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TRUST

Commentaire d'oeuvre : TRUST. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Mai 2018  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 574 Mots (7 Pages)  •  489 Vues

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        C’est le 14 novembre 2017, nous prenons le bus afin de nous rendre au théâtre de la Joliette, voir cette pièce dont nous entendons parler depuis quelques semaines maintenant, Trust, écrite par Falk Richter juste après le Krach banquier et financier de l’automne 2008, mise en scène par Thomas Fourneau, confiée à cinq artistes, pour l’occasion à la fois comédiens, danseurs et musiciens.

Nous sommes le soir, dans un petit théâtre, au cœur de Marseille, au sein de ces embruns de début de soirée, aux côtés de ces quelques voitures qui, après une dure journée, mouvementée et fatigante, ramènent, auprès de leur famille, les derniers travailleurs. Petit lieu paisible et reposant, tranquille au milieu de ce vacarme, nous entrons dans cette salle où se jouera la pièce qui, sans doute, marquera profondément plus d’un. Le calme avant la tempête, ce lieu qui nous sera doux et terrible, nous berce, nous saisit, calmement, progressivement.

Cette pièce, je vous le confesse, me paraissait quelque peu étrange. Traitant de la manière dont les conséquences des crises économiques se font ressentir dans les corps et les consciences, tout en scrutant frontalement la perte de repères au sein du couple, de la famille mais aussi d’une communauté plus vaste, cette création déploie avec humour et violence une langue d’après le krach. Ne m’inspirant pas grandement, cette pièce, je l’atteste, ne me faisait pas vibrer d’impatience, en effet, l’économie ne m’attirant pas énormément, je l’appréhendais quelque peu.

Je m’assois, les comédiens sont déjà présents, assis dans ce décor chamboulé, renversé. Ils sont calmes, paisibles, on distingue un sourire sur leur visage, se voulant presque rassurant, cachant la tempête à laquelle ils vont nous faire assister. Je ne devine alors pas ce qui m’attend, je ne prévois absolument pas cette marque que cette pièce gravera à jamais dans mon esprit.

La lumière s’assombrit, la musique se laisse une douce place entre les spectateurs, les comédiens commencent à bouger, à danser, à s’agiter, c’est le début de cette pièce qui m’aura particulièrement frappée.

Seuls un carré blanc et quelques objets divers constituent ce décor, simple et épuré. Le carré blanc au sol, paraissant presque étouffant pour les acteurs qui n’en sortiront pas, symbolise l’enfermement, le cloisonnement. Le décor, mobile tout au long de la pièce, montre des objets du quotidien, notamment ce canapé, sollicité très régulièrement par les comédiens, déplacé de tous les côtés, il transmet un certain énervement, de la rage, peut-être de la frustration ou de l’agacement, souvent démantelé et mis à l’envers, il sera un instrument à la fois convivial, familial, agréable mais aussi, défouloir, mouchoir parfois, essuyant les peines et états d’âmes des uns et des autres. [pic 4]

En plus d’un décor très épuré et minimaliste, cette pièce ne dispose de presque aucun jeu de lumière, en effet nous ne retrouvons qu’une simple projection en arrière-plan d’images et vidéos singulièrement abstraites. De temps à autre selon l’humeur et l’état d’esprit, l’état du cœur des comédiens, la lumière change d’intensité, parfois chaude et apaisante lorsque les comédiens vont bien, parfois froide et glaçante quand ils se disputent, s’énervent, et enfin, parfois grise et terne, afin d’afficher leur mal-être, leur désespoir, leur solitude, leur tristesse. Cependant, c’est juste ce qu’il faut, pour une pièce comme celle-ci, qui dénonce la vérité, sans superflu. Dans ce décor, bien qu’épuré, une figurine se tiens dans un coin. Elle ne se fait pas remarquer et pourtant ce Superman en dit gros, en effet mondialement connu, ce personnage n’était sans doute qu’une image afin de représenter les problèmes liés à l’économie, le monde entier étant touché par ceux-ci, ces problèmes sans fin, à nous en faire perdre la tête, comme cette figurine qui l’a déjà perdue.

Finalement, le carré blanc représente avant toute chose l’enfermement, en effet Trust est une pièce qui parle de la crise économique, une crise infernale, qui nous concerne tous, dans laquelle nous tournons en rond, nous laissons emporter, sans retour possible, sans issue de secours, un cercle vicieux, incessant. [pic 5]

Cette pièce, ne possède pas beaucoup d’effets, que ce soit peu de lumière, de son ou d’images. Malgré cela, bien que pauvres, des images sont projetées en arrière-plan pendant que les comédiens jouent ou alors à la toute fin. Ces images et vidéos abstraites, sont sans doute le reflet des pensées des comédiens, leur être intérieur. Surtout grises, noires, sombres et tristes, maussades, ces images nous laissent penser que les comédiens sont dans un état de détresse, qu’il soit physique ou moral. D’ailleurs, deux types d’images et vidéos seront projetés, pendant la pièce ce seront surtout des images abstraites qui dévoileront le moral, l’esprit des comédiens, puis, à la fin, ce sera une séquence vidéo montrant les corps d’hommes et de femmes, dénudé, dans une sorte de transe, laissant alors paraitre leur mal-être physique, le corps qui prend le dessus sur les mots, la parole de l’âme, de l’esprit, s’exprimant sur ces corps fragilisés, fatigués, heurtés.

La musique quant à elle, très rythmée, répétitive, agaçante, lassante, parfois saisissante lorsqu’elle cadence les comédiens dans une sorte d’état second, lorsque leur corps prend le dessus sur leur parole, lorsqu’elle permet alors d’exprimer ce manège infernal, incessant, terriblement répétitif  qu’est l’économie.

Le fait que le décor et tout ce qui l’entourait soit très épuré était particulièrement agréable, les émotions étant déjà fortes, parfois à la limite de l’étouffement, un décor plus chargé aurait été de trop. Cette pièce dit la vérité, le vide pouvant paraître comme symbole de pureté, d’honnêteté, il ne fallait pas un décor surchargé, gâchant cette symbolique, cette pièce était surtout réaliste, dévoilant directement les problèmes que nous vivons tous, les exposant au grand jour, il ne fallait rien pour cacher cela. Le but étant de dévoiler une vérité, il ne fallait pas la camoufler avec des choses superflues.

Extrêmement attachants, les comédiens ont, tout au long de la pièce, démontré une énergie follement débordante. Ils ont su nous porter, nous embarquer avec eux, dans leurs folles histoires, de couple, de famille, d’argent, d’amour, de doutes et de soupçons. Attachants, leurs émotions seront les nôtres, en effet, pourvu d’une faculté impressionnante à faire ressentir leurs émotions, leurs états d’âmes, nous entrons sans difficulté dans leur univers, sans arduité nous nous laissons bercer, emporter tranquillement, lentement par leurs humeurs, leurs pensées positives ou négatives, bien que très souvent sombres et peu heureuses. Les comédiens ont souvent recours à la danse afin d’extérioriser ce qu’ils ne parviennent pas à dire par la parole, chose qui, lentement ou violemment, nous emportera avec eux, au sein même de tous leurs soucis. Tous ayant une forte personnalité, chacun d’eux représente une catégorie de la population, ils représentent ces différentes personnes et leurs réactions face à leurs problèmes, leur galère devant leur pire ennemi, le fruit de toutes leurs plus profondes angoisses, l’économie. Certain coulent en silence dans cette mer déchaînée, pendant que d’autres tentent de se révolter ou lancent des cris de SOS. Et nous, impuissants devant ce désastre reportons cette situation à chez nous, à notre propre situation, et alors tout cela nous submerge, nous réalisons, nous comprenons et c’est à ce moment-là, précisément, que les comédiens ont accompli l’objectif principal de la pièce : nous faire comprendre, tout simplement, nous ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure. [pic 6][pic 7]

Tout au long de la pièce, comme dit précédemment, les comédiens ont recours à la danse afin de pouvoir extérioriser leur colère, leur anxiété, leur inquiétude, la rage qui les ronge jusqu’au plus profond d’eux-mêmes. Saccadée et rythmée, leur danse les transforme en pantins, comme s’ils ne contrôlaient plus rien, comme si finalement c’était leur galère qui prenait les rênes et jouait avec eux, se moquant, riant d’eux, de leur situation, de leur détresse face à l’immensité de leurs soucis, innombrables.

Ce qui était particulièrement appréciable dans le jeu des comédiens est que, toujours, ils jouaient vrai. C’est-à-dire qu’ils jouaient à fond mais sans ajouter de choses inutiles ou superflues qui viendraient gâcher finalement le fait qu’ils se livrent sans plus aucune pudeur, face à nous, impuissants devant leur détresse. La force de jeu des comédiens était donc très impressionnante, laissant parler leurs émotions, ils ont su nous les partager, nous les faire ressentir, nous les transmettre, sans non plus nous les imposer.

La femme crie, c’est la fin d’une énième boucle, avant que tout cela ne recommence. [pic 8]

Bouleversée, c’est l’adjectif qui décrit le mieux mon état à ce moment précis, après ce cri que la femme a poussé, après la fin de cette pièce incroyable que, jamais je n’oublierai. Nous retournons alors sur nos pas, nous repartons prendre le bus, nous faisons le chemin inverse, mais cette fois-ci le retour sera silencieux, tous, nous repensons à ce à quoi nous venons d’assister. Chamboulée, je repense à quelques semaines plus tôt alors que j’hésitais à venir voir cette pièce. Silencieusement, intérieurement je repense à ce cri que la femme a poussé, puissant, saisissant, alarmant… Je me dis alors que jamais, au grand jamais je n’oublierai cette pièce, qui aura changé mon regard sur le monde.

Marie Poquelin.

        

[pic 9]

        

        

        

        

        

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