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L'êle des esclaves, Marivaux

Commentaire d'oeuvre : L'êle des esclaves, Marivaux. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Octobre 2017  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 835 Mots (8 Pages)  •  778 Vues

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Arracher la nature humaine aux terreaux de la condition sociale

Introduction

« L’île des esclaves » est une comédie mise en scène par Marivaux au XVIIIème siècle. Cette oeuvre en onze scènes, raconte l’aventure de 2 couples maître-valet qui, échoués sur une île à la suite d’un naufrage, sont obligés par les insulaires, anciens esclaves révoltés, à échanger leurs rôles et affrontent les épreuves que le gouverneur de l’île établit pour les conduire finalement à la réconciliation et à l’humanité. Au sein des épreuves qui servent à mettre en lumière les défauts des deux classes sociales, on y voit se dessiner les contradictions profondes ainsi que le fait cruel que les hommes ne valent rien si l’on s’enlise dans les terreaux de la condition sociale qui enterrent l’humanité. A côté de ces dévoilements, Marivaux inspire également nos réflexions en matière de l’arrachement de la nature humaine aux terreaux de statut social afin d’aboutir à une société paisible et harmonieuse.

L’épreuve du portrait : mirroir qui réflecte les défauts des maîtres

Au cours de l’épreuve du portrait, les anciens maîtres sont obligés d’entendre les portraits dressés par leur valet. Dans la scène 5 se déroule le portrait d’Iphicrate à travers la réplique d’Arlequin qui ne contient que des mots généraux servant à présenter l’extravagance et la misère de son ancien maître d’une façon brève. Dans la Scène 3 et 4, pendants de la scène 5, contrairement à Arlequin, Cléanthis nous expose un portrait si vivant de sa maîtresse que l’on croirait la voir en chair et en os. Le discours et le récit vont de pair pour nous profiler une image coquette et vaniteuse d’Euphrosine. A part ces descriptions minutieuses, l’utilisation dominante du pronom indéfini "on" tels que « qu'on m'apporte un miroir », « qu'on m'habille »[1] se révèle aussi un indice important du mépris avec lequel Euprosine traite ses valets. En revanche, le pronom indéfini « on » qu’emprunte Cléanthis pour présenter sa maîtresse tels que «Cependant on se mire, on éprouve son visage de toutes les façons »[2] implique une satire sans complaisance de sa maîtresse. Ce miroir véridique constitue la première étape de la remède vers la correction des maîtres, ce qui est pour l’objectif de révéler leurs défauts au grand jour et les faire reconnaître leurs erreurs.

Au gré du déroulement des portraits, on constate bien que les deux maîtres font preuve d’une grande honte devant leurs défauts. Prend Euphrosine comme exemple : «Je vous prie, Monsieur, que je me retire, et que je n'entende point ce qu'elle va dire»[3], « Je n'y saurais tenir»[4], « Je ne sais où j'en suis»[5]. Ces phrases parsemant tout au long de cette épreuve impliquent que de fait, elle a conscience que ses comportements sont assez honteux et impropres, ce qui nous invite à poser la question : pourquoi elle est tellement honteuse devant le réquisitoire de Cléanthis alors qu’elle se sent à l’aise quand elle se comporte ainsi dans la vie quotidienne ? Le dialogue entre Euphrosine et Trivelin dans la Scène 4 dévoile la réponse :

« EUPHROSINE. −  On est d'un certain rang; on aime à plaire.

TRIVELIN. −  Et c'est ce qui fait que le portrait vous ressemble.

EUPHROSINE. −  Je crois qu'oui. »[6]

Les hommes ne valent rien

Avec ces trois phrases, il est visible que sa vanité, son orgueil, son regard dévalorisant sont issus de ce monde aristocratique et que c’est ce rang mondain qui la conduit vers ces défauts. Ces habitudes représentent en réalité l’appartenance à une classe ainsi que l’appartenance aux apparences et dissimulent la nature intime de l’individu. C’est la raison pour laquelle elle n’éprouve aucun sentiment de honte quand elle se manifeste ainsi. La honte et la raison sont enfouies par les terreaux des moeurs de l’aristocratie. Loins d’être l’individu indépendant, les maîtres s’enferment dans leur statut. «Pouvons-nous être sans eux ? c’est notre suite»[7], cette réplique de Cléanthis en tant que maîtresse dénonce par une autre facette que le statut aristocratique passe pour le seul pilier qui soutient l’existence des nobles. A part leur statut noble, il ne leur reste aucune valeur personnelle. Par conséquent, les maîtres se réduisent à rien lorsqu’ils perdent leurs attributs de pouvoir, ce qui est justifié par l’intrigue de l’épée.

L’épée, emblème essentiel du statut social, représente l’aristocratie et le pouvoir. Dans la Scène 1, avec son épée dans la main, Iphicrate reproche à son valet Arlequin son impertinence et tente de punir ses écarts. A sa surprise, Arlequin ne se laisse plus frapper comme avant. Au contraire, il proclame « tes forces sont bien diminuées, car je ne t'obéis plus, prends-y garde »[8]. Ici, les «forces» ne signifient pas les puissances physiques mais la puissance sociale, c’est-à-dire sa supériorité sociale. Ce qui fait peur aux valets, n’est point l’épée perçante dans la main des maîtres, mais les privilèges fatals incarnés par cette épée qui dépassent la justice. C’est la raison pour laquelle Arlequin ne craint plus face à cette épée. Les maîtres s’imposent par leur statut au lieu de leurs mérites individuels. Toute leur dignitié repose totalement sur la gloire de leur noblesse. Par conséquent, lorsqu’ils tombent de leur piédestal, ils ne parviennent plus à tenir leur majesté devant les valets. Une fois privés de pouvoir et de statut, il se réduisent à rien.

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