un s’est en partie fait éclipser par l’autre.

En surface, Space 1999 est un monde où les humains font souvent des erreurs, où les mystères sont intentionnellement laissés sans réponse et où les lois de la physique définies par les scientifiques sur Terre trouvent leur limite. Mais elle est aussi la mise en place d’un lieu coupé de la société par la distance mais aussi, peu à peu, philosophiquement parlant. La lune, objet de convoitises à cette époque, est présentée franchement sous le prisme de l’excès propre à l’homme. Ce sont donc les rapports complexes de l’homme face au nucléaire, à l’altérité, mais aussi à l’angoisse, à la peur, qui sont mis en avant le temps de quelques épisodes.

        Il s’agira de montrer en quoi la lune est devenue le théâtre de la décadence des hommes. Nous commencerons par présenter la lune comme victime de son investissement par les hommes et de la démesure qui en découle par l’occupation radioactive. Ensuite, il importera d’analyser comment la lune prend des allures hétérotopiques de par le fait qu’elle devient elle-même le réceptacle de nombreuses péripéties tout aussi hétérotopiques. Enfin, nous examinerons dans un dernier temps la dimension formatrice de la lune en montrant qu’au-delà d’un réceptacle, la lune constitue bien une instance purificatrice face à la dimension hubristique dont l’homme est empreint.  

La lune est traitée dans le premier épisode comme une zone intensément investie par l’homme qui y propage peu à peu sa démesure par le biais de l’occupation radioactive. Sa fonction de stockage est un enjeu clé pour l’homme. C’est d’ailleurs la toute première chose qui est présentée au spectateur en débutant le premier épisode. (« À la dérive », 00 :08 à 01 :45 puis 03 :45 à 04 :56) La lune tourne autour de la terre, la terre tourne autour du soleil. L’astre lunaire, au premier plan, se dévoile de la gauche vers la droite pour venir recouvrir presque tout l’écran avant un fondu : elle s’impose au spectateur et est présentée comme le sujet principal avec, d’emblée, une allure menaçante et inhospitalière. Le côté sombre de la lune est mis en avant de manière extrême que ce soit par l’image, le texte, mais aussi par la voix juxta diégétique de John Koenig : une véritable emphase est créée avec la voix narratrice du commandant qui s’ajoute à l’image et au texte, ce qui plonge le spectateur dans une situation concrète et simple à appréhender car le visuel et l’audible viennent se fondre pour présenter une même chose. Au plan suivant, c’est un zoom – symbolique - qui est fait sur un point précis du côté sombre de la lune : le dépôt de déchet nucléaire. Il est présenté dans un plan d’ensemble en forme de croix par travelling latéral. Sylvia et Gerry Anderson proposent à leur public une vision du futur des plus dystopiques quant à l’usage qui serait fait du côté justement « sombre » de la lune : il servirait de stockage d’une matière responsable d’événements tout aussi sombres. Une potentielle utilisation du nucléaire sur terre à des fins offensives n’est d’ailleurs jamais mentionnée. Les producteurs ont fait le choix de laisser le spectateur percevoir à sa manière ce que représente, pour lui, le nucléaire. L’homme sur Terre place ces déchets sur la lune pour les cacher de sa vue, dans l’ombre, pour en nier l’existence. De plus, l’état alarmant de la lune laisse imaginer l’état de la terre (que l’on ne voit pas) potentiellement déjà saturée de déchets nucléaires : après quelques secondes de visionnage, le spectateur peut conclure qu’il n’existe pas, pour l’homme, d’habitat qui ne soit pas souillé par sa démesure. Avec ce premier plan, la lune s’impose et se place en entité dangereuse ainsi que dominatrice de par la force destructrice qu’elle possède en son sein. La bande son de Barry Gray qui accompagne ces premières secondes vient insister sur l’inquiétude que procure ce qu’est devenu l’imposant astre lunaire. Le ralenti des astronautes au dépôt de déchets nucléaires, représentant la gravité six fois inférieure à la nôtre, sert notamment à faire comprendre au spectateur qu’il est dans un autre temps, un autre lieu que ce qui lui est habituellement familier. Les voix des personnages qui passent par ondes radio et qui ont, elles, un débit normal, viennent créer un contraste certain lors de l’altercation entre Steiner et Nordstrom qui déstabilise le spectateur.

De manière plus générale, « Breakaway » réussit par sa simplicité à introduire aux téléspectateurs la routine de la vie sur la base lunaire Alpha et les personnes qui la peuplent.  Même quarante-cinq ans après la création de Space 1999, le spectateur se verra offrir des décors, des miniatures et accessoires qui créent un monde futuriste encore convaincant. Les couloirs, les salles de contrôle et les quartiers de l’équipage de ce complexe tentaculaire contribuent tous à créer un fort sentiment de vraisemblance mais aussi, paradoxalement, de déroute lorsque dans ce même environnement, les alphans subiront la rupture de la lune avec son orbite. Les chaises, lampes, bureaux et ordinateurs de la base sont tous identifiables comme des extensions de la technologie moderne plutôt que comme des inventions fantaisistes d’une époque lointaine. De ce fait, le spectateur n’est pas perdu : bien que le réalisateur et la réalisatrice de cette série de science-fiction ont eu pour objectif de compliquer la tâche au spectateur, celui-ci est tout de même considéré comme coopératif et pourra facilement se projeter dans un univers où sont disséminés quelques repères. Au niveau sonore, l’omniprésence de bruitages d’appareils électroniques contribue à l’immersion et à la vraisemblance, lors de communications radio ou lorsqu’un personnage s’adressera à l’ordinateur, par exemple. Somme toute, ces premières minutes créent en quelques sortes l’horizon d’attente du spectateur qui aura un pied dans le futur et un autre dans le présent grâce à la réalité convaincante de la base Alpha. La direction de cet épisode par Lee H. Katzin comprend toute l’action et les décors qu’il appréhende d’un œil détaché, d’un regard presque clinique. Cette approche ajoute à l’acception immédiate par le spectateur de la technologie futuriste présente sur Alpha et de la capacité aux humains, dans cet univers, à se servir de la lune comme d’une poubelle à déchets nucléaires. La lune est également devenue l’instance de transmission d’un « virus » à cause de ses sols qui se sont retrouvés en quelque sorte contaminés par les radiations et affectent à leur tour les hommes. (« Breakawway » 18 :40 à 21 :40) : Cette maladie qui serait transmise par les radiations est le centre d’une scène horrifique construite en montage alterné. Les plans de détails répétés sur la main de l’astronaute qui débutent en même temps qu’une bande son assez chaotique alternés à une vérification minutieuse des taux de radiation viennent accentuer chez le spectateur, par appréhension, l’inconfort ressenti par l’astronaute et la manière dont il réagira. Dos à lui, J. Koenig et V. Bergman sont déjà placées en position de victimes. Cette maladie à la provenance (à ce stade de l’épisode) inconnue et générant à chaque fois une réaction violente sur le sujet est à la hauteur de l’impuissance des alphans confrontés à ce phénomène. Elle illustre parfaitement la conséquence des ambitions démesurées de Simmonds, obnubilé par Meta. L’astre lunaire s’est transformé en une bombe à retardement sur laquelle les hommes se sont eux-mêmes installés. (« Breakaway » 38 :30 à 42 :50) : Juste avant la catastrophe, le commandant qui essaie de raisonner une nouvelle fois Simmonds – un des responsables de la catastrophe à suivre - est accompagné par un bruit de fond grave et linéaire, annonçant implicitement la montée de température du secteur 2. Ç’en suivent de multiples plans en caméra portée, des zooms à la volée sur les personnages pour signifier leur panique intérieure. La situation du secteur 2 est montrée en simultané par rapport au centre de contrôle de la base par le biais d’un montage alterné pendant toute la durée des multiples explosions afin de mieux rendre compte de la confusion des événements. Les hommes se retrouvent littéralement impuissants, immobilisés face à la violence du phénomène qu’ils ont engendré à cause de la gravité modifiée.

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